Sélection ‘Géneration’ du Festival de Berlin et ‘Ecrans Juniors’ à Cannes en 2022, « Kokon », 3ème long métrage de la réalisatrice et scénariste allemande Leonie Krippendorff s’inscrit avec une belle énergie et une franche originalité dans la lignée des nombreuses fictions cinématographiques consacrées aux troubles de l’adolescence et aux parcours chaotiques de jeunes, filles ou garçons, à la recherche de leurs propres désirs et traversés d’aspirations confuses à la liberté. Avec « Kokon », nous marchons au même rythme, énervé ou mal assuré, de l’héroïne âgée de 14 ans, Nora (Lena Urzendowsky).
Dans Kreusberg, district populaire de Berlin, au cœur d’ un été à la canicule étouffante, la petite Nora, sa grande soeur Jule (Lena Klenke) et quelques autres font un peu les quatre cent coups, à l’heure des réseaux sociaux. La jeune Nora, rétive aux normes de sa génération, attirée par Romy l’affranchie, surmonte sa timidité et trouve son chemin vers la vraie vie. Un portrait épatant.
Une jeune berlinoise secrète et rebelle
Fragilisée par un contexte familial peu rassurant (une mère alcoolique, une aînée jouant la protection à l’excès), déstabilisée par l’exposition de l’intimité inhérente aux réseaux sociaux, Nora, beauté discrète, regard inquiet et allure timorée, cherche cependant un chemin personnel, loin des diktats d’identité, de genre, et des normes sociales dominantes. « Kokon » visualise pour nous les rêves secrets de sa jeune héroïne. Et nous assistons aux soubresauts d’une métamorphose dans une myriade de couleurs vives, de chocs musicaux et d’ambiances contrastées. « Kokon » nous offre ainsi le portrait nuancé d’une jeune berlinoise de son temps, apprenant à grandir par l’amour pour Romy (Jella Haase), une fille à l’esprit libertaire et au corps affranchi.
Troubles amoureux, incertitude libératrice
La mise en scène épouse alternativement la brutalité de l’univers adolescent où chacun vit en permanence sous le regard des autres et de leur smartphone à l’affût dimages et de mots à enregistrer, reproduire, répandre. Elle capte aussi les moments de pudeur voire de honte de soi, ainsi celle de Nora lorsqu’ en plein cours de gymnastique elle ne sait comment effacer le sang qui a coulé entre ses jambes pour ses premières règles. Elle saisit les ‘jardins secrets’ des protagonistes (dont Nora devient la figure de proue sous ses dehors fragiles) de cette aventure intérieure, les rêves associés à l’environnement aquatique d’une piscine, à l’espace naturel d’un parc…. La réalisation magnifie surtout un amour tendre et sensuel, à la fois romanesque et douloureux, aux contours et au devenir incertains. Mais cette incertitude, -propre aussi à cet âge de la vie, incarnée avec justesse par le trio de jeunes comédiennes entrées très jeunes dans le métier et judicieusement réunies à l’écran-, cette expérience fondatrice confère à « Kokon » un charme singulier tant cette ‘histoire de libération’, selon l’expression de la réalisatrice, entre en résonance avec les émois des nouvelles générations de spectateurs auxquelles la cinéaste s’adresse en priorité.
En rébellion contre l’addiction dominante aux réseaux sociaux et au pouvoir des stéréotypes auprès de la jeunesse, « Kokon » célèbre en effet la vraie rencontre avec l’autre qui vaut tous les échanges virtuels du monde. Un joli film dédié aux adolescents de l’ère numérique.
Samra Bonvoisin
« Kokon », film de Leonie Krippendorff-sortie le 5 avril 23