Philippe Cosentino : De l’intérêt pédagogique de la modélisation
Comment mêler algorithme, codage et SVT ? Philippe Cosentino propose le logiciel en ligne Edu’modèles qui permet « de former à l’algorithme sans passer par la programmation ». Avec des règles simples, l’élève peut par exemple modéliser une réaction enzymatique, la sélection naturelle et même la résilience d’un écosystème après un incendie. « L’élève construit son modèle, il en connait donc les rouages », souligne l’enseignant. Quels sont les avantages de ce logiciel ? Quels sont exemples de pratiques à proposer aux lycéens ?
Aboutissement de travaux académiques mutualisés (Traams), Edu’modèles est un logiciel de modélisation largement inspiré de NetBioDyn (de Pascal Ballet, MdC à l’université de Brest). Il permet de créer des « modèles multi-agents » composés d’un environnement de type “grille” ou “damier”, d’un certain nombre d’agents (ou d’entités), qui se déplacent de manière aléatoire sur l’environnement et de règles définissant ce qui découle de la rencontre des agents. « Pour créer un modèle multi-agents, on commence par définir les différents agents peuplant notre environnement, puis on définit les règles régissant leurs rencontres. Une fois le modèle construit, on l’exécute », explique Philippe Cosentino. « Un graphique permet suivre dans le temps l’évolution des populations ».
La catalyse enzymatique
Avec ce logiciel, il est par exemple possible de modéliser la catalyse enzymatique de l’hydrolyse du lactose par la lactase. « Le but est double », explique Philippe Cosentino. « Il faut que l’élève comprenne en quoi la formation du complexe a des répercussions sur la cinétique enzymatique. En modélisant on comprend mieux l’effet de la saturation du site actif sur la vitesse ». L’autre objectif est d’éviter de « consommer un logiciel de simulation. Les lycéens confondent souvent Exao et simulation, réel et virtuel. Ici, ils ont créé leur propre modèle », insiste l’enseignant. Les données sont ensuite exportables et exploitables en cours. Testé avec ses élèves, Philippe Cosentino a aussi de bons retours du logiciel de la part de nombreux collègues de SVT. « Les élèves se régalent ! Ils prennent le truc en main ! », constate-t-il.
Des précautions à prendre
« La limite à rappeler est que les résultats d’une modélisation n’ont pas le statut de preuve. Le modèle permet de voir si une hypothèse est valide dans sa structure logique. Pas si elle est vraie. », rappelle l’enseignant. « Je conseille toujours de partir d’un constat, d’une observation puis de proposer à l’élève d’émettre une hypothèse ». L’enseignant évoque par exemple le cas des éléphants avec ou sans défense. Pourquoi le nombre d’éléphants avec défense diminue ? « Les limites de la modélisation sont à poser par ceux qui ont construit le modèle. Le délicat problème restant à résoudre est celui de la place précise d’une activité de modélisation (où l’élève crée un modèle) dans le scénario pédagogique ». A chaque professeur d’orchestrer sa pédagogie…
Julien Cabioch
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Grégory Michnik : Des avenirs numériques en débat
« Comment le numérique pirate notre cerveau ? » A l’initiative d’une journée spéciale Avenirs numériques, Grégory Michnik, enseignant de SVT au lycée de l’Escaut à Valenciennes (59) souhaite « croiser les points de vue et aborder des problématiques communes ». En proposant des ateliers d’intelligence collective, l’enseignant qui est déjà expert dans le domaine, reste lucide sur `les nouvelles technologies en distinguant « l’utile du néfaste ». Une vingtaine d’intervenants, mêlant des chercheurs enseignants, youtuber, game designer, se retrouveront le 12 octobre à la Fabrique de Béthune. Entretien avec Grégory Michnik qui dévoile aussi ses nouveaux projets en SVT.
Quel est le concept de la journée “Avenirs Numériques” que vous organisez à Béthune ?
Partant du constat partagé que les enseignants, les entrepreneurs et les familles ont certaines difficultés à communiquer et dialoguer entre eux, l’idée est de les rassembler dans un évènement dans lequel le numérique est la question centrale. En collaboration avec “Le 36 de Bacchus”, une association locale de Béthune qui cherche à faire le lien au travers d’actions entre les entrepreneurs de la ville, les habitants et le monde de l’éducation, nous avons imaginé une journée baptisée “Avenirs numériques” : autour de tables rondes et conférences, les visiteurs pourront saisir les enjeux de l’évolution du numérique dans tous les domaines de leur vie personnelle et professionnelle, comprendre qu’il est toujours temps d’être maitre du numérique sans être asservi par lui. Des ateliers de découverte permettront à chacun, petits et grands, de démystifier et s’initier à diverses technologies : réalité virtuelle, captation et montage vidéo, robotique éducative, programmation… Cette journée, organisée avec le soutien de la mairie de Béthune dans le cadre de son programme Smart City, aura lieu le samedi 12 octobre 2019 à la Fabrique.
