Hier soir, vendredi 13 octobre, le Ministre a tenu à réunir les syndicats à la suite du terrible meurtre de Dominique Bernard Bernard lâchement assassiné le matin même. Lors de l’attaque terroriste, trois autres personnes ont été blessées – deux enseignants et un agent du lycée. À la sortie de la réunion, tard dans la soirée, le principe d’un temps de « d’union et de recueillement » dans les établissements était acté mais c’est sur le moment où il devait avoir lieu que syndicats et ministère ne se sont pas mis d’accord. Pour autant, une majorité d’entre eux semblent confiante. Le Ministre devrait donner des consignes ce matin.
« On s’est tous et toutes retrouvés dans l’effroi. On s’est tous et toutes retrouvés dans l’émotion » confiait Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, au sortir de la rencontre qui réunissait Gabriel Attal et les syndicats. « Cette réunion était l’occasion de partager l’émotion et le choc que représente cet attentat à trois jours de l’anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty » a quant à lui déclaré Frédéric Marchand secrétaire générale de l’UNSA éducation. « Cette réunion et les mots du ministre ont été à la hauteur de la situation. Il est nécessaire que l’ensemble de la Nation soit uni autour de son école et de notre République ». « Cet attentat montre que tous les personnels étaient une cible potentielle » a ajouté Catherine Nave-Bekhti secrétaire générale du Sgen-Cfdt. « Aujourd’hui nous ne souhaitons pas polémiquer avec le Ministre, ce n’est pas le moment. Nous cherchons une solution pour que les personnels sentent qu’ils sont reconnus au plus sommet de l’État, qu’ils sentent que la Nation fait bloc auteur d’eux ».
« Blanquer nous avait volé notre hommage à notre collègue Samuel Paty »
Si la qualité de l’écoute du ministre a été salué par quatre des syndicats présents vendredi soir – le Snes-FSU, l’Unsa éducation, le Sgen-CFDT et Sud Éducation, là où le bât blesse, c’est sur l’organisation concrète du retour en classe lundi matin de la grand majorité des élèves et enseignants.
« Comment l’École gère les jours d’après ? » interroge Sophie Vénétitay. « Un collègue a été assassiné car il est enseignant. L’école a été attaquée car elle incarne les valeurs de la république, car elle représente l’émancipation par les savoirs. Force est de constater que les terroristes, que les obscurantistes de tout bord, cela ne leur plait pas. Mais on ne baissera pas les yeux, on continuera à faire vivre l’École de la République. On le fera mais on ne peut pas le faire tout seul. Il nous faudra l’appui de l’institution, un appui de tout le pays. On a proposé la banalisation de quelques heures de cours lundi matin afin de se préparer collectivement à recevoir les élèves. On a rappelé au Ministre qu’il y a trois ans, Jean-Michel Blanquer nous avait refusé ce moment. C’est une grande blessure dans la profession qui s’est sentie abandonnée par l’institution. On a besoin de lundi matin pour échanger entre nous, puis pour échanger avec nos élèves. Il y a de l’émotion chez les collègues et il faut que cette émotion puisse s’exprimer ».« Blanquer nous avait volé notre hommage à notre collègue Samuel Paty » accuse Jules Siran, co-secrétaire fédéral de Sud Éducation, pour qui la menace qui pèse sur les personnels « est plus forte qu’il y a trois ans. C’était dans l’établissement, c’était un ancien élève ».
« Nous avons aussi tenu à dire au Ministre qu’alors qu’une certains nombre de politiques usent d’amalgames et vont chercher à utiliser cette attaque pour diffuser la haine, ce qui nous importe, à l’École, c’est de refuser cet amalgame. De lutter contre ce que cet amalgame va faire à des élèves, à des collègues qui auront la sensation qu’on les pointe du doigt. On doit faire bloc ensemble » ajoute Catherine Nave-Bekhti.
Des mesures pour les personnels et de renforcement de la sécurité
« Ce jour, le 13 octobre 2023, est l’une de ces dates qui sera à jamais gravée dans notre mémoire collective » a quant à lui déclaré Gabriel Attal à la sortie de la réunion avec les syndicats. « Ce 13 octobre résonnera longtemps encore dans nos esprits comme le jour d’un drame effroyable, d’une attaque barbare, d’un deuil qui commence pour notre Nation. Ce 13 octobre, pour les familles et les proches de ce professeur assassiné ce matin, c’est le début de l’épreuve d’une vie : celle de perdre un père, un frère, un mari, un fils, un ami, un professeur. Notre devoir est d’être à leurs côtés. Je sais qu’avec les organisations syndicales, nous sommes unis dans le soutien que nous apportons aux proches de ce professeur lâchement assassiné. Nous sommes unis aussi dans le soutien que nous apportons à la communauté éducative à Arras, et, à travers elle, à toutes celles et tous ceux qui font vivre notre école. En ce 13 octobre, notre cœur saigne. Ce 13 octobre est donc un jour de deuil pour nous tous, les Français ».
Le Ministre a ensuite diverses mesures mises en application dès ce matin.
Du côté du soutien aux personnels : la réactivation du numéro d’urgence national – qui permettra à « tout membre de la communauté éducative de s’entretenir avec un psychologue. Et ce, 7 jours / 7 et 24h / 24 », et l’ouverture d’une cellule de soutien par académie pour « une prise en charge au plus proche de chacun »
Du point de vue de la sécurité, le Ministre a aussi fait plusieurs annonces. Un renforcement des forces de sécurité aux abords des établissements. Le déploiement de 1 000 personnels de prévention et de sécurité du ministère dans les écoles et les établissements scolaires. Enfin, le partage « d’informations entre le ministère de l’intérieur et l’Éducation nationale dans le cadre des cellules de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles » a été renforcé dans chaque département.
« Face à la haine et à la barbarie terroriste, l’école restera soudée et elle restera ferme » a conclu Gabriel Attal peu avant minuit.
« Le lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, j’étais en classe avec mes élèves. Ce n’est une situation que je ne conseille à personne » nous confiait Sophie Vénétitay. Une situation que revit ce matin la responsable syndicale, enseignante de SES, qui a cours avec ses élèves. « On est jamais préparé à ça. Il y a trois ans des élèves m’avaient demandé si j’allais mourir ». Aujourd’hui, 500 lycées étaient ouverts, dont le lycée Gambetta d’Arras, « un acte courageux » a déclaré Emmanuel Macron. Acceptera-t-il le que les collèges et les lycées français ferment quelques heures lundi matin ?
Lilia Ben Hamouda