» Doit-on perdre aujourd’hui tout espoir que l’école maternelle ait un jour les moyens d’une véritable prévention de l’échec en mathématiques ? » Spécialiste de la didactique des mathématiques, Rémi Brissiaud montre à l’aide d’exemples précis comment se construisent de fausses représentations mathématiques. Comment faire face à l’échec scolaire ? « Rêvons à des enseignants formés aux travaux de psychologie qui permettent de comprendre pourquoi une proposition a priori de bon sens comme : « pour apprendre les nombres, il faut commencer par apprendre à compter des objets », ne résiste pas à l’analyse minutieuse des difficultés que rencontrent les enfants à comprendre le comptage »…
Les enfants de 2-3 ans, dans le même temps qu’ils apprennent à parler, construisent leurs premières connaissances numériques. Quelles sont-elles ? Un constat émerge des recherches récentes : il y a de grandes différences entre les enfants selon leur langue maternelle. Ainsi les enfants anglophones sont en avance dans leur compréhension des 3 premiers nombres sur les enfants francophones (Hodent, Bryant & Houdé, 2005) ; ils sont également en avance sur les enfants nippophones (Sarnecka et collègues, 2007). Dans cette dernière recherche, l’activité des enfants consiste à donner un nombre déterminé d’objets : « Donne-moi N cubes. Les chercheurs visent à apprécier la connaissance des 3 premiers nombres. À 3 ans environ les enfants anglophones savent donner 2 objets en moyenne (ce qui signifie que certains ne réussissent que lorsque N = 1 alors que d’autres réussissent de manière fiable jusqu’à N = 3). Les enfants nippophones ne savent donner qu’un seul objet en moyenne. Comment expliquer une telle différence ?
On se doute que les parents japonais enseignent la comptine verbale (« un, deux, trois…) et le comptage d’objets tout autant que les parents états-uniens. Cependant, nous allons voir que :
– Cet enseignement du comptage d’objets ne produit pas les effets escomptés parce que les enfants de cet âge ne comprennent généralement pas comment il permet d’accéder au nombre.
– Lorsque la langue maternelle ne favorise pas le franchissement de cet obstacle, certains enfants s’enferment dans un comptage rituel qui peut constituer les prémisses d’un échec grave et durable en mathématiques.
– Fort heureusement, il est raisonnable de penser que quelle que soit la langue maternelle, une autre façon de « parler les nombres » en PS, en s’adressant de manière prioritaire aux enfants de 2-3 ans dont les conditions socio-culturelles créent un risque de difficultés langagières, aurait un rôle de prévention extrêmement efficace.
Les enfants de PS ne comprennent pas que le comptage permet d’accéder au nombre
Pour éviter toute confusion, précisons d’emblée que la difficulté concerne le comptage d’objets. Il s’agit donc d’être prudent dans l’enseignement de ce même comptage d’objets et non dans l’enseignement de la comptine numérique lorsque celle-ci est récitée en dehors de tout pointage d’objets. Souvent, les enfants adorent apprendre la suite verbale et cela ne présente aucun inconvénient. C’est le pointage d’objets dans le même temps que les mots-nombres sont égrénés l’un après l’autre qui est source de difficulté. Ainsi le dialogue suivant est-il très fréquent avec des enfants de 3/4 ans :
Adulte : Combien y a-t-il de jetons ?
Enfant (en comptant les jetons) : Un, deux, trois, quatre, cinq.
Adulte : Oui, alors combien y a-t-il de jetons ?
Enfant (recompte les jetons) : Un, deux, trois, quatre, cinq.
Adulte : Je suis d’accord, mais combien y a-t-il de jetons ?
Enfant (recompte les jetons) : Un, deux, trois, quatre, cinq.
Cet enfant prononce bien chaque mot-nombre en pointant un nouveau jeton de la collection, mais il n’isole pas le dernier mot-nombre prononcé pour répondre à la question posée. Dès que l’enfant entend « combien », il compte et reste apparemment incapable d’exploiter ce comptage pour exprimer la quantité.
L’explication de ce comportement est la suivante (Fuson, 1988 ; Brissiaud, 1989 /2003 ; Sarnecka & Carey, sous presse) : lorsqu’un enfant compte, il dit chacun des mots-nombres (« un », « deux »…) en pointant successivement chacun des objets avec le doigt et, de son point de vue, chaque mot-nombre se rapporte à l’objet pointé : il y a « le un », « le deux », « le trois », « le quatre », « le cinq ». Le dernier mot-nombre prononcé, « cinq », est lui aussi une sorte de numéro : il réfère à l’objet pointé, c’est-à-dire au seul dernier objet et non au nombre d’objets, qui est une propriété de la totalité de ces objets (c’est pourquoi j’ai proposé d’appeler ce type de comptage un « comptage-numérotage »).
