Les représentants du personnel ont appris le 18 décembre en conseil d’administration la restructuration complète du Réseau Canopé à l’horizon 2021. Le centre du réseau, à Chasseneuil, s’est mis en grève immédiatement. L’ensemble du réseau devrait l’être le 19 décembre. Après l’Onisep, victime de la loi Travail, c’est le second opérateur de l’Education nationale qui est déstructuré. Et cette fois ci c’est bien une initiative ministérielle. Pendant que tout le monde regarde coté retraites, Canopé se fait tordre le cou.
Un éditeur historique déjà restructuré en 2015
Pour les enseignants, Canopé reste un éditeur de ressources pédagogiques, mais de plus en plus numériques et de moins en moins sur papier. Canopé accompagne les enseignants à travers ses ateliers régionaux. Il est aussi devenu un conseil pour les collectivités locales, par exemple pour l’aménagement scolaire. Il développe aussi des moocs pour la formation continue des enseignants.
Editeur pédagogique historique de l’Education nationale, Canopé, ex CNDP, a connu une histoire agitée depuis 15 ans. Il y a eu le déménagement par la volonté du premier ministre de l’époque (Raffarin) à Chasseneuil du Poitou en 2005. Puis, en 2015, une nouvelle restructuration qui a obligé Canopé à passer du papier au numérique. En même temps une logique de réseau était impulsée. Les CRDP, structures indépendantes jusque là, devenaient des ateliers régionaux au sein d’une unique structure (Réseau Canopé) dont la tête restait à Chasseneuil. Comme pour l’Onisep, le réseau vit des échanges de tâches entre le centre et ses antennes régionales.
Canopé avait entamé un redressement budgétaire. Son solde déficitaire de 10 millions en 2017 avait été ramené 3 millions en 2018 et 2019. Les recettes propres avaient augmenté (11 millions en 2017 , 15 en 2019).
Le budget annonçait une saignée
Le budget 2020 annonçait une baisse de la subvention de fonctionnement de Canopé d’environ 3 millions. Et par suite la suppression de 47 emplois, un chiffre apparemment faible pour une structure qui compte 1400 salariés. Mais il y avait une première astuce : il ne s’agissait pas d’équivalent temps plein mais d’ETPF, équivalents temps pleins effectifs. Les 47 ETPF signifient en fête entre 150 emplois (selon l’intersyndicale Fsu, Unsa, Snptes, Sgen Cfdt, Cgt) et de 80 à 120 selon la direction. Là on est déjà dans la décimation.
Mais c’est un démembrement que veut le ministère
Mais tout a changé le 18 décembre. Le contrat d’objectif, rédigé par la tutelle, le ministère de l’éducation nationale, qui était attendu depuis des semaines, a été présenté en conseil d’administration.
Selon Marie Odile Dupont, représentante CGT parlant au nom de l’intersyndicale, le contrat demande le recentrage de Canopé sur la seule formation continue des enseignants.
Deux hypothèses sont envisagées par le contrat. Soit Canopé ne garde que son siège et les directions régionales sont transférées aux recteurs comme soutien à la formation continue des académies. Les salariés entreraient dans les équipes de formation académiques ou des Inspe. Soit Canopé garde quelques pôles de compétences régionaux, le reste du personnel local étant transféré aux académies.
Le réseau en grève
Pour l’intersyndicale, cette annonce est une surprise totale et douloureuse. Le premier scénario casse totalement l’outil de production Canopé, selon MO Dupont. « Si on coupe le centre des équipes des régions on ne peut plus répondre aux demandes » , explique t-elle. Les productions du centre sont faites avec les équipes locales. C’est une problématique que connait également l’Onisep, autre opérateur actuellement en cours de démembrement.
« Rien n’est chiffré ni en terme d’emplois ni en faisabilité , ni en coût », nous a dit MO Dupont. « La seule indication c’est que la restructuration doit être menée pour 2021 ». L’intersyndicale estime que ce sont entre 500 et 800 emplois (sur les 1400 ) sui sont menacés de disparition en 2021.
Dans son rapport sur le budget 2020, le Sénat avait appelé à pérenniser Canopé et à « le renforcer ». « Davantage qu’une réduction de moyens c’est une clarification de la stratégie numérique de l’Etat dans le secteur éducatif qui parait nécessaire ». Canopé venait de réussir son passage au numérique. Le nouveau contrat d’objectifs lui impose une nouvelle mission qui entrainera le sacrifice des autres.
A l’annonce du contrat d’objectifs, les salariés de Chasseneuil se sont mis en grève. Le centre s’est vidé. Ils seront rejoints le 19 par l’ensemble du réseau Canopé. La direction de Canopé devrait donner des précisions le 19.
F Jarraud