La section française de l’Association internationale pour la recherche en didactique du français (AIRDF) a tenu à exprimer sa grande inquiétude au sujet de la réforme annoncée de la formation des enseignants et la création des écoles normales supérieures du Professorat (ENSP). Le Café pédagogique publie sa tribune.
Ce projet remet en cause la qualification et les compétences de haut niveau nécessaires pour enseigner aux différents niveaux de la scolarité. Dans une école et une société plurielles et inclusives, appliquer mécaniquement des « bonnes pratiques » ne suffit malheureusement pas pour faire progresser tous les élèves. En effet, d’autres pratiques sont mises en avant par de nombreuses recherches en didactique et en éducation, appuyées sur des méthodologies variées et adaptées à des contextes spécifiques. C’est en formant des praticiens réflexifs, capables de stimuler l’intérêt et la réflexion des élèves, d’ajuster leurs pratiques à la diversité de leur public et aux imprévus, de valoriser le plurilinguisme, les différences et la coopération, que l’école et la formation peuvent tenter de répondre aux besoins et aux enjeux cruciaux actuels. Nous défendons notre attachement à une formation initiale des enseignants des premier et second degrés professionnalisante et universitaire, alliant enseignement lié à la pratique, apports théoriques et recherche.
Améliorer la formation ne peut se faire qu’en tirant parti de l’expertise et de l’engagement des professionnels du terrain (enseignants, formateurs, inspecteurs…) et de la recherche en éducation. Nous dénonçons un calendrier intenable pour permettre la mise en place d’une réforme portée par l’intelligence collective des différents acteurs et prenant appui sur une évaluation de la formation actuelle, déployée depuis deux ans seulement.
De surcroit, une direction des ENSP par des Inspecteurs généraux de même qu’un recrutement des intervenants uniquement par les pilotes académiques risquent de mettre à mal l’équilibre décisionnel, le travail en équipe pluricatégorielle, l’universitarisation de la formation en appui sur des modèles et ressources pédagogiques et scientifiques multiples. Selon l’article L.141-6 du code de l’éducation (2000), le service public de l’enseignement supérieur « doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».
Une licence préorientée vers un seul débouché professionnel, sans garantie de réussite du concours, formera majoritairement des vacataires et des contractuels qui exerceront sans formation complémentaire digne de ce nom. Un modèle accordant une large place à ce type d’intervenants entraine également des changements récurrents dans les écoles et un turnover d’enseignants face aux élèves qui ont besoin de stabilité, d’expertise et de continuité pour apprendre. Il en va de même pour les équipes pédagogiques si l’on souhaite garantir un enseignement de qualité.
Pour ces différentes raisons, nous demandons un report et une révision de cette nouvelle réforme, ainsi qu’une prise en compte des besoins et des compétences des différents acteurs afin de répondre de façon pertinente aux enjeux de l’école du 21ème siècle.