« Cela ne nous remet pas dans la moyenne de l’Union européenne. Mais ça traduit une inversion de tendance qui laisse augurer de bonnes choses ». Les résultats de PIRLS 2021, l’étude internationale sur les compétences en lecture, montrent de meilleurs résultats pour la France. Mais, malgré l’accent mis par le ministère sur l’enseignement du français, ils restent plus faibles que chez nos voisins. Et les écarts sociaux et de genre se sont accrus.
Inversion de tendance
« Pour la première fois depuis 20 ans, la France recommence à progresser« , souligne t-on au ministère. Alors que le score moyen en lecture des élèves de CM1 était de 511 en 2016, on atteint 514 à PIRLS 2021. L’écart est faible mais positif. Surtout il vient après 20 ans de chute. En 2001 on était à 525. En 2011, à 520. Le ministère se plait à souligner « l‘inversion de tendance« . Elle est d’autant plus remarquable que chez nos voisins on enregistre une baisse générale. L’Allemagne est passée de 537 à 524. L’Angleterre de 559 à 228. L’Italie de 548 à 537.
Reste qu’on est toujours derrière tous ces pays européens et aussi derrière, par exemple, la Pologne, la Slovaquie ou la Bulgarie. En Europe, seuls la Serbie, le Monténégro, Chypre et la Belgique ont de moins bons résultats que nous. En haut de l’affiche, Singapour à 587, l’Irlande à 577, Hong Kong à 573. Les Etats-Unis sont à 548.
Des progrès inégaux
Au ministère on veut croire que c’est le résultat de la politique menée par JM Blanquer. Et d’abord du maintien des écoles ouvertes pendant le confinement. « On a progressé alors que les autres ont baissé. Donc très probablement il y a une conjonction de facteurs » dit on au ministère où on rappelle avoir mesuré l’effet de la crise du covid. Mais à l’IEA, qui a réalisé l’évaluation et qui prépare une importante étude sur les effets du covid, on est plus prudent. « L’interprétation est multifactorielle« , nous dit-on. « S’agit-il d’une corrélation ou d’une causalité ?« .
Ce meilleur score est aussi à relativiser quand on trie les élèves selon le niveau. On compte un peu plus de très bons élèves (+1% à 27%), un peu moins de moyens (-2%) et toujours autant de faibles (22%) et très faibles (6%). Ces deux dernières catégories sont nettement plus nombreuses que dans les autres pays européens (17 et 5%). Mais ailleurs en Europe, le pourcentage de faibles a augmenté (+4%).
Plus gênant pour le ministère, l’écart de résultats entre les écoles favorisées et défavorisées a nettement augmenté. En 2021 les écoles favorisées obtiennent un score moyen de 523 et les défavorisées de 466. En 2016 c’était 526 et 490. L’écart s’est donc nettement creusé malgré la politique des coûteux dédoublements. Et cet écart est beaucoup plus prononcé en France que dans la moyenne des pays participants (510 et 465).
Cet écart, entre défavorisés et favorisés, nous l’avons trouvé également dans les résultats des évaluations ministérielles. La politique menée ces dernières années s’est souciée prioritairement d’élever le niveau des meilleurs.
Pas de progrès pour les garçons
Le niveau de discipline en classe est aussi fortement corrélé avec la compétence en lecture. Les écoles où la discipline est jugée bonne par le directeur ont un score moyen de 523, celle où elle est faible de 466. Là aussi l’écart est plus fort que la moyenne des pays de l’étude PIRLS (510-465). Ce facteur pèse plus que le goût de lire : les élèves qui disent aimer lire ont un score moyen de 526, ceux qui n’aiment pas de 490. On ne saurait mieux souligner l’importance de l’école.
Un autre écart a nettement augmenté, celui des genres. Le score des filles, en chute depuis 2021, remonte nettement de 515 à 521. Pour les garçons il n’y a aucun progrès par rapport à 2016 (507). L’écart entre les genres est passé de 8 points à 14 points. Le ministère n’a pas d’explications.
La faute aux profs ?
Le point faible de la lecture reste la compréhension. Si les élèves français arrivent surtout à prélever des informations dans des textes, cette compétence continue à baisser de 2016 à 2021.On a perdu presque 10 points depuis 2011. Quand il s’agit d’interpréter et apprécier on retrouve le niveau de 2011après une chute en 2016. Au ministère, où on a tant insisté sous le quinquennat précédent sur le décodage, on souligne que Pap Ndiaye met l’accent sur la compréhension.
On aborde là les facteurs qui peuvent expliquer ces résultats. » Les professeurs français sont moins nombreux que leurs collègues européens à déclarer proposer à leurs élèves de manière quotidienne et/ou hebdomadaire des activités susceptibles de développer leurs stratégies et leurs compétences en compréhension de l’écrit« , affirme la Depp (ministère). » Si 40 % des professeurs français déclarent proposer au moins une fois par semaine à leurs élèves de « comparer ce qu’ils ont lu à des faits qu’ils ont vécus », au niveau européen ils sont 77 %. Les professeurs français sont 32 % à déclarer proposer au moins une fois par semaine à leurs élèves de « déterminer la perspective ou les intentions de l’auteur » contre 52 % parmi les professeurs européens. Enfin, ils sont 14 % à proposer au moins une fois par semaine à leurs élèves de « décrire le style ou la structure du texte » contre la moitié chez leurs collègues européens« . La Depp relève aussi que l’on étudie ces compétences plus tôt chez nos voisins. » Par exemple, concernant « Évaluer et critiquer le style ou la structure d’un texte » les directrices et directeurs d’école des pays de l’UE sont 40 % à déclarer avoir mis l’accent sur cette compétence avant le CM1 contre 24 % pour la France« .
La faute serait donc du coté de la formation des professeurs ? Rappelons que le ministère ne dépense pas son budget formation. C’est encore le cas pour le budget 2022. Que la taille des classes à l’école primaire reste, malgré les dédoublements, nettement au dessus de la moyenne européenne. Cela doit être souligné car le soutien hors de l’école reste faible. Le pays compte près de 3 millions d’enfants pauvres. La France est aussi le pays de l’OCDE où les parents aiment le moins lire (22% contre 32% en moyenne OCDE).
La France est la championne d’Europe des heures consacrées au français. 8 heures sont inscrites dans les programmes pour chaque semaine. Et en réalité, les injonctions ministérielles font qu’en réalité ces 8 heures sont dépassées d’une demi heure en moyenne. On enseigne donc 308 heures par an le français contre 228 heures en moyenne dans les autres pays européens. Comme les dédoublements, cette politique donne de maigres fruits. Et pas pour tous.
François Jarraud