Mardi 24 janvier s’est tenue la première réunion sur la revalorisation « socle » dans la cadre de la concertation avec les syndicats. Le ministère a présenté plusieurs hypothèses de revalorisation pour une enveloppe globale de 1,9 milliards d’euros – soit 635 millions pour 2023, dont l’objectif est « d’élever les rémunérations en moyenne de 10% par rapport à 2020 pour contribuer à restaurer l’attractivité du métier enseignant et reconnaître l’engagement des enseignants ». Aucun ne satisfait les syndicats, bien au contraire.
10% de revalorisation pour tous : il y a tromperie selon la FSU et le Snalc
Concernant les 10% promis par le candidat Macron, c’est loin d’être très clair. Ces dix pour cent englobent le dégel du point d’indice et les différents gains acquis depuis 2020. Le Snalc estime qu’il y « tromperie du calcul en pourcentage » puisqu’il « inclut les primes Blanquer et le dégel (insuffisant) du point d’indice ». Même constat pour la FSU, « Les chiffres confirment la tromperie de la promesse d’E.Macron : il n’y aurait pas une augmentation de 10 % pour tous les personnels sans contreparties. Et en tout état de cause ces 10 % n’auraient même pas suffi pour compenser les pertes de pouvoir d’achat de ces 20 dernières années ». Pour le SE-Unsa, on passe « du choc d’attractivité au choc de déception ».
Deux scenarii pour une revalorisation
Le ministère a présenté deux hypothèses de revalorisation. Le premier scenario prévoit une revalorisation d’une partie des enseignants, CPE et psychologues de l’Éducation nationale jusqu’à 26 ans de carrière. Pour les stagiaires, le gain varierait entre 82 et 164 euros net mensuels – selon qu’ils soient à temps complet ou en demi-service d’enseignement. Les néo-titulaires dépasseraient la barre des 2000 euros avec un gain de 153 euros nets mensuels. Avec 5 ans d’ancienneté, le gain s’élèverait à 242 euros – toujours en net mensuel. À 10 ans, 292, à 15 ans, 185 euros et à 20 ans, selon que l’agent est à la classe normale ou à la hors classe, le gain est de 64 à 85 euros. Dans ce scenario, à partir de 26 ans d’ancienneté aucune revalorisation.
Le deuxième scenario propose une revalorisation de tous les enseignants, CPE et psychologues de l’Éducation nationale en amoindrissant la revalorisation prévue pour les agents de la classe normale. A partir de dix ans d’ancienneté, les gains commenceraient à décroitre. Les enseignants toucheraient 282 au lieu des 292 euros à l’échelon de la classe normale – donc jusqu’à 11,5 ans d’ancienneté. A partir de l’échelon 10 – dont le gain serait plus que divisé par 2, passant de 78 à 36 euros, tous les agents seraient revalorisés à hauteur de 36 euros. Une somme qualifiée « d’indigne du déclassement salarial de nos professions pour bon nombre de collègues » par la FSU. Le Snalc, « ne cautionnera pas que des personnels ne touchent une fois encore rien, ou un montant dérisoire – 36 euros par mois, quelle aumône…. Les secondes parties de carrière, notamment, ne peuvent continuer à perdre année après année du pouvoir d’achat, tout en s’entendant dire qu’ils bénéficient de revalorisations historiques ».
Cette revalorisation ne sera pas inscrite dans la grille indiciaire. « C’est à coup d’indemnités et non par une revalorisation de la grille indiciaire que le ministère prétend opérer une revalorisation « inédite » : en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, ce choix est une véritable provocation ! » s’indigne la FSU. Pour le SE-Unsa, « La hausse des rémunérations se traduira essentiellement par une hausse de la prime d’attractivité. Il privilégie donc le système indemnitaire plutôt qu’une revalorisation du point d’indice assortie d’une reconstruction des grilles. De plus, l’amplification importante de la prime d’attractivité sur les premiers échelons de la classe normale oublie toutes celles et ceux qui ont déjà une quinzaine d’année d’ancienneté. Même si la rue de Grenelle prévoit enfin les nécessaires mesures d’amélioration d’accès à la hors-classe et à la classe exceptionnelle, pour le SE-Unsa, l’évolution de carrière ne doit pas servir à compenser les pertes de pouvoir d’achat sous le coup de l’inflation. »
Autres annonces, la reprise de l’ancienneté des lauréats au concours en reconversion professionnelle afin de « renforcer l’attractivité́ des carrières pour les personnes souhaitant accéder aux métiers enseignants en cours de vie professionnelle, indépendamment du concours qu’ils choisissent de passer et de favoriser la lisibilité́ et l’égalité́ de traitement entre lauréats ». Le ministère entend aussi « améliorer le passage à la hors classe » et « élargir les promotions à la classe exceptionnelle »
« Une logique délétère du travailler plus pour gagner »
Pour la FSU, « les chiffres présentés confirment que le pacte et sa logique délétère du travailler plus pour gagner plus sont l’axe central du projet ministériel, au mépris de la crise que traverse l’Éducation nationale. En effet, les mesures envisagées conduisent à un aplatissement de la carrière. Sans perspective d’augmentation de la rémunération de base, les collègues qui souhaiteraient légitimement être mieux rémunéré-es seraient contraint-es de passer par le pacte pour être mieux payé-es… Ces propositions sont inacceptables. Elles sont la preuve de l’absolue nécessité d’un collectif budgétaire qui permettrait de dégager une enveloppe conséquente conjuguée à un plan pluriannuel pour un rattrapage des pertes et une revalorisation sans contreparties, de toutes et tous, début, milieu et fin de carrière ».
Le SE-Unsa indique qu’« il y a urgence à reconnaître le métier tel qu’il s’exerce aujourd’hui sans lui ajouter de nouvelles charges. C’est à cette condition que le métier peut redevenir attractif et mieux vécu. Le SE-Unsa demande au ministère de dévoiler au plus vite ses intentions sur la partie « pacte ». Pour le SE-Unsa, l’enveloppe budgétaire dédiée ne doit pas être conditionnée à des missions supplémentaires mais reconnaître le métier tel qu’il s’est déjà intensifié et complexifié avec l’inclusion, l’accompagnement individualisé et l’accompagnement à l’orientation notamment ».
Le Snalc, quant à lui, estime que « même si l’enveloppe globale n’est pas insignifiante, elle ne suffit pas, loin de là, à effectuer le rattrapage salarial auquel l’ensemble des collègues a droit. À partir de là, toute répartitions de cette enveloppe n’est de toute manière pas satisfaisante ».
La prochaine réunion de concertation – qui aura lieu le 15 février – portera sur la revalorisation « pacte ». Avant cette échéance, rendez-vous est pris par tous les syndicats le 31 janvier dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites. Même si ces questions ne semblent pas directement liées, la capacité des syndicats à rassembler les personnels de l’éducation sera un signal en direction du ministère.
Lilia Ben Hamouda