Un tel comportement n’a rien d’étonnant : ces enfants ne font qu’employer les mots-nombres comme ils le feraient de tout autre mot. Ainsi, lorsqu’on dénomme des objets de façon qualitative en prononçant, comme dans un comptage, des mots tous différents : « gomme, trousse, stylo, cahier », le dernier mot prononcé, « cahier », réfère à l’objet ainsi nommé et en aucun cas à l’ensemble des objets. Ils emploient les mots-nombres comme dans les expressions « j’habite au sept », « c’est le deux qui a gagné », « nous sommes le douze », « je regarde la trois »… Dans chacune des expressions précédentes, le mot-nombre réfère à un élément et un seul, l’idée de quantité est absente. C’est donc une signification proche de celle des numéros que le comptage privilégie et il ne permet pas aux jeunes enfants d’accéder à la signification quantitative des mots-nombres, celle qu’on appelle souvent cardinale parce que c’est la plus importante (cf. les « vertus cardinales »).
L’obstacle du comptage-numérotage et la langue maternelle
Si les enfants n’accèdent pas à la signification cardinale des mots-nombres de façon précoce dans le contexe du comptage, quand y accèdent-ils et dans quelles conditions ? Fort heureusement, les parents utilisent les mots-nombres dans d’autres contextes que ceux où ils comptent des objets ou ceux où ils distinguent entre elles des entités similaires en leur attribuant des numéros. En effet, dans la vie quotidienne les parents utilisent souvent des phrases du type : « Regarde, il y a trois chats », par exemple (Sarnecka et collègues, 2007, montrent que cela correspond approximativement à la moitié des usages des mots-nombres). Or il est plus facile d’accéder à la signification cardinale du mot « trois » dans cette phrase lorsqu’elle prononcée en anglais (« they are three cats ») que lorsqu’elle l’est en français ou en nippon ! L’explication est simple : en anglais, contrairement au français ou au japonais, le « s » terminal exprimant l’idée de pluralité s’entend, il est « sonorisé » ; on dit en effet « three cats » (à comparer avec la prononciation de « trois chats » en français). Or nous avons vu que l’idée de pluralité est celle qui différencie la signification cardinale des mots-nombres de celle de numéro ; le fait que cette idée ait une contrepartie sonore favorise évidemment l’accès à la signification cardinale des mots-nombres.
De plus, en français, le mot « un » a deux significations, ce qui n’est pas le cas du mot « one » en anglais. L’expression française « un chat », par exemple, se traduit soit par : « one cat », soit par : « a cat ». Le mot « one » est choisi lorsqu’on souhaite désigner le nombre de chats correspondant (c’est-à-dire le fait que ce nombre soit réduit à une seule unité !), sinon, on dit : « a cat ». Dans la grammaire scolaire, on dit du premier « un » (quand « un » = « one ») qu’il est un adjectif numéral alors que le second (« un » = « a » ou « an ») est un article indéfini. On pourrait penser que ces deux significations du mot « un » ne sont pas si éloignées l’une de l’autre et que cela n’a guère de répercussions dans les dialogues avec les jeunes enfants. Mais ce n’est pas le cas. Considérons par exemple cette image (extraite de « L’album 1, 2 et 3 » ; Brissiaud, 2005) qui est montrée à des enfants de PS et qui sert de support à une tâche où il faut compléter les phrases : « Il y a un… » ; « Il y a deux… » ; « Il y a trois… ».
En fait, lors des premières rencontres avec ce type d’images qui contiennent des collections ayant respectivement 1, 2 ou 3 unités, il faut inverser l’ordre d’interrogation en demandant d’abord : « Il y a trois… », puis « Il y a deux… » et enfin : « Il y a un… ». En effet, en français, la phrase « Il y a trois… » n’est pas ambiguë alors que la phrase « Il y a un… » l’est. Que dire à l’enfant qui montre un camion et qui dit : « il y a un camion » ? Il a bien évidemment raison. La polysémie du mot « un » participe grandement de cette difficulté parce que l’enfant peut penser qu’on lui demande de décrire ce qu’il voit (il y a un camion là, un nounours là…) plutôt que de dénombrer les différentes collections (en anglais, la phrase : « There is one… » peut plus difficilement recevoir la réponse « truck »).
Dernière difficulté : en français, lorsqu’on parle d’une poule par exemple, l’idée d’unicité ne s’exprime pas en utilisant le mot « un » mais le mot… « une ». Non seulement le même mot, « un » a des significations différentes (adjectif numéral et article indéfini) mais, de plus, la même idée (celle d’unicité) s’exprime avec des mots différents selon le genre. Encore une fois, les enfants anglophones n’ont pas à surmonter cette dernière difficulté.
