Le rapport portant sur la réforme du lycée général et technologique est sans appel dans ses constats et ses recommandations. L’augmentation de l’angoisse des lycéens, le manque de concertation et un calendrier non adapté y sont dénoncés. Au-delà des constats, les auteurs prônent 15 recommandations allant du bâti des établissements devenu non adapté au suivi régulier de l’état psychologique des lycéens et aussi à l’intégration à la DHG des 54h annuelles du parcours Avenir.
« Défiance, abandon, humiliation »
Avec une méthodologie précise et détaillée tout au long des 53 pages, le rapport de l’IGESR (inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche) a été rédigé en 9 mois. « Le choix des lycées choisis a été guidé par le souci de privilégier des établissements représentatifs de leur territoire, ni élitistes, ni en crises ou en grandes difficultés », souligne les 8 auteurs. L’état des lieux dressé est sans appel ; « un besoin conjoint de stabilité » est répété plusieurs fois.
« Les inquiétudes, nombreuses, se sont exprimées de façon vigoureuse et répétée, de la part d’enseignants aux profils très divers, allant fréquemment jusqu’à l’expression d’une colère et d’un véritable désarroi ».
Défiance, abandon, humiliation, stress, désorganisation sont les principaux éléments qui reviennent des échanges entre les auteurs et les équipes en place dans les lycées. « La majorité des enseignants militent pour un retour à la situation précédant la réforme ». Les défauts des séries ES, L et S étaient visiblement moindres que les effets positifs attendus de la mise en place des spécialités. « Le libre choix des triplettes et l’abandon d’une spécialité en fin de première sont perçus comme contribuant à une concurrence malsaine entre les disciplines, en lieu et place d’une collaboration et de croisements féconds ».
L’angoisse des élèves est fréquemment mentionné
Le regret d’abandonner une spécialité et un nombre d’enseignements de spécialité insuffisant dans les établissements sont les points de vue les plus critiques venant de la part des lycéens. Le point le plus inquiétant du rapport est sans doute la question du bien-être psychologique des élèves. « La phobie scolaire a fortement augmenté en classe de seconde (…) La mission a été amenée à rencontrer des cas extrêmes ». Graphique à l’appui, le nombre de passages aux urgences d’élèves pour pensées suicidaires a augmenté depuis 2019. Les auteurs recommandent un suivi régulier de l’état psychologique des lycéens au travers d’enquêtes par échantillon.
Côté enseignant, le rapport croise plusieurs études qui indiquent « un décrochage des enseignants français » sur plusieurs aspects comme motiver les élèves, amener les élèves à respecter les règles en classe ou encore amener les élèves à réaliser qu’ils peuvent réussir.
Parcoursup dans le viseur
D’admission post bac (APB) mis en place en 2009 à Parcoursup en 2018, l’orientation a pris une part très importante au lycée. « Un enjeu d’orientation où il n’y en avait pas auparavant ». Le stress et l’inflation des notes sont aussi pointés du doigt tout au long du rapport.
« Pression sur les élèves mais aussi sur les enseignants, avec une montée des contestations de notes de la part des élèves ». Ce quotidien vécu par les équipes et pressenti dès la mise en place de la réforme est décrit sur 6 pages dans le rapport. « Certains enseignants ont le sentiment que la notation chiffrée est en train d’être vidée de son sens ». Les auteurs du rapport pointent le pilotage de la réforme, les « injonctions successives et le manque de concertation ». Un tableau synthétique présentant les avantages et les inconvénients du calendrier des épreuves positionnées entre mars et juin permet de se faire une idée des différentes options possibles à l’avenir.
Un processus d’orientation à repenser
Pour alléger le travail d’orientation en terminale, les auteurs proposent qu’un travail sur Parcoursup soit effectué dès la classe de première en y associant les familles. Les auteurs recommandent d’impliquer davantage les professeurs documentalistes « qui ont le sentiment de compter parmi les oubliés de la réforme ». 54h d’orientation par an serait à affecter à la DHG (dotation horaire globale). L’expérimentation avec un outil numérique spécifique menée en région académique Nouvelle Aquitaine est mise en avant. « Il est important que le service public propose rapidement une offre de qualité si on veut éviter que des solutions peu sérieuses ou éthiquement discutables se saisissent de ce qu’elles perçoivent comme un marché prometteur ».
Julien Cabioch
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