A t-on « tripatouillé » les notes du bac pour relever les moyennes des candidats ? L’accusation est relayée par de nombreux professeurs des lycées qui constatent que leurs notes ont été modifiées sans qu’ils en soient informés sur le serveur de correction Santorin. Ce n’est pas l’harmonisation qui les dérange. Mais l’humiliation de voir que leurs compétences et leur travail ne sont pas considérés. Le ministère se défend de toute intervention particulière. Mais il semble bien que des consignes aient été données pour sauver cette première édition du bac Blanquer…
Des notes changées en douce
Ce qui pose problème ce n’est pas le point donné en plus. Mais le bidouillage après que la copie ait été verrouillée ». Professeure d’histoire-géographie dans l’académie de Créteil, Evelyne Gayme n’en revient pas. Alertée par un collègue, elle constate sur Santorin, le serveur qui gère la correction dématérialisée des copies du bac, que ses copies ont toutes été relevées d’un point. « Ils remontent les notes sans nous le dire, en douce ».
Les enseignants ont accès aux courbes de l’ensemble des correcteurs de l’académie dans Santorin et ils ont vite fait de voir que les modifications sont générales au niveau d’une académie. Ils peuvent aussi échanger entre eux et avec les « coordonnateurs » sur le serveur. A ce jour ils n’ont reçu aucune explication à leurs réclamations.
Des témoignages comme cela il y en a des dizaines sur les réseaux sociaux. L’émoi gagne une bonne partie des 65 000 correcteurs du bac quand on découvre que la quasi totalité des épreuves de spécialité sont concernées (HGGSP, SES, LLCE, HLP) dans une bonne partie des académies, notamment les 3 académies franciliennes.
Pour les enseignants, cette première session normale du bac Blanquer aurait du éviter les aménagements des corrections qui ont entachés les sessions précédentes. Ils s’attendent à un retour à la normale et s’alarment de voir leurs notes modifiées dans leur dos. « On aurait pu modifier les note en réunion de jury et on l’aurait fait en plein accord », explique E Gayme.
Rien de nouveau assure le ministère
Cela fait assez de bruit pour que le ministère réunisse une conférence de presse le 13 juin. « Rien de nouveau sous le soleil », explique le directeur de l’enseignement scolaire (Dgesco), Edouard Geffray. « Le processus est le même que les années précédentes. C’est juste l’affichage qui s’est trouvée modifié ». Pour le ministère, l’harmonisation a été faite comme les années précédentes pour veiller à l’égalité entre les correcteurs. S’y ajoute la volonté d’harmoniser les notes entre les sujets du jour 1 des épreuves de spécialité et celle du jour 2. « C’est une commission qui a procédé à ces harmonisations par lots. On n’a pas changé le processus », assure E Geffray. Il reconnait que « la dématérialisation permet d’harmoniser globalement un lot de copies et des correcteurs peuvent avoir l’impression qu’il y a eu un traitement aveugle alors qu’avant on procédait copie par copie ». Et il regrette que les règles n’aient pas été explicitées avant. « Il n’y a pas eu de consignes nationales de relever les notes », assure E Geffray.
Une harmonisation pour compenser un bac bancal
C’est bien sur ce point qu’il y a maintenant désaccord. « On a eu une harmonisation en masse pour tenter de gommer les différences entre les épreuves du jour 1 et celles du jour 2 qui avaient des sujets de difficulté différente », assure Claire Guéville, secrétaire nationale du Snes Fsu. « Les notes de spécialités entières ont été remontées pour qu’elles ne soient pas rejetées par les élèves. Cette harmonisation s’est faite après le verrouillage des lots et de façon confidentielle. Une harmonisation en masse c’est tout à fait inédit ».
Pour elle , ces interventions vont au delà de la volonté d’assurer l’égalité entre les candidats. « On ne nie pas la nécessité d’harmoniser. Mais le motif essentiel est politique. Le ministère veut justifier d’une réforme du bac qui ne met pas en échec les élèves ». Le Snes Fsu demande que les enseignants soient informés des modifications de note.
« J’ai l’impression que j’ai travaillé pour rien », nous a confié une correctrice. « Mon travail n’est pas respecté par l’institution. On nous a dit de corriger librement. Mais après on repasse derrière nous. Je ne vois pas l’intérêt ». « On a obtenu 4 demi journées pour corriger. Et après ils ne lisent pas les copies mais remontent les notes sans nous le dire. Ce n’était pas la peine de faire sauter des cours ». Mais le ministère perçoit-il encore l’humiliation des professeurs ?
François Jarraud