Alors qu’en cette rentrée, la focale semble être sur l’interdiction du port de l’abaya, Elsa Bouteville, professeure des écoles à Bagneux et membre des Territoires vivants de la République, note que la grande absente des déclarations du Président et du Ministre, c’est la mixité. La mixité qui si, « elle ne peut pas tout régler… est une pièce maitresse à ne pas laisser de côté ».
Ils pensaient avoir tout bien ficelé : Enseigner l’histoire chronologiquement, considérer l’EMC comme une discipline essentielle, anticiper le retour à l’école des élèves en difficulté, quitter l’abaya…Faire bloc, être fermes, rebâtir la France. Ils pensaient avoir tout bien pensé, mieux que le petit pédagogue lui-même, ce vulgaire pédagogo, pédagoregresus, incapable de transmettre les fondamentaux, incapable de dérouler la longue frise des évènements dans le bon sens. Ils savaient, eux, Homo sapiens adeptes du grand choc des savoirs, oui ils savaient comment faire pour que tout rentre, enfin, dans l’ordre. Secoués par le soulèvement des banlieues en juin dernier et par leur propre lecture des atteintes à la laïcité, ils pensaient avoir trouvé les moyens d’agir, la réponse au problème.
Avec de la poigne, une autorité restaurée, ils imaginaient faire rentrer les plus retors dans le droit chemin, reprendre en main une jeunesse à reciviliser.
Ils pensaient avoir pensé à tout, oubliant eux-mêmes les fondamentaux, à commencer par la question de la mixité sociale. Sans doute croyaient-ils pouvoir faire sans elle, elle qu’ils faisaient tout pour ne pas considérer. Une épine dans le pied, cette foutue question de mixité. Sûr, elle ne pouvait pas tout régler. Mais dans le grand puzzle du débat sur l’école, toutes les écoles, elle était une pièce maitresse à ne pas laisser de côté.
Ils avaient programmé, une fois par semaine, la lecture d’un texte très très important sur « nos valeurs ». Alors voici le premier, pour leur simplifier la tâche et aussi pour qu’ils sachent : ce n’est pas la peine d’aller chercher plus loin.
Mixité
Sur mes cahiers d’écolier
Sur les murs de la cité
Sur les arbres même déracinés
J’écris ton nom
Dans les discours de rentrée
Dans les dossiers à haute priorité
Sur la chance que j’attends
J’écris ton nom
Sur la tête de mes frères
Sur la tête de ma sœur
Sur tout le quartier
J’écris ton nom
Sur les vacances 5 étoiles
Sur les musées sur les théâtres
Sur les immeubles Haussmannien
J’écris ton nom
Sur mes livres d’Histoire
Sur le présent sur le futur
Et sur l’impératif
J’écris ton nom
Dans les courriers en recommandé
Dans les agendas des ministres
Dans toutes les urgences
J’écris ton nom
Sur mon avenir
Sur mes droits
Sur la promesse de l’égalité
J’écris ton nom
Sur les clivages
Sur les barrières sur les frontières
Sur tout ce qui sépare
J’écris ton nom
Chez tous ceux qui vivent en première classe
Aux premières loges de la réussite
Avec balcon sur l’horizon
J’écris ton nom
Sur le brouillard
Sur la pluie sur le vent
Sur la Terre qui ne tourne pas rond
J’écris ton nom
Dans les oreilles de ceux qui ne veulent pas entendre
Sur les yeux de ceux qui ne me regardent pas
Et ceux aussi qui me regardent de loin
J’écris ton nom
Dans mon cœur
Dans ma tête dans mes rêves
Partout
J’écris ton nom
Je suis né pour te connaitre
Pour te rencontrer
Mixité
Elsa Bouteville