Informer ou éduquer
Une soixantaine de députés du Rassemblement national emmenés par Roger Chudeau ont déposé le 1er avril à l’Assemblé nationale une proposition de loi «visant à redéfinir le rôle de l’Education nationale dans le domaine de la vie affective et sexuelle des élèves». Il s’agit de «limiter le rôle de l’État à une information concernant la vie affective et sexuelle plutôt qu’à une éducation».
Un mois après la publication au Journal officiel du nouvel arrêté définissant « le programme d’éducation à la sexualité : éduquer à la vie affective et relationnelle à l’école maternelle et à l’école élémentaire ; éduquer à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité au collège et au lycée » , il s’agit d’une contre-proposition très significative du Rassemblement national dans un domaine où il y va non pas du « rôle de l’Etat » comme l’indique le texte du Rassemblement national, mais du « rôle de la République » dans l’éducation.
Dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi, les députés du Rassemblement national mettent en avant que « le problème de fond » tient «au terme même d’éducation» alors que «les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants» et que «la finalité première de l’État n’est pas d’éduquer mais d’instruire, c’est‑à‑dire de transmettre des connaissances »
Retour historique en arrière
Aller dans leur sens serait un retour historique en arrière manifeste pour ce qui concerne le rôle de la République dans le domaine de l’éducation.
Au tout début de notre XXIème siècle, les dispositions de l’article 22 de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception ont complété en effet le Code de l’éducation par un nouvel article : « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles ».
La circulaire d’application préparée sous le gouvernement (de gauche) ‘’Jospin’’ paraît le 17 février 2003 sous le gouvernement (de droite) ‘’Raffarin‘’ (ce qui est tout à fait significatif de cette modification majeure). La circulaire insiste notamment sur le fait que la loi (du 4 juillet 2001) a désormais « confié à l’Ecole une mission éducative dans le champ bien spécifique de l’éducation à la sexualité ».
« Cette démarche est d’autant plus importante qu’elle est à la fois constitutive d’une politique nationale de prévention et de réduction des risques (grossesses précoces non désirées, infections sexuellement transmissibles, VIH/sida) et légitimée par la protection des jeunes vis-à-vis des violences ou de l’exploitation sexuelles, de la pornographie ou encore par la lutte contre les préjugés sexistes […]. Ces pratiques éducatives impliquent une nécessaire cohérence entre les adultes participant au respect des lois et des règles de vie en commun qui s’exercent dans le cadre de la mixité». C’était il y a un quart de siècle. Et cela n’a rien perdu de sa pertinence et de son actualité, tant s’en faut…
Quant aux diatribes concernant les rôles respectifs de la famille et de la République, elles ont commencé dès la fin de l’Ancien Régime et de la mise en place de la République. Et cela permet de de situer chacun dans son camp…
« Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple »
On peut rappeler la célèbre intervention de Danton en juillet 1793 lors de la présentation à la Convention du « Plan d’éducation » de Le Peletier de Saint-Fargeau : « après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple. Allons donc à l’éducation commune. Tout se rétrécit dans l’éducation domestique, tout s’agrandit dans l’éducation commune. Et moi aussi je suis père, mais mon fils ne m’appartient pas ; il est à la République. C’est à elle de lui dicter des devoirs pour qu’il la serve bien »
Claude Lelièvre
