La dernière note publiée par la Depp – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance – traite de la mixité sociale au collège. Le service statistique du ministère propose « un état des lieux de la ségrégation sociale au collège à la rentrée 2023 ». On y apprend notamment que « le niveau et les composantes de la ségrégation sociale varient d’un département à l’autre, compte tenu notamment du degré de ségrégation résidentielle entre communes et quartiers, du poids du secteur privé et des inégalités économiques ». Sans surprise, les autrices notent le creusement des écarts de composition sociale entre secteurs public et privé, « le secteur privé scolarisant de plus en plus d’élèves de milieu favorisé » spécifiquement dans une vingtaine de départements situés plutôt dans la moitié sud.
La ségrégation sociale est régulièrement mise en avant comme un facteur renforçant les inégalités scolaires rappelle la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance. « Elle soulève un enjeu de cohésion nationale, dans la mesure où elle rend plus difficile la rencontre de jeunes de milieux sociaux différents ». C’est pour ces raisons qu’améliorer la mixité sociale et faire diminuer la ségrégation entre les établissements scolaires « est inscrit dans les missions du service public d’enseignement ».
Forte ségrégation entre le public et l’enseignement privé sous contrat
« À la rentrée 2023, 42,3 % des élèves du secteur privé sous contrat sont de milieu social très favorisé contre 20,5 % dans le public. Inversement, 16,6 % des élèves du secteur privé sous contrat sont issus de milieu défavorisé contre 40,1 % des élèves du secteur public », soulignent les autrices. « En se restreignant aux élèves entrant en sixième, pour lesquels des données sur longue période sont disponibles, la proportion d’élèves de milieu social très favorisé était déjà supérieure de 11 points dans les collèges privés, au regard des collèges publics, en 1989. Cet écart est resté assez stable au cours des années 1990, puis a augmenté fortement à partir du début des années 2000, pour atteindre 20,6 points en 2023 ». L’écart selon la proportion d’élèves d’origine sociale défavorisée, qui était de 17 points sur les entrants en sixième en 2003, s’est également creusé. Il atteint 21,3 points en 2023.
Si la ségrégation induite par la concurrence public-privé est relevée, la note de la Depp souligne aussi celle liée aux différences de composition sociale entre collèges, au sein de chacun des secteurs public et privé. Des écarts reflétant généralement la ségrégation urbaine à l’œuvre.
Depuis 2014, à l’échelle nationale, la ségrégation sociale entre collèges a relativement peu varié. « Cette stabilité du niveau de ségrégation sociale pour l’ensemble des collèges masque des évolutions plus marquées quand l’indice est décomposé selon les secteurs public et privé ». Cette stabilité est le résultat de deux évolutions contraires.
Dans les établissements publics, la ségrégation tend à baisser depuis 2018. Les collèges publics tendent à être plus homogènes socialement en 2023 qu’il y a cinq ans. Il en est de même parmi les collèges privés. Mais, les écarts de composition sociale entre secteurs public et privé se sont creusés, le secteur privé scolarisant de plus en plus d’élèves de milieu favorisé.
Une ségrégation sociale disparate sur tout le territoire
Dans six départements sur dix, l’hétérogénéité parmi les collèges privés est plus élevée que parmi les collèges publics. C’est le cas des départements de l’ouest de la France, un constat en lien avec la forte implantation historique de l’enseignement privé dans cette région. Dans quatre départements sur dix, les collèges publics présentent une plus grande hétérogénéité dans leur composition sociale. C’est le cas dans le nord-est et dans le sud-est de la France.
Là où la ségrégation privé-public est la plus forte, c’est en région parisienne, dans le nord de la France, dans le sud méditerranéen et dans les départements et régions d’outre-mer.
Autre information, la hausse de la ségrégation sociale dans une vingtaine de départements, situés majoritairement dans la moitié sud de la France.
« Les évolutions de la ségrégation sociale ne suivent pas les mêmes tendances d’un département à un autre », conclut la Depp. « Ces différences pourraient refléter des politiques plus ou moins actives en matière de mixité sociale, mais aussi des différences de positionnement du secteur privé, ou encore de contexte démographique ».
Lilia Ben Hamouda