Décidemment le collège-lycée Stanislas ne cesse de faire parler de lui. Alors que Pap Ndiaye diligentait une enquête en février 2023, le rapport, remis l’été dernier au ministre Gabriel Attal, semble s’être perdu sur son bureau. La nouvelle ministre, interrogée par Mediapart, assurait ne pas l’avoir. Et pourtant. Dans un article publié hier soir, Mediapart révèle que le rapport a bien été remis au ministre le 1er aout dernier et le dévoile la exclusivité.
« Ce rapport de trente pages montre que l’établissement, qui compte des classes de maternelle, primaire, collège, lycée et classes préparatoires, ne respecte pas la loi en obligeant tous ses élèves à suivre une heure hebdomadaire de catéchèse (l’enseignement de la religion catholique), de la maternelle aux classes prépa. Dans ces cours, des intervenant·es tiennent des propos homophobes, anti-avortement, font la promotion des thérapies de conversion et demandent à « pardonner aux violeurs », écrit le journaliste, David Perrotin.
Rédigé par quatre inspecteurs qui ont auditionné 106 personnes, le rapport révèle de graves manquements au contrat d’association auquel sont soumis les établissements privés sous contrat avec l’État, et donc financé à 73% par les contribuables. Tous les élèves de l’établissement doivent suivre un cours de formation chrétienne inscrit à leur emploi du temps. « Un manquement à ce respect serait incompatible avec le maintien dans l’établissement », indique le règlement de l’établissement. Une obligation pourtant interdite. La direction reconnait d’ailleurs ne pas prendre en considération les candidatures ne respectant pas « l’esprit Stan ».
« La mission a reçu plusieurs témoignages sur des dérives au cours de l’heure de catéchèse », écrit la mission. Propos homophobes et sexistes, promotion des théories de conversion, diabolisation de l’avortement qui est assimilé à un meurtre… y sont proférés.
Autres manquements relevés par les inspecteurs généraux : le contenu de certains enseignements et l’absence de séances d’éducation à la sexualité – inscrite au code de l’éducation. Et lorsque la direction daigne mettre en place des séances « d’éducation affective », les filles et les garçons sont séparés, même lorsqu’ils sont scolarisés dans des classes mixtes (minoritaires dans l’établissement « Il ressort de la consultation, pour toutes les classes de collège, qu’un seul professeur assume traiter de la contraception, en classe de quatrième et de troisième, comme prévu dans les programmes officiels », indique le rapport.
Quant à la réforme du lycée, peu de traces dans cet établissement. « Le collège Stanislas a donc refusé d’appliquer la réforme et maintenu les anciennes séries (littéraire, économique, scientifique), allant jusqu’à utiliser d’anciennes dénominations (A,B et C) pour les désigner », écrivent les rapporteurs.
Peu d’égalité et encore moins de parité
Dans l’établissement, une classe de Segpa, deux mixtes, trois de filles et cinq de garçons. Quant à l’internat, les garçons bénéficient de 130 lits, les filles de 26…« Il est à noter que la situation des classes de garçons dans l’organisation spatiale de l’établissement n’est pas neutre », écrit la mission. Et en effet, le bâtiment des filles n’est pas dans l’enceinte de l’établissement, contrairement à celui des garçons.
Quant aux tenues vestimentaires, « la mission relève sur vingt ans une préoccupation constante de l’apparence du corps féminin, qu’il faut cacher : vêtements opaques, épaules (couvertes), ventre (hauts sur le bas des hanches), cuisses (longueur des jupes et des robes), poitrine (pas de décolletés). Ce niveau de détails relève du sexisme. Il renvoie la jeune fille à une image sexuelle de son corps qui attire et perturbe les garçons ».
« Interrogés pour savoir si le ministère de l’Éducation comptait rendre public ce rapport, ledit ministère comme Matignon refusent de nous répondre. Amélie Oudéa-Castéra, qui a défendu Stanislas pendant l’enquête selon nos informations, compte-t-elle suivre les recommandations de la mission ou se déporter ? Ses conseillers refusent eux aussi de nous répondre. Et puisqu’elle l’a choisi pour ses enfants, la ministre considère-t-elle ce type d’éducation comme un modèle à suivre ? » interroge Mediapart.
Lilia Ben Hamouda