Dans cette tribune, Yannick Trigance revient sur l’une des annonces chocs du précédente ministre de l’Éducation nationale : le Diplôme National du Brevet (DNB) sésame pour le passage en lycée. Une annonce qui montre le « déni affiché des questions de mixité sociale et scolaire, le refus d’admettre un nécessaire brassage des élèves et une hétérogénéité porteuse de progrès pour tous s’inscrit parfaitement dans l’assertion sentencieuse qu’« un examen qui a du sens, c’est un examen qui a des conséquences » ».
- Après le retour en force des groupes de niveaux, du redoublement, de l’uniforme-qui dans les faits n’a jamais existé en tant que tel, des injonctions pédagogiques sous forme de labellisation des manuels scolaires et de bouleversement des programmes, voici que le Ministre Gabriel Attal ajoute une nouvelle pierre à l’édifice d’une école passéiste, profondément conservatrice et porteuse d’un tri social toujours plus prononcé : la fin du Diplôme National du Brevet –DNB- comme outil de validation des apprentissages fixés en fin de 3ème par le socle commun de connaissances, de compétences et de culture que tout élève de 16 ans doit savoir et maitriser.
Les arguments déployés à grand renfort de communication par le ministre portent en réalité une conception particulièrement élitiste qui va à l’encontre de l’une des missions essentielles de l’Ecole de la République : celle de la démocratisation de la réussite.
En déclarant que le brevet souffre « d’un affaissement du niveau d’exigence », d’une « dévalorisation des notes » et qu’en conséquence échouer au brevet signifie « qu’on n’a pas le niveau pour entrer au lycée », le Ministre érige le brevet en véritable barrage pour accéder au lycée.
Dans le prolongement idéologique du « Choc des savoirs » plébiscité par la droite la plus réactionnaire qui soit et qui consiste en un véritable séparatisme social et scolaire tout en faisant passer l’idée que si tout le monde réussit, c’est que le niveau d’exigence est rabaissé, le ministre annonce la création d’une « classe prépa de lycée », appellation déguisée et non assumée de la mise en place d’une « voie de garage » réservée à ceux qui échouent.
Outre le fait qu’il lui faudra créer 3400 postes afin d’encadrer les quelque 85000 élèves qui chaque année échouent au DNB, le ministre se garde bien de préciser que ces élèves sont très majoritairement scolarisés dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) où seulement 82% des élèves obtiennent le DNB et dans les réseaux d’éducation prioritaire + (REP) où ce taux de réussite tombe à 79%.
Le déni affiché des questions de mixité sociale et scolaire, le refus d’admettre un nécessaire brassage des élèves et une hétérogénéité porteuse de progrès pour tous s’inscrit parfaitement dans l’assertion sentencieuse qu’« un examen qui a du sens, c’est un examen qui a des conséquences ».
La suppression annoncée du « correctif académique » présentée comme un élément qui « réévalue artificiellement la valeur » des notes attribuées par les correcteurs aux épreuves finales des examens parachèvent ce système de tri et de relégation quand bien même le Directeur Général de l’Enseignement Scolaire – mais pas le ministre lui-même – assure ne pas vouloir remettre en cause les procédures d’harmonisation des notes qui garantissent l’équité entre les candidat·es.
Chacun appréciera ces précautions oratoires mais nul n’est dupe : l’ensemble du dispositif reste extrêmement cohérent et sans ambiguïté aucune. Il s’agit bel et bien de positionner le DNB non plus comme un examen mais bien comme un concours avec ses reçu·es et ses recalé·es, réintroduisant le principe des « vainqueurs » et des « vaincus » tout confortant de fait l’impact de l’origine sociale sur la réussite scolaire.
Au final, sans débat aucun à l’Assemblée nationale –la voie réglementaire suffira- sur un changement d’orientation politique pourtant radical et qui va lourdement impacter la trajectoire scolaire de toute une partie de notre jeunesse majoritairement issue des milieux défavorisés, le DNB version « ATTAL » marque une nouvelle étape dans la mise en place d’un système éducatif de partition, de tri social et de relégation qui tourne le dos à une école de la réussite pour tous.
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Ile-de-France