Le Rassemblement National a comme projet la fin du collège unique – pour aller vers un collège modulaire (concept emprunté au SNALC, syndicat d’enseignant·es). Un projet inique dont on sait que ce sont les élèves des classes populaires qui en seront les premiers impactés. Roger Chudeau, le monsieur éducation du parti, a été plus loin dans une récente interview. Il annonce un examen d’entrée en sixième pour accéder au collège. Claude Lelièvre, historien, revient sur cet examen qui avait cours dans la troisième et quatrième République.
Dans une interview au journal « Les Echos » Roger Chudeau , présenté comme le « référent ‘’école’’» de Marine Le Pen, a annoncé qu’en CM2, « un examen national » déterminerait l’entrée en sixième. Ceux qui échoueraient redoubleraient ou seraient orientés vers « des sixièmes d’adaptation ». Les classes de sixième et cinquième seraient communes aux collégiens, mais ils pourraient être réorientés avant la troisième.
« L’examen d’entrée en sixième » – qui est une référence plus ou moins mythique dans notre mémoire de l’École publique – a finalement duré fort peu de temps – à l’échelle de l’histoire – puisqu’il n’est apparu que vers la fin de la troisième République et qu’il a disparu vers la fin de la quatrième République.
Il a été créé par deux arrêtés successifs (du 1er septembre 1933 et du 13 février 1934 ) à la suite de la décision de rendre progressivement gratuit l’accès aux classes de l’enseignement secondaire des lycées et collèges publics – car, on l’oublie trop souvent, Jules Ferry avait institué la gratuité de l’enseignement primaire public, mais non celle du secondaire public. Les enfants du peuple d’une part, les enfants de privilégiés d’autre part.
A la » barrière de l’argent » qui jusque-là limitait l’accès à l’enseignement secondaire aux classes socialement favorisées – à l’exception des rares boursiers triés sur le volet par des concours de bourses difficiles – est substituée une autre » barrière » – un examen d’entrée, car il n’est pas envisagé un seul instant que l’école de l’élite – le secondaire – soit « submergée » par l’entrée massive des enfants du peuple.
Le décret du 23 novembre 1956 supprime » l’examen d’entrée en sixième pour les élèves de l’enseignement public dont les résultats de la dernière année scolaire auront été égaux ou supérieurs à la moyenne « . De fait, il y a eu plusieurs étapes jusqu’à son extinction. Le 23 novembre 1956, l’examen a été supprimé par décret, mais seulement pour les élèves du public dont les résultats en dernière année d’élémentaire étaient supérieurs ou égaux à la moyenne. Il demeurait pour les autres et pour les élèves du privé.
Simultanément, on a commencé à débattre d’un report de l’âge de la fin de la scolarité obligatoire. Cela s’est fait en 1959 : il a été décrété que les enfants ayant 6 ans cette année-là devraient être scolarisés jusqu’à 16 ans. Le passage de 14 à 16 ans est donc devenu effectif en 1967 – lorsque ces enfants ont eu 14 ans.
Entre-temps, en 1963, on a créé le collège d’enseignement secondaire, un établissement unique qui allait accueillir tous les élèves de 11-12 ans jusqu’à 15-16 ans. On s’était aperçu que souvent les enfants de milieux populaires ne demandaient pas l’entrée en sixième pour des raisons financières. Les établissements étaient très dispersés et, faute de ramassage scolaire, il fallait payer l’internat.
L’examen d’entrée en sixième ne comptait que trois épreuves – une dictée, des maths et un compte rendu après lecture d’un texte – et était moins complet que le certificat d’études que l’on passait à 14 ans. En plus, en raison des coefficients, il suffisait d’obtenir un bon résultat en maths pour l’avoir.
En fait, cet examen a peu à peu disparu. Avec la création des CES, on a d’abord demandé à tous les élèves de CM2 de présenter un dossier de passage. Lorsque l’un d’eux était recalé, il pouvait demander à passer, en appel, l’examen d’entrée en sixième. Puis, lorsqu’en 1972 les CES ont fini par mailler le pays, pratiquement tous les élèves y ont été admis, après avis d’une commission.
Claude Lelièvre