Il aura fallu deux ans à l’administration pour sanctionner l’adjoint du Dasen du Calvados en poste en 2021. Deux ans qu’au sein de l’équipe de direction circulait un document intitulé « bestiaire des IEN » dans lequel les IEN – Inspecteurs de l’Éducation Nationale – étaient comparés à des chiens. Une humiliation subie par douze inspecteurs, dont huit ont déposé plainte au pénale. « C’est un soulagement » nous confie Corinne Sourbet, IEN citée et humiliée dans le document. « Pour autant, nous aurions souhaité que l’institution reconnaisse la responsabilité de la totalité de l’équipe de direction qui savait mais n’a rien fait ».
« Depuis deux ans, j’attends que les accusés soient condamnés, administrativement et pénalement, j’attends que l’on reconnaisse mon statut de victime. J’attends réparation, ne serait-ce que par le biais d’excuses publiques » nous déclarait Corinne Sourbets le 21 mars dernier. C’est chose faite aujourd’hui, enfin.
Le 20 mai dernier, l’ancien directeur académique des services de l’Édiction nationale (DASEN) paraissait devant un conseil disciplinaire. L’homme, à la retraite depuis le 1er juin, était suspendu de ses fonctions depuis février dernier. Il a enfin avoué être l’auteur du bestiaire des IEN. Un soulagement pour ses victimes, dont Corinne Sourbets, IEN à la retraite aujourd’hui. « Nous sommes soulagés que l’institution ait reconnu la culpabilité de l’ancien DASEN adjoint qui niait jusqu’alors être l’auteur du document. Il a fini par avouer. C’est rassurant de se dire que même si l’institution a failli à un moment, elle a su reconnaître qu’il y avait un dysfonctionnement ». Pour l’heure, la proposition de sanction est sur le bureau de Pap Ndiaye, qui doit la valider. « Tout est entre les mains du Ministre. Nous savons que le conseil disciplinaire a proposé le retrait d’un échelon. Nous espérons que le Ministre suivra ses recommandations. Il y a des choses inacceptables, d’autant plus lorsque l’on représente l’institution à un si haut niveau. Il y a un devoir d’exemplarité ».
Une condamnation en demi-teinte
Pour autant, le soulagement des plaignants n’est que partiel. En effet, dès mars dernier, Patrick Roumagnac, responsable du SI.EN-Unsa affirmait que l’existence du document était connue de toute l’équipe de direction. Son syndicat en avait apporté la preuve à la Dasen alors en poste. « Le bestiaire a circulé par mail et l’équipe de direction était dans la liste des destinataires » expliquait-il au Café pédagogique.
« Nous sommes assez déçus que l’équipe de direction qui a gardé le silence pendant deux ans n’ait pas été sanctionnée » conrfime Corinne Sourbets. « Le dysfonctionnement n’était pas le seul fait de l’adjoint du Dasen mais celui de la totalité de l’équipe de direction qui avait connaissance de ce bestiaire humiliant pour les inspecteurs de l’académie. L’auteur a été condamné, ses complices ont été épargnés. Il aurait été bon que l’administration reconnaisse aussi la responsabilité des membres de l’équipe de direction » souffle la jeune retraitée.
Une procédure en cours au pénal
Le conseil disciplinaire signe donc la fin d’un périple de deux ans pour les huit inspecteurs ayant demandé réparation. Reste la partie pénale.
En effet, parallèlement au recours administratif, les huit plaignants ont déposé plainte pour diffamation et outrage. « Au niveau pénal, l’affaire suit son cours » raconte Corinne Sourbets. « On a interrogé le procureur par l’intermédiaire de notre avocat. Il a répondu que la procédure était en cours d’instruction ». Une procédure que les victimes, qui attendent le dénouement pénal, commencent à trouver longue. « A priori, tout le monde a été entendu, toutes les plaintes déposées. Nous avions eu confirmation de la bonne réception de notre affaire sur le bureau du procureur. Mais il a changé depuis, ce qui a surement ralenti la procédure… ».
Lilia Ben Hamouda