Selon le dernier rapport de l’observatoire des inégalités « Rapport sur les inégalités en France », les disparités dans le niveau de diplôme de la population restent très marquées. 25 % des personnes de plus de 25 ans n’ont aucun diplôme ou possèdent seulement le brevet des collèges. Les diplômés de niveau bac + 3 ou plus représentent seulement 22 % de la population. Ces chiffres, qui mettent en lumière des inégalités persistantes dans l’accès à l’éducation et les opportunités qui en découlent, sont étroitement liés à l’origine sociale mais pas forcément à celle migratoire.
« L’école française ne réduit pas les inégalités entre les catégories sociales. Un enseignement très académique, qui laisse peu de place à la pratique, une compétition exacerbée et un apprentissage précoce de la lecture favorisent les enfants de diplômés dès les petites classes » écrit l’observatoire des inégalités. « Depuis trente ans, les gouvernements successifs n’ont rien entrepris de majeur pour moderniser l’école et la rendre plus juste » déplore-t-il.
Dans ce rapport, Anne Brunner et Louis Maurin, se sont essayés à la définition d’un concept de « pauvreté scolaire ». « Ce n’est pas quelque chose d’arrêté, de scientifiquement posé » explique le directeur de l’Observatoire des inégalités. « On fait le parralelèle avec la pauvreté économique. Dans un pays où le capital culturel joue un rôle prépondérant dans les trajectoires scolaires, on peut évoquer un ‘’diplôme médian’’ – niveau fin de troisième. Si ce niveau n’était pas atteint, on serait dans une « pauvreté scolaire »… ». L’exercice a peu de sens reconnait Louis Maurin, mais « il permet de dire le poids du capital culturel et du diplôme dans la réussite, l’impact de ces patrimoines sur les positions sociales ».
Des parcours scolaires sous le sceau de l’origine sociale, du primaire à …
Le rapport souligne que les inégalités commencent dès l’école primaire, où les résultats scolaires sont étroitement liés au niveau social des familles. Par exemple, seulement 42 % des élèves scolarisés dans les écoles les plus défavorisées ont une compréhension satisfaisante des mots à l’oral en CP, contre 75 % dans les autres écoles publiques. Des écarts similaires sont observés en mathématiques. Entre le CP et le CM2, environ 70 % des élèves en difficulté améliorent leurs résultats s’ils viennent d’un milieu très favorisé, tandis que cette proportion chute à 42 % pour les élèves issus d’un milieu social très défavorisé. Lorsqu’on examine les parcours scolaires en fin de troisième, on constate également des divergences significatives notent les auteurs. Les enfants d’ouvriers représentent un tiers des élèves en CAP ou en baccalauréat professionnel, mais seulement 19 % des classes du lycée général ou technologique. En revanche, les enfants de cadres sont sous-représentés en CAP (4,5 %) et en bac pro (8 %), mais largement présents dans les lycées généraux ou technologiques, avec une part de 30 %.
… l’accès au supérieur, quand il y a lieu
Dans l’enseignement supérieur, les inégalités se poursuivent. Bien que les enfants d’ouvriers soient de plus en plus représentés en BTS, avec une proportion de 23 % des étudiants, ils ne représentent que 10 % des étudiants universitaires et 7 % des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles. En revanche, les enfants de cadres sont trois fois plus nombreux à l’université. Le rapport, s’appuyant sur différentes recherches mais aussi des études du ministère, met en évidence l’augmentation des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Dans la génération née entre 1991 et 1995, 73 % des enfants de cadres ont accédé à l’enseignement supérieur, soit six points de plus que la génération précédente. En revanche, chez les enfants d’ouvriers et d’employés, seulement 41 % ont eu cette opportunité, avec une augmentation d’à peine un point par rapport à la génération précédente. L’enseignement supérieur s’est donc ouvert à un plus grand nombre d’élèves, mais cette évolution a principalement bénéficié aux enfants de cadres, accentuant ainsi les inégalités. Autre constat : la proportion de diplômés de niveau bac + 5 en fonction de l’origine sociale. En 2018-2020, 40 % des enfants de cadres et de professions intermédiaires âgés de 25 à 29 ans ont obtenu un master, un doctorat ou un diplôme d’une grande école, contre seulement 13 % des enfants d’employés et d’ouvriers. En dix ans, la proportion de jeunes diplômés de bac + 5 a doublé dans les deux catégories, mais les écarts entre milieux sociaux se sont creusés.
L’origine migratoire, un atout jusqu’au baccalauréat
« À milieu social équivalent, les enfants d’immigrés réussissent mieux au baccalauréat que les enfants dont les parents sont nés en France » relève le rapport. Les garçons de parents subsahariens ont 1,1 fois chance de plus qu’un garçon dont les parents sont nés en France d’avoir le baccalauréat, 1,4 fois pour ceux d’origine maghrébine, 5 fois pour ceux d’origine asiatique. « Les filles dont les parents sont nés en Afrique subsaharienne ont presque quatre fois plus de chances d’obtenir le baccalauréat que les garçons dont les parents sont nés en France ». Pour les rapporteurs, ce phénomène s’explique en partie par le projet migratoire et d’ascension des parents migrants. Mais aussi par l’expérience de l’échec scolaire pour certaines familles d’origine française qui ne « se font guère d’illusions sur les parcours de réussite de leurs enfants ». Pour autant, cette réussite ne se transforme pas dans les études supérieures. « En pratique, les enfants d’immigrés obtiennent des diplômes de niveau inférieur, alors même que leurs attentes, et celles de leurs parents sont grandes… Ce choc entre les idéaux de réussite et la réalité, qui conduit à des orientations et des métiers non choisis et qui nourrit des désillusions, constitue pour une partie de ces adolescents, une violence de grande ampleur ».
Bien que l’accès à l’enseignement secondaire se soit généralisé et que l’enseignement supérieur se soit ouvert à un plus grand nombre d’élèves, le système éducatif conserve son caractère élitiste conclut le rapport. Les inégalités se sont simplement déplacées vers le haut, sans montrer de signes de réduction significative.
Lilia Ben Hamouda