Résumons : le comptage est une pratique difficile à comprendre parce qu’il n’aide guère à accéder à l’idée de pluralité et, donc, à la signification cardinale des mots-nombres. Les enfants ont la possibilité d’y accéder dans d’autres contextes de conversation mais, selon leur langue maternelle, cela s’avère plus ou moins facile et le français n’échappe à aucune des difficultés qui ont été évoquées. Il n’est pas étonnant que les pédagogues français, contrairement à leurs collègues anglais et états-uniens, se soient longtemps méfiés d’un enseignement précoce du comptage ! Lorsque les pédagogues s’acharnent à enseigner le comptage à des enfants qui ne construisent pas la signification cardinale des mots-nombres dans d’autres contextes, il est raisonnable de penser que l’aspect purement rituel de l’activité de comptage peut faire longtemps obstacle au progrès vers la compréhension des nombres. De fait, les recherches sur la difficulté grave et durable en mathématiques montrent qu’une de ses principales causes est une mauvaise compréhension du comptage. De plus, cette cause produit ses effets indépendamment d’autres causes telles qu’une mémoire de travail limitée (Geary, 2005).
Parler les nombres en utilisant des décompositions
En fait, il suffit d’observer les interactions entre les jeunes enfants et leurs parents pour s’apercevoir que ceux-ci ne privilégient pas systématiquement le comptage, même dans les pays de langue anglaise. Ainsi, une des rares études des interactions langagières mères-enfants à propos du nombre (Durkin et collègues, 1986) montre que les mères se méfient souvent du comptage et qu’elles ont alors avec leur enfant des dialogues comme celui-ci :
La mère (qui est filmée dans une pièce avec son fils Stephan, 30 mois) : Combien y a-t-il de caméras ici ?…
Enfant : ?
La mère : Quatre caméras.
Enfant : Quatre caméras ?
La mère : Oui, une là, une là, et il y en a une là et encore une là.
Si cette mère avait compté « un, deux, trois quatre », elle aurait prononcé « quatre » alors qu’elle pointait une seule caméra (« la quatre ») et l’enfant aurait cru que le mot « quatre » réfère à cette caméra seulement. C’est pourquoi elle est attentive à proposer comme synonyme de « quatre » la suite « une, une, une et encore une ». Elle explicite ainsi que « quatre » renvoie à une pluralité de caméras qu’elle décrit unité par unité. De cette façon, elle réserve l’usage de « quatre » pour désigner la totalité, le nombre. Elle utilise la logique langagière de la décomposition des nombres (4 = 1 + 1 + 1 + 1) et non celle du comptage. Les auteurs de cette étude précisent que ce type d’observation n’est pas anecdotique, qu’il est fréquent.
Dans un petit ouvrage (Brissiaud, 2007) qui précise un point de vue développé depuis bien plus longtemps (Brissiaud, 1989/2003), j’ai essayé de montrer qu’il convient en PS de maternelle de s’inspirer de ce type de dialogue dans le domaine des trois premiers nombres. Plutôt que d’enseigner le comptage d’objets, il vaut mieux parler les premiers nombres en privilégiant les décompositions (« trois camions, c’est un là, un là et encore un là » ou bien « trois camions, c’est deux là et encore un là »), c’est-à-dire avoir un usage des mots-nombres qui se fonde sur leur signification cardinale.
De nombreux travaux de recherche étayent le choix pédagogique de priviligier à l’école l’usage des décompositions des nombres plutôt que le comptage. Parmi les plus importants, il y a les recherches interculturelles qui mettent en évidence que l’avance des enfants anglophones sur les enfants japonais, vers 3 ans, se transforme ensuite en retard, dès 5 ans, du fait que dans les langues asiatiques les nombres se disent : un, deux, trois… neuf, dix, dix-un, dix-deux, dix-trois, dix-quatre, dix-cinq, dix-six, dix-sept… Il n’y a pas, dans les langues asiatiques, les irrégularités langagières : « onze, douze, treize… ». Immédiatement après dix, les décompositions à l’aide de ce nombre sont explicites et cela conduit à une compréhension des 20 premiers nombres bien plus précoce (en fin de CP, les enfants asiatiques ont une avance d’un an et demi environ !) Le parcours des écoliers français cumule tous les obstacles : leur langue ne favorise ni la compréhension des premiers nombres, ni celle des nombres après dix. Leurs atouts sont peu nombreux, mais ils en ont quand même un de taille : l’existence de l’école maternelle et des professionnels qui y exercent. Mais pour combien de temps ?
En conclusion, rêvons un peu…
Rêvons à une école maternelle qui scolarise les enfants avant 3 ans avec des effectifs allégés pour rendre suffisamment fréquentes les interactions langagières qui, à cet âge, sont la clé de tant de progrès. Rêvons que des effectifs allégés rendent tout simplement possible la scolarisation de si jeunes enfants. Rêvons à une école maternelle qui soit attentive à favoriser cette scolarisation dès que le milieu socio-culturel de l’enfant fait craindre des difficultés langagières et, donc, de manière presque mécanique, des difficultés dans l’accès à la signification cardinale des mots-nombres.
