« Le réseau est un outil essentiel de l’éducation prioritaire ». Le séminaire du 13 mai réuni par l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), une association qui regroupe les acteurs de terrain de l’éducation prioritaire, attire à nouveau l’attention sur l’importance de la notion de réseau pour l’éducation prioritaire. C’est clairement une pierre jetée dans le jardin de Pap Ndiaye qui semble poursuivre la réorientation initiée par JM Blanquer, en faveur d’une logique d’établissements. Favoriser les CLA (contrats locaux d’accompagnement) ou les réseaux il va falloir choisir…
Pourquoi parler réseau ?
Pourquoi poser la question des réseaux d’éducation prioritaire ? « Parce que personne en parle« , nous dit Marc Douaire, président de l’OZP. Son association, hyper motivée et active sur le terrain, n’a pas l’intention de lâcher le sujet. En novembre 2022 sa « Journée nationale » a parlé réseau. En février ses « Rencontres » ont remis le sujet sur le tapis. Et ce 13 mai, l’OZP repart à l’assaut de l’inertie ministérielle.
C’est que l’histoire de l’éducation prioritaire oblige l’OZP à pousser le ministère à réorienter sa politique. L’éducation prioritaire n’a pas toujours fonctionné en réseaux. Ceux-ci se sont imposés au fil des expériences, comme le rappelle Marc Bablet, ancien chef du Bureau de l’éducation prioritaire au ministère.
« Avant le réseau c’était la zone »
« Avant le réseau c’était la zone« , dit Marc Bablet. Prenez l’expression dans ses deux sens. Les Zones d’éducation prioritaire ont précédé les réseaux. Le mot réseau apparait dans un rapport (Best Henry) de 1992 et s’incarne dans une circulaire de 1998 qui distingue Zep et Rep. En 2006 le ministère crée les RAR et les professeurs référents. Ensuite c’est la valse des avancées et des reculs. En 2010, la droite abandonne les réseaux pour des logiques d’établissement avec les ECLAIR. En 2014, la gauche rétablit les réseaux avec les Rep et Rep+. En 2019, le rapport Azema Mathiot revient à une logique d’établissement avec les CLA (contrats locaux d’accompagnement). En 2023 c’est au niveau des établissements et des écoles que se discute le CNR.
Ce n’est pourtant pas par hasard que les réseaux se sont imposés jusqu’à Blanquer. « L’objectif de l’éducation prioritaire est de conduire à la réussite scolaire l’ensemble des élèves et pas seulement quelques uns. Elle s’adresse à des enfants éloignés des codes de l’École. Pour cette réussite il faut renforcer la cohérence de l’action éducative et sa continuité, de la maternelle au lycée« , rappelle Marc Douaire. « Pour cette continuité, il faut des temps d’échange entre enseignants du primaire et du secondaire, il faut qu’ils partagent les mêmes valeurs, qu’ils traitent ensemble les difficultés à enseigner et multiplient ensemble les situations favorables aux apprentissages des connaissances et des conduites éducatives« .
Le réseau c’est ce qui permet de faire réfléchir ensemble les enseignants, d’assurer la continuité des pratiques pédagogiques, de réduire l’impact des ruptures entre les niveaux et aussi de tirer profit de l’expérience et de l’expertise des différents personnels. C’est aussi ce qui favorise la cohérence avec les partenaires locaux, comme les collectivités territoriales.
Qu’est ce qui freine ?
Et cela ne va pas tout seul. En témoignent les participants à une table ronde où un principal de collège montre l’importance du réseau et de son coordinateur pour garder mémoire de ce qui a été fait. Un ex coordinateur explique que pour faire vivre le réseau il faut partager des valeurs communes et être capable d’apporter une aide concrète aux enseignants.
Les dysfonctionnements sont aussi évoqués. V Grosstephan (université d’Aix Marseille) et Y Lémonie (ergonome, CNAM) analysent avec précision les problèmes de pilotage. Faire réseau c’est travailler horizontalement en essayant d’engager tous les acteurs ensemble. Une logique qui se heurte au fonctionnement vertical de l’Education nationale qui veut par exemple que les enseignants « appartiennent » d’abord à l’IEN ou au principal. Faire réseau c’est aussi penser continuité au delà du cycle 3 et reconnaitre l’importance des cycles 1 et 2.
Sortir de l’ angle mort
« On est dans une situation où l’éducation prioritaire est dans un angle mort« , estime Marc Douaire. « Depuis un an il ne se passe plus rien« . L’OZP n’a pas digéré qu’une nouvelle politique, celle des CLA, soit lancée sans aucune évaluation de la politique antérieure. « Depuis 2017 une nouvelle politique est à l’œuvre et on voit que ça continue avec le discours de Marseille et « l’école du futur ». On a déjà connu cette politique avec les ECLAIR en 2010. Nous voulons afficher ce qui existe. Si on transforme les réseaux en les remplaçant par une politique centrée sur les établissements on perdra la dynamique lancée pour construire une École démocratique« .
L’OZP attend du ministère qu’il réalise l’évaluation de l’éducation prioritaire qui était prévue et organise les assises nationales promises. « On attend du ministre qu’il s’empare du dossier et qu’il fasse preuve d’audace et de confiance envers les acteurs« .
François Jarraud
Sur la carte de l’éducation prioritaire