Dans l’émission « Le rendez-vous d’Apolline de Maherbe » sur BFM, le Ministre a annoncé la généralisation de l’expérimentation « 6e tremplin » en cours à Amiens. Les professeurs des écoles, enseignants et enseignantes du premier degré, devront effectuer des heures de « soutien » dans les collèges. Une annonce que les syndicats de professeurs ont du mal à digérer.
Le ministre annonçait mercredi matin la généralisation de l’expérimentation « 6e tremplin » en cours à Amiens. De quoi s’agit-il ? Depuis septembre dernier, les élèves de six collèges amiénois bénéficient d’un accompagnement spécifique en français et en mathématiques pour renforcer l’apprentissage des fondamentaux. Le dispositif vise des élèves identifiés en difficulté scolaire. La grande nouveauté de ce dispositif, c’est que ce sont des enseignants du primaire, des professeurs de écoles, qui interviennent sur ces heures de remédiation.
Dès septembre prochain, ce seront donc 1200 postes de professeurs des écoles qui assureront des missions au collège alors que la rue de grenelle supprime des postes dans le second degré. Cette décision est certainement liée à la baisse démographique dans le premier degré et ne coûtera rien au gouvernement. Sera-t-elle efficace ? Rien n’est moins sûr.
Guislaine David est la porte-parole du premier syndicat des enseignants du premier degré, le SNUipp-FSU et elle agacée. « Visiblement, le Ministre souhaitait réformer le collège. Finalement, les mesures annoncées semblent se focaliser sur la sixième, et surtout l’heure de soutien qui sera effectuée par nos collègues professeurs des écoles. On savait le ministère embêté par la question des missions supplémentaires à proposer aux enseignants et enseignantes du premier degré dans le cadre du pacte enseignant. Les formations sur le temps des vacances scolaires, on s’y attend. Maintenant, on comprend qu’on va nous proposer d’aller donner des cours au collège après la classe, sur la pause méridienne ou encore les mercredis pour gagner plus ». Elle pointe aussi les discours – « les mêmes depuis de 27 ans » – qui proposent de faire plus de dictées et plus de calcul mental pour parer aux difficultés des élèves. « On ne parle pas du nombre d’élèves par classe, de l’absence de remplacement, du manque d’enseignants spécialisés. Encore une fois, on responsabilise les profs ». Guislaine David qualifie ce dispositif de saupoudrage, « c’est en amont de l’apparition des difficultés que l’on doit œuvrer ». Et pour couronner le tout, ces annonces, la co-secrétaire générale en a pris connaissance en écoutant BFM…
Pour Stéphane Crochet du SE-UNSA, cette annonce n’est pas une surprise. « Dès la création des 6e tremplin de l’académie d’Amiens, nous avions bien compris qu’ils seraient généralisés avant même d’être évalués. C’est une réponse superficielle face aux besoins des élèves et dont on doute de la soutenabilité dans le temps ». Pour le secrétaire général, les enseignants et enseignantes ayant participé à l’expérimentation expriment des doutes quant à la capacité de tenir dans la durée lorsqu’il s’agit d’aller intervenir dans le collège du secteur pendant la pause méridienne ou le mercredi matin. « Avec 1000 postes en moins dans le premier degré et 500 dans le second degré annoncé pour la prochaine rentrée, ce type d’intervention relèvera des missions supplémentaires qu’évoquent le ministre ».
Et quant au bénéfice pédagogique, là aussi, Stéphane Crochet émet des doutes. « Le ministre part du constat qu’un quart des élèves en français et un tiers en maths ont des savoirs fondamentaux fragiles et sa réponse, c’est une trentaine d’heures de soutien en classe de sixième ». Pour lui, la réponse se situe dans les RASED, réseaux composés d’enseignants spécialisés décimés depuis plus d’une dizaine d’année. « Aujourd’hui, on a supprimé les moyens pour que les difficultés scolaires ne s’installent pas. Du coup elles augmentent. Et on propose une trentaine d’heures de soutien… Il faut des enseignants spécialisés dans le premier degré pour intervenir en amont des difficultés scolaires. Il faut aussi travailler concrètement à une meilleure coopération à l’intérieur du cycle 3. On sait que c’est un des moyens de faciliter la transition école-collège. Et bien entendu, il faut réduire les effectifs et arrêter de demander aux professeurs du second degré de faire des heures supplémentaires ».
Au SNES, Sophie Vénétitay ne décolère pas non plus. « On a envie de se dire tout ça pour ça ! Cela fait des mois que le Ministre fait du teasing sur les annonces concernant le collège – qu’il qualifie d’homme malade du système, qu’il explique qu’il va apporter des réponses fortes… Finalement, on est face à des mesures très cosmétiques et que l’homme malade, on va lui donner une petite tape dans le dos en lui disant que cela va aller mieux ». Pour le SNES, le collège a besoin d’une baisse d’effectif par classe – « c’est LA mesure à prendre en urgence ». « C’est en travaillant en petits effectifs que l’on peut travailler avec tous les élèves, notamment ceux en difficulté. Des classes moins chargées, c’est permettre aux enseignants de travailler les difficultés dans la classe. On sait que c’est ce qui permet de faire progresser les élèves et de lutter contre les inégalités » conclut-telle.
Lilia Ben Hamouda