Rêvons à des enseignants formés aux travaux de psychologie qui permettent de comprendre pourquoi une proposition a priori de bon sens comme : « pour apprendre les nombres, il faut commencer par apprendre à compter des objets », ne résiste pas à l’analyse minutieuse des difficultés que rencontrent les enfants à comprendre le comptage, surtout lorsqu’ils sont francophones. Rêvons à des enseignants formés à l’histoire des pratiques pédagogiques de leurs prédécesseurs, qui savent qu’au début de l’école de la République, à la fin du XIXe siècle, l’enseignement du comptage semblait une évidence (cf. le slogan : lire, écrire, compter) mais que progressivement, les pédagogues français se sont de plus en plus méfiés du comptage jusqu’à considérer que « Ce n’est pas, nous semble-t-il, en remuant l’un après l’autre les quatre jetons d’une collection que l’enfant forme la notion de quatre et des décompositions. Ce serait plutôt, croyons-nous, en contemplant, à bonne distance, et d’une vue d’ensemble, simultanée, la constellation de 4 objets, que l’enfant sera illuminé par le nombre 4, qui est 2 + 2 et 3 + 1. » (Brachet, 1955). Rêvons à des enseignants qui connaissent la suite de l’histoire : la critique piagétienne des pédagogues comme Brachet qui situaient trop le nombre du côté des propriétés des figures et insuffisamment du côté des propriétés des actions, le banissement de toute pratique numérique à l’école maternelle qui s’en est suivi, le retour en force du comptage dans les années 90… et la période actuelle.
Mais il semblerait que le ministre de l’Education Nationale ne fasse pas aujourd’hui le même rêve. Parce qu’il a été professeur d’hypokhâgne au Lycée Louis-le-Grand, il se présente à nos concitoyens comme un connaisseur de l’école en général et, donc, de l’école maternelle en particulier. Il n’éprouve nul besoin de consulter les chercheurs dans le domaine. Il se considère comme suffisamment spécialiste de ce niveau de la scolarité pour juger de l’âge (3 ans) à partir duquel un enfant devient un écolier et du niveau de qualification qui doit être celui des éducateurs des enfants de 2-3 ans : ce niveau serait bien trop élevé en l’état actuel des choses. De son point de vue, il est donc inimaginable que des enseignants formés à comprendre les difficultés des jeunes enfants puissent les prévenir.
Doit-on perdre aujourd’hui tout espoir que l’école maternelle ait un jour les moyens d’une véritable prévention de l’échec en mathématiques ?
Rémi Brissiaud
MC de psychologie cognitive
Université de Cergy-Pontoise ; IUFM de Versailles
Laboratoire Paragraphe
Sur cette question, il prépare un livre collectif à paraître fin janvier aux éditions de la Chronique Sociale, sous la direction de Christine Passerieux.
Derniers articles de Rémi Brissiaud sur le Café
Sur la réforme des maths au primaire
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/maths06_index.aspx
Sur les programmes 2008
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/progra[…]
Bibliographie
Brachet F. (1955) : L’enfant et le nombre. Paris : Didier
Brissiaud R. (1989) Comment les enfants apprennent à calculer : Au-delà de Piaget et de la théorie des ensembles. Paris : Retz.
Brissiaud R. (2003) Comment les enfants apprennent à calculer (nouvelle édition augmentée) : Le rôle du langage, des représentations figurées et du calcul dans la conceptualisation des nombres. Paris : Retz.
Brissiaud R. (2005) L’album 1, 2 et 3. Paris : Retz
Brissiaud R. (2007) Premiers pas vers les maths Paris : Retz
Durkin, K., Shire, B., Riem, R., Crowther, R.D. & Rutter, D.R. (1986). « The social and linguistic context of early number word use », British Journal of Developmental Psychology, 4, p. 269-288.
Fuson, K.C. (1988). Children’s counting and concepts of number. New York : Springer.
Geary, D.C. (2005) Les troubles d’apprentissage en arithmétique : rôle de la mémoire de travail et des connaissances conceptuelles. In M.-P. Noël (Ed) : La dyscalculie. Marseille : Solal.
Hodent, C., Bryant, P., & Houdé, O. (2005) Language-specific effects on number computation in toddlers. Developmental Science, 8 (5), 420–423.
Sarnecka, B.W., Kamenskaya, V.G., Yamana, Y., Ogura, T., & Yudovina, J.B. (2007). From grammatical number to exact numbers: Early meanings of “one, » “two,” and “three” in English, Russian, and Japanese. Cognitive Psychology (55), 136-168.
Sarnecka, B.W. & Carey, S. (in press) How counting represents number: What children must learn and when they learn it. Cognition.
|