Parent pauvre de la réforme du lycée, l’enseignement scientifique est sous la pluie de critiques depuis sa mise en œuvre en 2019. « Enseignement en souffrance, pas d’effectifs réduits, pas ou peu de travaux pratiques, programme moyennement intéressant ou encore une démarche de projet inapplicable dans les conditions actuelles », les problèmes sont nombreux et structurels. Cette année, deux rapports pointent cet enseignement et un 3ème est attendu. Que faire de cet enseignement laissé très souvent aux nouveaux enseignants ?
Des rapports qui s’enchaînent
Le rapport sur la démarche scientifique daté d’avril 2023 souligne que la mise en place de l’enseignement scientifique est « hétérogène et souvent difficile, compliquée par la pandémie et par des ajustements règlementaires multiples ». Moyens alloués au travail en effectif réduit, attribution des services d’enseignants, fonctionnement des équipes pédagogiques et constitution des groupes d’élèves : rien n’est commun dans chacun des lycées en France et chaque établissement y va de sa méthode.
Sur les différentes remontées d’enseignants, il semble que l’enseignement scientifique soit dans la grande majorité des cas dispensés en classe entière avec un cours magistral ou au mieux accès à une salle informatique sur des logiciels de simulation. Les laboratoires de sciences ne peuvent pas toujours accueillir autant d’élèves. Les enseignants les plus motivés doivent alors créer les conditions d’expérimentation en laissant une demi-classe aller au CDI pour une recherche documentaire. Tous ces préparatifs bricolés demandent souvent beaucoup d’énergie et restent exceptionnels.
Le rapport indique que « dans certains cas, deux professeurs interviennent conjointement dans le cadre de séances de co-intervention. Dans les établissements où ce type d’organisation est mis en place, les IA-IPR de physique-chimie et de SVT constatent que l’enseignement scientifique fait l’objet d’une dynamique collective très positive, d’un engagement important des équipes et d’un intérêt plus grand de la part des élèves ».
Les auteurs du rapport recommandaient alors de « flécher des moyens pour, d’une part, dispenser l’enseignement scientifique en effectifs réduits permettant une pratique expérimentale authentique et un travail collectif laissant une place au débat et, d’autre part, favoriser et organiser la concertation de l’équipe pédagogique pluridisciplinaire en charge de l’enseignement scientifique commun de la voie générale ». L’inspection générale demande aussi « un travail d’analyse spécifique et à grande échelle des conditions de mise en place de l’enseignement scientifique et de l’impact de ses différentes évolutions règlementaires ». Un nouveau rapport à venir.
Des classes très hétérogènes
En janvier dernier à l’Assemblée nationale, Mélanie Guenais, coordinatrice du Collectif Maths et Sciences, dénonçait déjà : « dans le tronc commun, il n’y a pas de sciences nécessaires pour une orientation scientifique. L’enseignement de culture scientifique concerne 2h sur 28 enseignées ! » Lors de cette table-ronde sur l’enseignement des sciences, Étienne Ghys, de l’Académie des sciences, résumait la situation : « Les deux heures se réduisent à 1 h de SVT et 1 h de physique-chimie. La partie mathématique de l’enseignement scientifique est réduite à zéro ». Est-ce que le nouveau programme mis en place en 1ère cette année comblera le manque ?
La disparition du groupe classe n’aide pas non plus à cet enseignement. Le rapport de juillet 2023 sur les effets de la réforme du lycée cite des enseignants sur ce problème nouveau. « On met plus de temps à connaitre les gens de notre classe, on n’ose pas demander de l’aide » ou « on rencontre plus de personnes ». L’enseignement scientifique est devenu le regroupement ponctuel de la classe. Souvent les lycéens ont un enseignant différent en enseignement scientifique que celui des spécialités en sciences physique ou en SVT.
« Un enseignement en souffrance »
« L’enseignement scientifique est un enseignement en souffrance malgré son importance pour la formation de tous les élèves », tranche le rapport sur la réforme du lycée à la page 46. « Lors des auditions menées par la mission, c’est très souvent l’enseignement scientifiques qui a recueilli le plus d’avis défavorables de la part des professeurs comme des élèves ». La forte hétérogénéité des élèves revient une nouvelle fois avec les classes non profilées. Les redondances avec l’enseignement de spécialité sont multiples, surtout en terminale.
Avant la réforme, le programme scientifiques des séries économiques et littéraires d’avant 2019 était axé sur la sexualité, la vision et l’alimentation. Les modalités d’enseignement avaient le mérite de proposer de nombreux travaux-pratiques comme la dissection d’un œil ou l’étude du complexe argilo-humique, ce qui intéressaient les classes.
« L’enseignement scientifique a souvent été confié, soit à des professeurs débutants, soit à des contractuels qui n’ont pas assez d’expérience pour prendre en charge une telle hétérogénéité d’élèves et construire donc sereinement cet enseignement », indique le rapport. « Au vu des enjeux du XXIe siècle, on ne peut que regretter que cet enseignement connaisse des difficultés de mise en œuvre, alors qu’il est absolument nécessaire de former tous les futurs citoyens aux sciences et aux enjeux scientifiques et technologiques qu’ils connaîtront dans leur vie future ». La possibilité de dédoubler les classes est là aussi demandée.
Julien Cabioch
Rapport sur la réforme du lycée