L’Association Nationale des Formateurs en Sciences Industrielles de l’Ingénieur (ANFSII), association qui regroupe les formateurs en Sciences Industrielles de l’Ingénieur de la majorité des INSPE – anciennement nommée ANFTECH (pour formateur en Technologie) – réagit à l’annonce de la suppression de l’heure de technologie. L’association rappelle les enjeux de cet enseignement dès la sixième.
De multiples exemples pourraient étayer le propos qui suit. Pour nous, un seul suffira. Comment allons-nous relocaliser nos industries, comment allons-nous réussir la transition industrielle écologique liée à cette ré-industrialisation avec moins de culture technologique pour notre jeunesse ? Toutes les disciplines liées de près ou de loin au monde de la Technique et des Technologies ont une vertu essentielle : donner du sens ! Donner du sens à une théorie, à un concept, à un phénomène : Leroy-Gourhan nous l’a appris depuis bien longtemps, ce sont les expérimentations manipulatoires qui forment le cerveau et non l’inverse. Ainsi, donner du sens, c’est aussi expérimenter par le faire. C’est vital pour notre jeunesse. Apprend-on un sport uniquement par la théorie ? Non, c’est par la pratique. L’apprentissage de la technique relève du même dispositif. Alors quid de l’abandon de la Technologie en classe de 6ème ?
C’est avec consternation que nous avons appris, par voie de presse, la suppression de l’enseignement de Technologie en classe de 6ième. Cette décision, en plus d’être surprenante, semble complètement infondée car elle vient en contradiction avec les discours sur les priorités stratégiques de la France.
Il est en effet régulièrement rappelé qu’il faut “réindustrialiser la France”. Est-ce que supprimer l’enseignement de la Technologie est une mesure favorable à ce projet ?
Le rôle de l’enseignement de la Technologie en 6ième dans l’acquisition du Socle Commun de Connaissances, de Compétences, et de Culture.
La Technologie contribue, comme toutes les autres matières, à l’acquisition des compétences qui seront prises en compte pour la validation du Socle Commun. Elle fait aussi partie de l’épreuve de Sciences du Diplôme National du Brevet. Ces compétences du cycle 4 s’appuient sur les compétences acquises au cycle 3. Comment sera prise en compte cette absence de prérequis ?
Il faut aussi rappeler que la Technologie n’existe pas à part entière en 6ème mais dans le cadre d’un enseignement de Sciences et Technologie. Le programme attribue un volume de 4h par semaine. Retirer une heure à ce volume horaire implique de modifier les programmes de cycle 3 sans quoi les professeurs des écoles devront finir le programme de Technologie de cycle 3 à la fin du CM2. De plus, en cycle 3, il y a une certaine logique, une complémentarité et donc une vision de ce que doit être une culture scientifique et technologique. La suppression de la Technologie en 6ème romprait cette logique.
Comment se passer d’une discipline dont la présentation du programme, nous indique :
” Dans leur découverte du monde technique, les élèves de 6ième sont initiés à la conduite d’un projet technique répondant à des besoins dans un contexte de contraintes identifiées. Ils sont sensibilisés aux enjeux du changement climatique, de la biodiversité et du développement durable […] l’accent est mis sur la communication individuelle ou collective, à l’oral comme à l’écrit en recherchant la précision dans l’usage de la langue française…”
La liaison école-collège du cycle 3 en Sciences et Technologie (Technologie, Sciences et Vie de la Terre et Sciences Physiques) ne va plus contenir de Technologie en 6ieme. Les professeurs des écoles contribuent à faire naître des vocations en enrichissant la culture générale de leurs élèves de CM1 et CM2 qui ne seraient plus entretenues en 6ème ?
C’est donc une décision purement politique à mettre vraisemblablement en relation avec le manque d’enseignants. Il aurait pu être imaginé de conserver le triptyque Technologie, Sciences et Vie de la Terre et Sciences Physiques avec 1h par discipline. Ceci ne fait pas, à ce jour, l’objet d’un texte officiel.
La discipline de Technologie permet de faire l’acquisition des compétences numériques nécessaires à la scolarité de l’élève et fondamentales dans le Cadre de références des Compétences Numériques. En effet, découvrir l’ENT et maîtriser les outils numériques fondamentaux est un défi pour l’élève dès son début de 6ième. Cet apprentissage est dans les programmes de cycle 3 et a vocation à réduire les inégalités sociales. Qui se chargera de cet apprentissage ? Sur quel temps d’enseignement ?
Nous pouvons concevoir que les contenus de la discipline Technologie sont à faire évoluer pour relever les défis contemporains et futurs mais la supprimer radicalement en 6ième nous paraît, dans le monde actuel, très préoccupant.
Le rôle de l’enseignement de la technologie en 6ième en faveur de l’égalité Filles / Garçons :
Le gouvernement n’a eu de cesse de réitérer, et à juste titre, l’enjeu crucial de doter tous les citoyens d’une culture scientifique et technologique solide tout en mettant l’accent sur l’égalité Filles-Garçons.
Développer l’égalité Filles-Garçons en actes et en paroles, est considéré comme central. Or, plusieurs études scientifiques et rapports d’experts mettent en évidence que les sciences et les technologies sont des domaines particulièrement genrés et que la proportion de filles qui choisissent ces filières est toujours basse. Comment se priver alors d’un levier extraordinairement utile, la Technologie touchant tous les élèves dès l’entrée au collège, pour susciter des vocations et renforcer la présence des filles dans les filières d’ingénierie et industrielles ?
A cela s’ajoute la diminution du nombre de lycéens et lycéennes dans les filières scientifiques et technologiques suite à la réforme du lycée, et par conséquence, dans le supérieur. Ces décisions nous semblent porter atteinte à l’ensemble de la filière, et par ricochet, au devenir de la nation.
Le rôle de l’enseignement de la technologie en 6ième pour créer des vocations.
Au moment où les INSPE rencontrent des difficultés à attirer des étudiants dans les disciplines scientifiques de leurs Master MEEF, aux moments où les Sciences en général, et les Sciences Industrielles de l’Ingénieur en particuliers, sont confrontées à une pénurie structurelle de candidats au concours de recrutement des enseignants, au moment où, malgré les job-dating, le gouvernement peine à susciter des vocations pour recruter des enseignants, est ce que la disparition de la Technologie améliorera la situation?
Si cette logique devait être suivie jusqu’au bout, cela signifierait-il que toutes les matières connaissant des difficultés de recrutement devraient disparaître ?
L’ANFS2I (Association nationale des formateurs en Sciences Industrielles de l’Ingénieur)