« Comme le dit Dominique Bucheton, « ensemble on est plus intelligent ». » Claire Lommé revient des Journées nationales de l’APMEP, l’association des professeurs de maths, qui ont eu lieu du 22 au 25 octobre à Jonzac . Des journées qui servent à rencontrer des collègues passionnés des mathématiques. Mais aussi à s’amuser et à monter des projets. Des journées pour retrouver la pêche ?
En mathématiques, il existe de nombreuses associations pour développer, soutenir, réfléchir, mutualiser. L’APMEP (l’association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public) est l’une d’elle. L’APMEP est présente et active dans le paysage mathématique : elle échange avec les autres associations et sociétés de l’enseignement, de l’éducation ou des maths, dialogue avec les médias, rédige des communiqués pour réagir à l’actualité de l’enseignement. Elle édite de nombreuses ressources, comme des brochures d’activités (automatismes, jeux pédagogiques) clefs en main, avec mode d’emploi et correction incluse, des publications pour réfléchir au métier (« prof de maths, un chouette métier ! ») et à la discipline merveilleuse que sont les mathématiques (« maths et philo : récréations philosophiques »), ou encore une revue riche d’outils et d’expériences, pour tous les niveaux de la maternelle à l’université, Au fil des maths. Et puis il y a les journées.
Les journées, ce sont les Journées nationales de l’APMEP. Une fois par an, plusieurs centaines de professeurs des écoles, de profs de maths de collège, lycée général, lycée professionnel, d’enseignants du supérieur, de formateurs, de chercheurs et de cadres se rassemblent, au début des vacances de la Toussaint. Ils passent là quatre jours ensemble, du vendredi au mardi, à faire des maths, à parler de maths, à apprendre des maths, à discuter politiques éducatives. Ensemble, c’est bien le maître mot. Avant même maths. Cette année, les journées étaient à Jonzac. Alors aller aux Journées nationales de l’APMEP, qu’est-ce que cela apporte à un prof ?
Rencontrer
Aux journées, on peut rencontrer tout un tas de personnes qui ont décidé de venir passer leurs premiers jours de vacances là. Alors évidemment, c’est un lieu de formidables rencontres : on y échange avec des figures de la mathosphère, comme avec des collègues peut-être plus anonymes, mais tout aussi enrichissants. Ces personnes peuvent être jeunes dans la profession, venir d’autres horizons professionnels, d’autres pays, être retraités : tout le monde a sa place et peut apporter sa contribution. On échange des mails, on agrandit notre monde, on développe un réseau. Ce réseau n’est pas un réseau de principe, un réseau-qui-fait-bien. C’est un réseau qui aide à trouver encore mieux sa place, à rompre l’isolement professionnel que nous pouvons vivre. Un réseau-qui-fait-du-bien, nuance. Ce réseau est robuste : au fil des années, il se confirme, se consolide. Il est étayé par les collègues organisateurs et par les membres actifs de l’association, qui organisent des tables rondes, des regroupements autour de questions d’actualité.
On rencontre aussi des personnes qui ne sont pas dans les maths au quotidien, mais qui partagent avec nous l’envie d’échanger et de découvrir ; par exemple, l’artiste François Abélanet est venu aux Journées de Jonzac co-présenter un atelier sur les anamorphoses. Les collègues participants ont pu réaliser de magnifiques anamorphoses avec lui, découvrir son univers, parler du leur.
Apprendre
Évidemment, aux Journées, on apprend. On apprend encore différemment comme les mathématiques sont belles, parce qu’elles ont toujours quelque chose à nous apprendre encore : de l’art, de l’origami, de la littérature, des contes, de la musique, de la bande dessinée, de la sociologie, de la biologie, de l’économie, de l’histoire… Les maths sont partout, les matheux et les matheuses aussi ! Bien loin des images stéréotypées d’un entre-soi disciplinaire, les Journées sont l’occasion de s’ouvrir à la culture et aux cultures.
On apprend aussi en se spécialisant : des ateliers et des conférences proposent d’aller plus loin dans des domaines ou des notions mathématiques, ou d’interroger la logique ou le langage de façon pointue. Chacun choisit ce qu’il veut, prend ce qu’il veut dans le programme. Il y en a pour tous les goûts, pour toutes les énergies, pour tous les projets. On apprend aussi où en sont les réformes actuelles, ce qui se profile, comment fonctionne un niveau d’enseignement qui n’est pas le nôtre, on entend les avis des un(e)s et des autres. On fait des maths, au pluriel. Mes maths, vos maths, nos maths.
S’équiper
Quand on va aux Journées, on est équipé en arrivant : chaque congressiste reçoit le sac des Journées, différent chaque année, déjà garni de matériel et de lecture. Mais on réserve aussi du temps pour « passer aux stands » : des éditeurs, des fabricants de calculatrices, de jeux pédagogiques, des concepteurs de dispositifs didactiques qui sont là, pendant toutes les Journées, pour montrer leur travail et faire découvrir leurs productions. On repart donc avec des ressources plein la valise, pour mieux faire réussir nos élèves et nos étudiant(e)s, ou pour nous, pour développer nos compétences. Cette fantastique fourmilière est souriante et chamarrée, à l’image de l’association.
Se projeter
Quand on a fait de belles rencontres mathématiques, appris de nouveaux savoirs pédagogiques, didactiques ou autrement culturels, qu’on a déniché LA ressource (ou plutôt LES ressources, en général…) qui nous manquait ou qu’on ignorait, qu’on se sent faire partie d’un collectif tout sauf prescriptif, que se passe-t-il ? On se projette. Du petit projet pour le jour de la rentrée au projet pédagogique de grande ampleur, d’une nouvelle collaboration à une idée de transformation professionnelle, l’avenir est plus grand, plus ouvert à des possibles. On peut aussi se projeter dans l’association : adhérer (car on peut aller aux Journées sans être adhérent, bien sûr !), s’engager dans un groupe de production de ressources, dans la vie associative de l’APMEP, à sa mesure.
S’amuser
Alors oui, ces centaines de personnes font des maths sur leurs premiers jours de vacances. Vu de l’extérieur, peut-être cela vous paraît-il encore étrange ou décalé, malgré ce que vous venez de lire… Moi qui écris ces lignes, je sautillais en expliquant à mes collègues perplexes que je partais aux Journées. Je sautillais car je savais que j’allais y puiser de l’énergie, y respirer une grande bouffée d’air, mais pas seulement : nous visitons la région grâce aux organisateurs, nous dégustons les spécialités locales, nous partageons un certain nombre d’apéros.
Comme le dit Dominique Bucheton, « ensemble on est plus intelligent ». Les Journées de l’APMEP sont un lieu de joie, de convivialité et de partages des intelligences. On n’y va pas pour être toutes et tous d’accord. On y va pour parler et pour progresser, pour débattre et évoluer, pour comprendre et faire des projets. A un moment où la formation continue institutionnelle est peu accessible, où le métier est dur, ces moments sont précieux et régénérants. L’année prochaine, les Journées sont à Rennes. Nous rejoindrez-vous ?
Claire Lommé