Dans la salle de la mairie de la petite ville de Fonbeauzard (31), on entre un peu sur un plateau de tournage cinématographique. Et pourtant c’est de livres dont il s’agit. Plus précisément d’albums jeunesse. Magali Bardos, autrice et illustratrice, propose une scénographie qui dévoile les coulisses de la création.
L’exposition intitulée « les redoutables » – titre inspiré de la réplique d’un de ses personnages – nous plonge dans la genèse de trois de ses ouvrages : « On est foutus », « Garry ry ry » et « Tapage & Ramdam ». Tigre, lion, lapin, éléphant, écureuil, chouette… sont des personnages-animaux en prise avec leur environnement. Ils sont pour l’occasion proposés en trois dimensions au sein d’un décor de forêt de carton ajouré, prêts à jouer les acteurs. « Quand je fais des livres, j’ai l’impression que les personnages prennent vie, qu’ils décident un peu du déroulement de l’histoire. » explique Magali Bardos. L’autrice s’est ensuite représentée en deux dimensions et telle une réalisatrice, une preneuse de son ou une éclairagiste, elle met en scène ce petit monde, appuyé par une bande son permettant d’entendre le « tournage » de l’histoire. « C’est une sorte de métaphore de la création » résume-t-elle. Des illustrations originales, des planches de recherche, des carnets ou des petites maquettes préparatoires viennent étoffer cet aperçu du processus de fabrication.
Plusieurs classes des écoles Buissonnières, maternelles et élémentaires, de Fonbeauzard ont ainsi pu visiter cette exposition proposée dans le cadre du vingt-et-unième festival du livre jeunesse Occitanie ayant pour thème « ça se construit ». C’est le cas des 25 élèves de CE2 de Anne Demarais qui sont venus munis d’un livret imaginé par l’enseignante spécifiquement pour l’occasion. L’observation de détails, d’éléments dans les illustrations ou la recherche des dessins originaux en comparaison avec les dessins des albums, parmi quelques intrus, sont un moyen de rendre les élèves acteurs de la visite. « C’était impressionnant de voir combien ils étaient calmes et attentifs en écoutant la bande son de l’histoire » témoigne Anne. « Le dispositif scénique interpelle les enfants. Je pense que cela les amuse aussi. Cela leur donne un autre regard d’avoir les éléments en volume, cela résonne avec l’image du livre » complète l’illustratrice. Pour la professeure des écoles, c’est également la sensibilisation à un métier. « Ils ont été surpris par le travail minutieux, abouti et ils ont découvert divers matériaux. La feutrine, la laine bouillie des différents personnages par exemple. »
Dessins, scène 3, actions !
Le festival cible deux jours de fêtes, les 28 et 29 janvier, à Saint Orens de Gameville, avec pratiques artistiques, lectures, spectacles, rencontres et dédicaces, mais les organisateurs et organisatrices sont également engagé.es dans l’éducation artistique et culturelle. Au-delà de l’évènement, divers projets sont proposés à plus de 3 500 élèves des communes de Toulouse Métropole. « Grâce à cette proximité et à la participation de la mairie, nos élèves ont la chance d’échanger et de travailler avec des artistes » témoigne Marie Molinari, enseignante en MS-GS à l’école Buissonnière. Après avoir lu les albums en classe puis visité l’exposition, les élèves de Marie, comme dix autres classes du secteur, ont eu le plaisir de rencontrer Magali Bordes au cours d’ateliers. Ces moments viennent étoffer la visite avec un premier temps de discussions autour de la lecture d’une œuvre de l’autrice et autour des ressentis suite à l’exposition. Le décryptage du fonctionnement de l’artiste se poursuit, se précise. Ainsi, dans un second temps, Magali peint un dessin en direct, donnant à voir son travail d’illustratrice. « Je viens avec mes outils : pinceaux, gouaches. Cette démonstration c’est comme une dédicace et une mise en appétit ! »
Vient alors pour les enfants, le moment de passer à l’action ! Les ateliers d’illustration se déclinent différemment selon l’âge des enfants. Dans la classe de MS-GS, c’est un travail sur la silhouette du chat qui est réalisée. Comprendre que c’est une forme sans les détails. « Cela donne un axe nouveau aux pratiques en arts plastiques » souligne l’enseignante. Les élèves sont ensuite amenés à coller des yeux et des lunes pour la bouche, ils abordent différents mediums ou techniques tels que les craies, la peinture ou les papiers à coller, comme une réflexion sur l’expression. « J’aime bien faire travailler en classe entière, malgré quelques hésitations des enseignantes parfois. Cela offre une dynamique particulière. On s’attend, on s’écoute, on est en désir de l’étape suivante » précise Magali qui donne un cadre défini à la fois par des contraintes et des sollicitations d’interprétation. « Je trouve toujours génial de voir les diversités d’expression. Je prends toujours un temps pour que chacun regarde le travail de l’autre. C’est formateur aussi de découvrir comment l’autre a travaillé. »
Chercher la lumière
Dans la classe des CE2 aussi, les apprentissages stimulés ravissent les enfants. Il s’agit d’intégrer des dessins de la petite chouette de « Tapage & Ramdam » dans un décor nocturne dessiné aux feutres noirs, puis noirci au fusain. C’est un jeu avec les dégradés d’obscurité qui s’apprend alors. Puis, c’est la lumière qui entre dans l’œuvre grâce à un crayon de couleur jaune. « La lumière déborde avec des faisceaux divers selon l’intensité de la source imaginée. La lampe, la bougie, le lampion, la guirlande impliquent des traits plus ou moins grands. Cela renvoie au travail avec la maquette où le placement de la lumière constitue une véritable recherche pour moi » explique l’illustratrice. De son côté, Anne estime que le processus de création est mieux perçu, que les élèves « prennent conscience du travail préalable, de la nécessité de recommencer, de s’interroger, que cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique mais que l’histoire, les titres, les dessins évoluent. » Un livre, un dessin ça se construit !
A la fin du projet, toutes sont enthousiastes, convaincues aussi que c’est le lien entre les enseignantes et l’artiste, les préparations en amont, qui permettent l’émulation. Pour Marie « cette rencontre fait émerger chez les enfants des envies, des désirs d’essayer de créer à leur tour ». Pour Anne comme pour l’illustratrice, la venue d’une artiste en classe permet de libérer le geste, de permettre aux plus timorés d’oser s’exprimer grâce à un pas de côté du cadre scolaire. Finalement comme une école buissonnière, où, tapis derrière les buissons, les enfants apprendraient à construire leurs chemins.
Cerise Lenoir