» Il est la preuve que la société peut s’unir autour de son école sur la base d’une confiance renouvelée en la promesse scolaire, en la République, dans le progrès et la justice sociale ». Indifférent aux grèves et aux manifestations, du moins en apparence, JM Blanquer a présenté la loi Blanquer comme un modèle d’unité nationale. Pourtant le 2 juillet, lors de l’adoption définitive du texte par l’Assemblée nationale les opinions étaient bien partagées. Pour la majorité, la loi est une loi sociale. L’opposition de droite et de gauche critique l’article 1, qui devient le premier point noir de la loi après le retrait de l’EPSF, et la suppression du Cnesco. Le texte deviendra définitif après le vote du Sénat le 4 juillet. Son application pourra commencer à la rentrée 2019.
« Jamais un gouvernement n’a autant fait pour l’école »
« S’il ne fallait retenir qu’une chose, ce serait celle-là : cette loi est une loi sociale ». Jean-Michel Blanquer et les députés En Marche et Modem ont mis l’accent sur cette dimension de la loi Blanquer lors du débat final à l’Assemblée le 2 juillet.
« L’obligation de formation pour tous les jeunes âgés de 16 à 18 ans, le pré-recrutement des enseignants, la création d’un rectorat à Mayotte, les dispositions renforçant l’école inclusive, la scolarisation de tous les enfants quelle que soit leur nationalité ou encore l’adaptation des formulaires administratifs à la diversité des familles sont autant de mesures de justice sociale », affirme AC Lang, rapporteure de la loi à l’Assemblée. « L’égalité des chances est notre seule boussole. Aujourd’hui c’est l’instruction à 3 ans, hier c’était le dédoublement des classes en grande section, CP et CE1 dans toutes les REP et REP+ ; partout, la limitation à 24 du nombre d’élèves et la fin des fermetures d’écoles sans accord du maire. Au collège, c’est le dispositif « devoirs faits » ; au lycée, c’est la fin de la hiérarchisation des filières. C’est la réforme de la voie professionnelle ou encore la création des cités éducatives. Je le redis, jamais un gouvernement n’a autant fait pour l’école et contre les inégalités », s’enflamme t-elle. Elle affirme même que le nouveau Conseil d’évaluation de l’Ecole (CEE) sera plus indépendant que le Cnesco.
L’EPSF toujours à l’horizon
Pour JM BLanquer, la dimension sociale se trouve dans le pré recrutement des professeurs qui » nous permettra de puiser ceux-ci parmi un vivier plus large et fera de la fonction professorale, dans la République, une modalité d’ascension sociale ».
La majorité souligne aussi ce que la loi n’a pas réussi à porter mais que la majorité veut remettre dans les projets : le statut de directeur d’école et » les structures du premier degré », pour JM BLanquer. L’école publique des savoirs fondamentaux (EPSF) pour les deux rapporteures, F Charvier et AC Lang. La mobilisation des enseignants a été suffisante pour que les sénateurs retirent cet article du projet de loi et que la majorité ne le rétablisse pas.
Autre point qui devient un leitmotiv des discours de JM Blanquer, les mensonges sur ses projets. Le ministre fait la leçon aux députés de l’opposition « On doit éviter de dire des choses fausses. Dans les débats futurs il serait bon qu’on ait des débats importants en ayant le souci de la vérité de cette loi ». Pour lui il n’y a pas de désaccords entre droite et gauche sur l’Ecole. « L’école n’est pas un terrain de jeu politique », affirme t-il, oubliant le détricotage obstiné de tout ce que la majorité précédente avait construit…
« Un acte de défiance envers les enseignants »
L’opposition a focalisé ses critiques sur l’article 1 et la suppression du Cnesco. « Sous une apparence d’assemblage disparate, ce projet de loi a, en réalité, pour ambition une transformation libérale profonde du système éducatif », estime la député PC Elsa Focillon. « Le seul et unique objectif de cet article (article 1) est d’autoriser un plus grand nombre de sanctions disciplinaires, qui seront fondées sur une grande part de subjectivité. L’étude d’impact du projet de loi nous éclaire sur ce que vous appelez confiance : «Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées […] dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public. » En s’appuyant sur cet article qui évoque la confiance, vous entendez pouvoir sanctionner ce que vous ne réussissez pas à punir actuellement : sinon, pourquoi un tel article ? », dit-elle. « Il en va de même pour le Conseil d’’évaluation de l’école – CEE –, qui sera donc désormais sous le contrôle du ministère… Derrière l’inquiétude sur sa composition, c’est de la nature et de la transparence de ses futurs travaux qu’il est question. Le CNESCO – Conseil national d’évaluation du système scolaire – pouvait s’autosaisir de sujets aussi variés que l’apprentissage de l’écriture ou la mixité sociale. A contrario, le CEE proposera un cadre plus serré ».
Michèle Victory (PS) souligne que l’article 1 est « un acte de défiance » envers les enseignants. Pour C Autain c’est « une façon de mettre au pas les enseignants ». F Reiss (LR) « s’interroge sur l’article 1 ». R JUanico (PS) fait le lien entre l’article 1 et les pressions qui s’exercent sur les enseignants dès maintenant.
La suppression du Cnesco est regrettée aussi bien par E Focillon, que M Victory, F Reiss, R Juanico, MG Buffet, dans une unanimité de la droite et de la gauche qu’on ne voit pas souvent.
Le 2 juillet, l’Assemblée adopte la loi par 112 voix contre 48 et 14 abstentions. De nombreux points pourront entrer en application à la rentrée 2019 dès que le Sénat aura lui aussi adopté le texte . Ce devrait être le 4 juillet.
François Jarraud