Dans sa dernière note d’information, le Conseil d’évaluation de l’École (CEE) fait le bilan de l’évaluation des établissements français, « à l’aune des pratiques internationales ». La campagne d’évaluation des écoles et des établissements pour l’année 2022-2023 représente une étape cruciale dans l’amélioration continue du système éducatif français soutient le CEE. En associant auto-évaluation et évaluation externe, cette démarche participative viserait à renforcer la qualité de l’enseignement et à instaurer une culture commune d’analyse et de réflexion. Ce bilan national met en lumière les succès obtenus, les défis rencontrés et les perspectives d’avenir pour l’éducation en France.
Une démarche collaborative et inclusive
L’évaluation des écoles et des établissements scolaires en France est un processus participatif qui inclut tous les acteurs de la communauté éducative, des enseignants aux élèves, en passant par les parents et les personnels administratifs. Depuis son lancement il y a trois ans, cette démarche s’est progressivement ancrée dans les pratiques des établissements scolaires français. Le Conseil d’évaluation de l’École (CEE) affiche une ambition claire : créer une culture commune d’auto-évaluation et d’évaluation externe pour améliorer le service rendu aux élèves grâce à une analyse construite et partagée.
En 2022-2023, la campagne d’évaluation a atteint une couverture significative avec 2 150 établissements du second degré évalués, représentant 20 % du nombre total d’établissements publics et privés sous contrat (19 % en 2021-2022). La dispersion selon les académies s’est également réduite, avec une moyenne de plus de 18 % des établissements évalués dans 24 académies. Les établissements privés sous contrat montrent une progression constante avec 11 % d’évaluations en 2021-2022, 14 % en 2022-2023, et une prévision de 17 % pour 2023-2024, avec l’objectif d’atteindre 20 % dès la fin du premier cycle d’évaluation.
L’enseignement agricole, après une année expérimentale en 2021-2022 pour adapter la démarche à ses spécificités, est entré dans le processus d’évaluation systématique à la rentrée 2022. Environ 66 structures ont été évaluées en 2022-2023, soit 21 % des établissements depuis le lancement de la démarche. La programmation des quatre années à venir permet d’assurer une évaluation complète en cinq ans. Pour les lycées français à l’étranger, une expérimentation est en cours, impliquant quatre établissements qui ont achevé leur auto-évaluation.
L’auto-évaluation : « un levier pour le changement »
L’auto-évaluation constitue la première phase du processus d’évaluation. Elle permet aux équipes pédagogiques de prendre du recul sur leurs pratiques et d’identifier les axes d’amélioration. Les témoignages recueillis lors d’une enquête auprès de 38 régions et pays illustrent l’impact positif de cette démarche. Dans l’Académie de Nantes, par exemple, l’auto-évaluation de l’EREA (Établissement régional d’enseignement adapté) menée au cours de l’année scolaire 2022-2023 a permis de fédérer les équipes autour d’une dynamique commune. La constitution d’un comité de pilotage interprofessionnel, ouvert à tous les volontaires, a été un élément déterminant pour insuffler une dynamique de travail commune, dont l’objectif était de prendre le temps de s’arrêter pour « se regarder pédaler ».
Dans l’Académie de La Réunion, l’évaluation a été perçue comme une opportunité pour les équipes de s’interroger sur leurs pratiques et de redéfinir les priorités éducatives. L’auto-évaluation, en offrant à chacun le temps de se questionner sur ce qui a été réalisé au sein de l’établissement et sur les besoins des élèves, a constitué un temps privilégié pour permettre à l’ensemble de la communauté éducative de se retrouver, de partager du temps avec les partenaires et de réfléchir ensemble. Cette démarche a permis de renouer la confiance des membres de la communauté en l’École, l’élève en sortant gagnant.
L’évaluation externe : « un regard critique et constructif »
La deuxième phase du processus d’évaluation, l’évaluation externe, enrichit la réflexion menée en interne par un regard extérieur. Les évaluateurs externes, souvent constitués d’inspecteurs de l’éducation nationale, de conseillers pédagogiques et de directeurs d’écoles, apportent une perspective critique et constructive qui permet de préciser les conclusions de l’auto-évaluation et de définir des axes stratégiques.
Dans l’Académie de Poitiers, les personnels de l’EREA appréhendaient initialement la phase d’évaluation externe, craignant que la méconnaissance des spécificités de ce type de structure et du public scolarisé n’entraîne un jugement dégradé sur le travail mené par les équipes. Cependant, la collaboration entre l’équipe de direction et les évaluateurs externes a permis de répondre à ces appréhensions en donnant du sens au processus d’évaluation externe. Les regards croisés entre l’auto-évaluation et l’évaluation externe ont conduit à un enrichissement conséquent de la réflexion des personnels. La phase de rassurance a rapidement permis une prise de recul conséquente, amenant une vraie réflexivité des personnels, des questionnements de fond et un ajustement des axes de travail et des actions, au service de l’évolution de l’établissement pour la réussite de tous les élèves.
Impacts et perspectives
Après trois ans de mise en œuvre, le bilan de l’évaluation des établissements montre des impacts tangibles sur le fonctionnement des établissements et sur les organisations académiques. Les établissements ont mieux identifié les besoins des élèves et les axes de travail prioritaires grâce à une exploitation plus fine des données et des indicateurs. L’évaluation a également favorisé l’émergence de bonnes pratiques et a créé une dynamique d’amélioration continue. Les projets d’établissement, rédigés en continuité avec l’évaluation, sont devenus plus collaboratifs et mieux articulés aux besoins identifiés.
Dans l’Académie de Lille, la cité scolaire évaluée lors de l’année scolaire 2020-2021 a tiré profit de la démarche. La bienveillance et la pertinence des évaluateurs externes ont transformé le classique rapport d’opposition direction/enseignants en un diagnostic plus partagé et consensuel. Les priorités dégagées ont eu un impact réel sur la politique de l’établissement, initiant une démarche réflexive pour chaque acteur. Le fonctionnement du conseil pédagogique a été redéfini, de nombreux groupes de travail multicatégoriels ont vu le jour, et l’établissement s’est remis en mouvement, redéfinissant la communauté éducative et transformant durablement les rôles de chacun dans cet écosystème.
Témoignages et perspectives
Plusieurs témoignages d’établissements montrent l’impact de l’évaluation sur le terrain. À Besançon, les résultats de l’évaluation ont été exploités pour rédiger un nouveau projet d’établissement, axé sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de la vie scolaire. À Strasbourg, l’évaluation a permis de cibler des points d’amélioration précis, comme l’accompagnement des élèves à l’oral du DNB, aboutissant à des résultats significatifs.
La campagne d’évaluation des écoles et des établissements pour l’année 2022-2023 a confirmé la pertinence et l’efficacité de cette démarche pour le CEE. « En combinant auto-évaluation et évaluation externe, elle permet de porter un regard critique et constructif sur les pratiques éducatives », estime-t-il. « Si des défis restent à relever, notamment en termes de coordination et d’articulation avec les projets d’établissement, les progrès réalisés sont encourageants et témoignent de l’engagement de la communauté éducative à améliorer la qualité de l’enseignement en France ».
Lilia Ben Hamouda