En quoi le programme peut-il concerner les enseignants ?
Les intervenants invités pour cet évènement sont issus de divers horizons : chefs d’entreprise (Damien Bancal, Simon Cardon, Sharon Solfer), enseignants-formateurs français et belges (Mélanie Fenaert, François Jourde, Laurent DiPasquale, Sébastien Franc, Gaelle Hallez, Noémie Courtais), chercheurs (Julian Alvarez, Alexandre Brzozowski), YouTubers (Pleen le Jeune, Nicolas Olivier), Game designer (Julien Annart), présidents d’association (Sylvie Pauchet, Constance Colliot et Justine Bocquillon). Ils nous permettront de croiser les points de vue, d’aborder diverses problématiques comme : Apprendre avec le jeu vidéo ? Apprendre avec YouTube ? Comment se former au et par le numérique à tous âge ? Comment le numérique pirate notre cerveau ? Des ateliers de pratiques permettront par exemple de réaliser en une dei-heure sa première application pour smartphone avec Glide Apps. Des ateliers d’intelligence collective permettront de mener des réflexions autour du numérique entre des acteurs qui n’ont pas l’habitude de dialoguer, de mieux connaître les uns et les autres et leurs besoins.
Comment analysez-vous l’évolution de l’enseignement avec le numérique ? Vers une accélération ou le pied sur le frein ?
Jusqu’ici l’enseignement du numérique se faisait au travers de chaque discipline enseignée et les compétences en relation avec le numérique étaient validées par le B2I qui était plutôt lourd. Le nouveau système de certification, PIX, va permettre dans un avenir très proche de prendre le relais du B2I et permettre à chaque élève de collège, de lycée, de l’université, à chaque citoyen, de faire reconnaitre leurs compétences à leur rythme. C’est une évolution majeure qui permettrait aux recruteurs d’affiner leur sélection sur la maitrise des usages du numérique selon leurs besoins. En plus de l’enseignement de technologie en collège, le nouvel enseignement des Sciences du numérique et technologie (SNT) en seconde prend alors tout son sens : en plus de découvrir des langages (HTML, Python), l’élève aura enfin un véritable apprentissage de la culture numérique, son histoire et pourra se faire une opinion sur les tenants et aboutissants des nouvelles technologies omniprésentes avec lesquelles il est né. L’enjeu n’est pas moins de comprendre les risques que d’ouvrir la “boîte noire » et comprendre ce qu’il y a dedans : un pied sur l’accélérateur et l’autre sur le frein. Ne pas chercher à comprendre le numérique, ce qu’il peut apporter d’utile et de néfaste, c’est se mettre en dehors du monde de demain.
Côté SVT, quels sont ces nouveaux badges développés en classe de 2de ?
Les nouveaux badges que je mets en place cette année sont dans la continuité du travail que j’ai commencé l‘année dernière sur la validation de compétences expérimentales et de connaissances par évaluation positive pour encourager l’apprentissage par auto-testing. J’aurais bientôt l’occasion de présenter cela au salon de l’éducation.
Quel premier bilan tirez-vous des possibles du Merge Cube ? Et des expéditions menées en réalité virtuelle ?
Le Merge Cube devient un outil utilisé de manière classique en classe. Des outils permettent maintenant aux élèves d’être créateurs d’environnements virtuels comme CoSpaceEdu. De même, l’Oculus Go offre de nombreuses possibilités d’expéditions collectives très faciles à mettre en œuvre, notamment via l’application Wander. Toutefois, on observe que peu de nouveaux logiciels pédagogiques voient le jour sur Oculus Go, au profit de l’Oculus Quest (plus coûteux mais plus performant). Il convient donc d’être prudent pour l’instant avec cet équipement qui risque de devenir rapidement obsolète.
Des futurs projets pour cette année ?
Cette année, je compte avancer sur la question des Openbadges, notamment en SNT. De même j’explore les possibilités des petites cartes programmables Micro:Bit : je compte tester par exemple, une activité de simulation d’épidémie virale, avec ces cartes qui peuvent interagir par contact radio. Enfin, avec l’équipe de TRAAM de Lille, nous allons continuer à explorer les possibilités de la photogrammétrie par drone et le recueil de données géolocalisées.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Programme de la journée Avenirs numériques
Page de la journée Avenirs numériques
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