« Nous continuerons la refondation de l’école entamée lors du dernier quinquennat ». Lors de la déclaration du gouvernement, le 6 juillet, devant l’Assemblée nationale, la première ministre dessine ce que sera la réforme de l’École : revalorisation mais « nouveau pacte », « transformation de l’école », contrats locaux, apprentissage dans les lycées professionnels. Élisabeth Borne confirme aussi la réforme des retraites. Et elle sonne le retour à la rigueur budgétaire… Tout en prônant la concertation, le gouvernement n’entend rien céder de ses projets même quand ils sont clairement rejetés comme le « nouveau pacte ».
La concertation sans rien lâcher
« Plus que jamais, nous mènerons chaque réforme en lien étroit avec les organisations syndicales et patronales. Nous avons besoin d’elles et elles savent qu’elles trouveront en moi une interlocutrice franche, constructive et déterminée ». Élisabeth Borne a commencé sa déclaration de politique générale en promettant de la concertation et de l’écoute. Mais sans rien lâcher sur aucune réforme portée par E Macron, ce qui va être un exercice difficile.
L’école des fondamentaux…
La première ministre s’est d’abord située dans la continuité avec les réformes de JM Blanquer. « Notre école, c’est celle qui conforte les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, respecter, et s’empare des nouveaux savoirs comme le codage informatique », déclare-t-elle. Récemment P Ndiaye avait aussi rappelé les fondamentaux mais sans y inclure le « respecter autrui » cher à JM Blanquer. La politique éducative gouvernementale reste ancrée dans le discours conservateur sur l’École.
Et du nouveau pacte
C’est dans cette continuité qu’elle annonce de nouvelles réformes. Comme E Macron, E Borne lie la revalorisation des enseignants à la transformation de leur statut. Elle le fait en précisant les modifications. « Nous revaloriserons leurs salaires et construirons, avec eux, les évolutions de leur profession. Avec eux, nous devrons bâtir un nouveau pacte, répondre à la question des remplacements, avancer pour l’aide individualisée, adapter leur formation, soutenir les projets collectifs ». Le nouveau pacte devrait donc inclure, comme E Macron l’a déjà laissé entendre, la prise en charge de tâches nouvelles, comme les remplacements, par les enseignants. Et leur acceptation du « projet collectif », c’est-à-dire leur embauche par le directeur ou le chef d’établissement.
Le nouveau management de l’École
La première ministre confirme aussi la multiplication des contrats locaux. « Il serait illusoire de croire que les solutions seraient identiques, partout, sur tous les territoires. L’égalité réelle, c’est adapter notre action en fonction des situations locales et des besoins des élèves. Le plan « Marseille en grand » lancé par le président de la République l’année dernière a ouvert la voie ». On a là une menace sérieuse pour le maintien d’une politique d’éducation prioritaire. Et là aussi il y a un écart avec les propos de P Ndiaye qui a annoncé la réunion d’un groupe de travail sur l’éducation prioritaire.
Enfin la première ministre confirme le lancement d’une concertation avec « toute la communauté scolaire, les associations, les élus » dès septembre. Ces réunions qui devraient avoir lieu au niveau des écoles et des établissements pour définir un projet d’école ou d’établissement avec les parents et les élus doivent être le levier pour faire sauter les résistances enseignantes.
E Borne a aussi confirmé la politique menée dans les lycées professionnels : « nous élargirons au lycée professionnel le succès de l’apprentissage ». Enfin elle a annoncé l’extension du Pass culture dès la 6ème. Une mesure positive qui peut aider les enseignants à organiser des sorties culturelles en utilisant la part collective du Pass.
Le retour annoncé à la rigueur budgétaire
La partie du discours d’E Borne sur le budget marque par contre un tournant. Après des mois du « quoi qu’il en coûte » puis de programmes électoraux dont les annonces budgétaires relevaient d’un très grand optimisme, E Borne annonce la rigueur budgétaire. Sur ce terrain la feuille de route a été donnée par la Cour des Comptes dès juin 2021.
« Du fait de la guerre qui dure, notre situation économique s’est assombrie », dit la première ministre. « Nos perspectives de croissance se dégradent. Les taux d’intérêt augmentent. Quant à nos finances publiques, elles doivent reprendre le chemin de l’équilibre ». La France est très loin de cet équilibre budgétaire.
Et E Borne précise ce qui va être la politique gouvernementale en évoquant « la responsabilité budgétaire ». « Une déclaration de politique générale, c’est un moment de vérité. Un moment de partage, aussi, des contraintes auxquelles nous faisons face. Les données sont claires. Du fait de la guerre qui dure, et comme partout en Europe : – notre croissance économique sera plus faible que prévue ; – l’inflation sera plus forte ; – et la charge de la dette augmente. Nos objectifs, eux aussi, sont clairs : En 2026, nous devrons commencer à baisser la dette. En 2027, nous devrons ramener le déficit public sous les 3% », dit elle. Elle reprend l’échéancier établi par la Cour des comptes.
Partant de 9% de déficit public en 2021, on mesure l’effort à fournir pour revenir à 3% et en même temps commencer à diminuer le volume de la dette. La première ministre promet d’y arriver grâce à la croissance (pour le moment en chute libre) et « une bonne gestion » tout en n’augmentant pas les impôts. E Borne a même annoncé la suppression de 8 milliards d’impôts sur les entreprises en 2023. Résoudre cette équation semble vouloir dire une forte baisse de la dépense publique (« une bonne gestion »), terme assez incompatible avec la revalorisation promise.
Une libéralisation en débat
On comprend mieux l’annonce du maintien de la réforme des retraites. « Oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps. Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite. Elle ne sera pas uniforme et devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité. Elle devra veiller au maintien dans l’emploi des seniors ». L’argent des retraites va t-il servir à soutenir les entreprises et le retour à l’orthodoxie des comptes publics ?
Cette dérive libérale a été pointée par Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée , dans sa réponse à E Borne. « Nous ne vous rejoindrons pas pour mettre en oeuvre un programme et un projet libéraux qui ne sont pas les nôtres…. Nous avons dénoncé le malthusianisme de votre politique éducative guidée non pas par l’ambition de donner une place à chacun mais par le souci que chacun reste à sa place… Nous n’avons pas été élus pour mettre en place la libéralisation de l’école publique ».
François Jarraud