Encore une année pleine d’aventures pour les élèves de Philippe Nicolas, enseignant à l’école Rep Les Grésillons de Gennevilliers (92). Cette année, ce sera le Groenland, rien que ça… Mais c’est pas très étonnant de la part de Philippe qui depuis des années accompagne ses élèves de CM2 d’éducation prioritaire loin des sentiers battus. Il y a deux ans, c’était en apprentis géographes qu’ils ont cartographié le lac Miroir de Queyras, situé à 2215 mètres d’altitude. Mesures qui n’avaient jamais été prises auparavant et qui sont aujourd’hui enregistrées. L’an passé, ce sont les loups qu’ils ont photographié dans leur état naturel, dans le parc régional du Queyras. Et pour cette nouvelle année scolaire, il ne s’agit rien de moins que « de recueillir le testament des glaces de l’Arctique pour l’avenir de la planète » dans la cadre du projet « Cap au Nord 2020 ». Un projet qui fait écho à une prise de conscience planétaire de l’enjeu écologique…
Une expédition au Groenland
« Cap au Nord ! pourrions-nous dire pour le projet Cap au Nord 2020, cap au Nord sur les pas de Jean Baptiste Charcot, Paul-Émile Victor et combien d’autres explorateurs, cap au Nord pour recueillir le testament des glaces de l’Arctique pour l’avenir de la planète ! » tels sont les mots déclamés avec emphase par Philippe lorsque nous lui demandons plus d’informations sur son projet. Ses élèves, ainsi que ceux de six écoles et trois collèges, vivront au rythme du Groenland pendant l’année. Un projet sur deux grands volets. « Le premier anthropologique, apprendre ce que c’est d’être homme à la lumière de la culture des Peuples des glaces ; le second plus rationnellement scientifique avec l’enseignement du dérèglement climatique à la lumière des nombreuses conférences et rencontres animées par les chercheurs polaires impliqués dans l’aventure ».
Le point d’orgue de cette aventure ? Une expédition autogérée au Groenland. « Cette expédition comportera vingt-quatre aventuriers dont deux enseignants, un explorateur polaire, un cinéaste, une experte en communication animale, une médiatrice en relation humaine et un groupe de dix-huit équipiers, filles et garçons âgés de dix à douze ans et partira début juillet 2020 au Groenland pour une grande investigation humaine et scientifique ».
Un projet soutenu par de nombreux scientifiques, des enseignants, par le magazine Plum et par des chercheurs tels que Philippe Meirieu ou encore l’aventurier Nicolas Vanier. « Nous souhaitons donner audience à la planète humiliée et aux enfants si peu concertés dans la construction du monde. Ledit projet ambitionne d’écouter ce que la terre et les enfants nous réclament pour l’avenir du genre humain ».
Une prise de conscience écocitoyenne
Comme lors des dernières années, Philippe s’inscrit dans une dynamique de pédagogie de projet, où le savoir est co-construit dans une approche transversale et pluridisciplinaire. Les différents apprentissages du programme du niveau de CM2 seront donc abordés à la lumière de « Cap au Nord 2020 ». Outre les compétences du vivre ensemble qu’aborde un tel projet, il s’agira d’aborder les enjeux du dérèglement climatique à la lumière d’éléments scientifiques.
Ainsi, lors du premier semestre les élèves se familiariseront avec les conditions de vie dans le grand froid en étudiant le peuple Inuit. « Ils réaliseront, dans les règles culturelles inuit, une paire de moufles ». Mais ce n’est pas tout, Ils réaliseront aussi leur propre station météorologique. Le second semestre, l’approche sera beaucoup plus scientifique, « Du laboratoire de la classe à la compréhension du dérèglement climatique ». Les élèves entreront dans une démarche expérimentale, en partenariat avec les chercheurs polaires impliqués. S’en suivra une série d’expériences afin de constater l’élévation de la température mondiale. Constat qui servira de base au calcul d’une hauteur de montée d’eau en conséquence de la fonte progressive des glaces. « Cette prise de conscience écocitoyenne sera relayée par un temps de rencontre auprès des ingénieurs qui proposeront des alternatives techniques concrètes à la gestion de la montée des eaux qui feront ensuite l’objet d’une représentation sous forme de maquette » explique l’enseignant.
Des élèves ambassadeurs
Mais malheureusement, tous les élèves ne partiront pas au Groenland vérifier la réalité de la fonte des glaces. Placé sous l’égide de l’association L’école face au plus grand défi du XXIème siècle, l’expédition se fixera comme objet de recherche d’interroger les glaces du Groenland, de rencontrer des inuit et de collecter des images pour la réalisation d’un film Cap Groenland 20. »
Les élèves volontaires seront conviés à des week-ends nature à l’issue desquels seront choisis deux ambassadeurs par classe. « Ces deux ambassadeurs partiront au Groenland selon un cahier des charges précis, rigoureux et engagé. La dynamique de l’expédition au Groenland en début d’été 2020 n’est pas inscrite dans le cadre de l’éducation nationale, mais sous l’égide de l’association L’école face au plus grand défi du XXIème siècle tant pour les week-ends d’intégration que pour l’expédition. « Le groupe de dix-huit jeunes élèves âgés de 10 à 12 ans issus d’horizons sociaux différents qui partira au Groenland, sera ambassadeur des six écoles et des trois collèges des départements des Hauts-de-Seine, de l’Eure, de la Drome, du Val d’Oise et du comté du Jura en Suisse participant au programme ». Contrairement aux années précédentes, ce projet, qui réunit plusieurs écoles et collèges, est ouvert aux autres classes qui souhaiteraient suivre leurs aventures, sur un blog dédié.
« Cap au Nord 2020, c’est aussi faire entrer l’école dans une confrontation avec le grand sujet du monde que représente le phénomène mondial du dérèglement climatique. C’est par conséquent penser l’école autrement pour vivre l’école autrement, c’est d’une certaine manière en répondant à ce grand sujet du monde : ré-enchanter l’école, redonner du sens et une humanité à l’école dans sa mission, dynamiser le savoir impliqué à partir de ce défi contemporain » conclut Philippe.
La citoyenneté ca ne s’apprend pas, ça se vit… Tel serait le leitmotiv de cet enseignant hors normes. De futurs Greta Thunberg gennevillois ?
Lilia Ben Hamouda