Le gouvernement utilise – à nouveau – le 49 3 pour faire passer le projet de loi sur les retraites. La première ministre a préféré jouer la carte de la sécurité et engager la responsabilité de son gouvernement. Une décision qualifiée de « déni de démocratie » par une grande majorité de l’opposition mais aussi par les organisations syndicales, mobilisées depuis plusieurs mois contre cette réforme ; organisations syndicales qui n’ont pas tardé à réagir en appelant pour la plupart à rejoindre les mobilisations locales dès jeudi soir, à l’instar des organisations de jeunesse.
Éléonore, professeure de SVT, manifestait auprès des étudiants et lycéens à Paris lorsque le Président a réuni un conseil des ministres exceptionnel. « Bien entendu, on a tout de suite compris. Je ne sais d’où est parti le mot d’ordre, mais je me suis retrouvée à suivre un cortège improvisé qui se rendait à place de la Concorde » explique la jeune femme. « On était nombreux, je crois que cela m’aide à me dire que notre mobilisation peut encore les faire reculer. Ce choix de passer par le 49-3 est presqu’une bénédiction, je pense » ajoute l’enseignante. « On aurait eu plus de mal à mobiliser si la loi était passé par le processus – quasi – démocratique classique. On aurait pu perdre une partie de l’intersyndicale ».
Réactions syndicales unanimes
Du côté des syndicats, les réactions sont unanimes et tous utilisent la même formule : un déni de démocratie. « C’est un scandale démocratique. Le gouvernement n’a pas la majorité, ni dans la population, ni à l’Assemblée. Quel aveu de faiblesse. On continue la mobilisation, aujourd’hui et les jours à venir, notamment en début de semaine prochaine à l’occasion des épreuves de spécialités » a immédiatement réagit Sud éducation sur son compte Twitter.
« Les collègues sont en colère, très en colère » nous confie Brendan Chabannes, représentant national de l’organisation syndicale, pour qui ce passage en force met le feu aux poudres. « Si le gouvernement tablait sur la résignation, il s’est trompé. On a un gouvernement idéologue, sourd et qui décide d’aller contre toutes formes de démocratie sociale ».
Au SE-UNSA, Frédéric Marchand se dit sous le choc, « même si l’on savait qu’il y avait une forte probalité que cela arrive ». « Nous ne sommes pas résignés pour autant » ajoute le secrétaire général du syndicat. « On s’enfonce dans une crise démocratique. Il y a un rejet massif de la population, et sur un tel sujet le gouvernement ne passe même pas par le vote du parlement. Cette décision est très affaiblie, rejetée et laissera beaucoup de traces ».
« C’est la matérialisation de l’autoritarisme qui est la méthode de ce gouvernement, et ce depuis le début » déclare Benoît Teste, secrétaire générale de la FSU qui abonde dans le même sens, pour lui aussi c’est un déni de démocratie. Nulle résignation de son côté non plus, bien au contraire. « Ce vote déclenchera une mobilisation plus forte. On les a fait sortir du bois, la mobilisation a permis de faire douter les députés, le gouvernement en est réduit à une utilisation du 49-3 ».
L’intersyndicale appelle à une nouvelle journée de mobilisation
Réunie, l’intersyndicale a salué la « formidable mobilisation sociale organisée par l’ensemble des organisations syndicales et engagée depuis le 19 janvier » et « ce mouvement social (qui) a fait la démonstration, par les grèves dans tous les secteurs professionnels toujours mobilisés et les manifestations dans les grandes comme les petites localités du pays, que cette réforme était brutale, injuste, injustifiée pour l’ensemble du monde du travail ». « Aujourd’hui, c’est ce mouvement social exemplaire qui démontre que le Président de la République et son gouvernement sont en échec devant l’Assemblée nationale » a ajouté Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT, à la sortie de la réunion. « Au lieu de retirer leur projet, ils décident de passer en force en ayant recours au 49-3. L’intersyndicale mesure avec gravité la responsabilité que porte l’exécutif dans la crise sociale et politique qui découle de cette décision, véritable déni de démocratie. Fort du soutien de la grande majorité de la population mobilisée depuis des semaines, l’intersyndicale continue à exiger le retrait de cette réforme en toute indépendance dans des actions calmes et déterminées. Elle décide de poursuivre la mobilisation et appelle à des rassemblements syndicaux de proximité ce weekend et à une nouvelle grande journée de grève et de mobilisation le jeudi 23 mars prochain ».
La journée du 17 mars marque donc un tournant décisif. Le Président, par peur de voir sa réforme retoquée par l’Assemblée, n’a pas hésité à l’imposer par la voie du 49-3. Les motions de censure que l’opposition prévoit de déposer empêcheront-elles le vote? Réponse Lundi. En attendant, en face, l’intersyndicale ne plie pas et entend le faire reculer. Les jours prochains seront décisifs dans ce bras de fer qui se radicalise.
Lilia Ben Hamouda