» À travers des dispositions de ce genre, la technocratie est vraiment à l’oeuvre – et je pense qu’aucun élu siégeant dans un conseil d’administration ne peut les soutenir ». Lors du débat sur la loi Blanquer, le 15 février, Xavier Breton (LR) a vivement critiqué l’article 18 bis, inséré par le gouvernement via un amendement dans la loi. Cet article fait passer la plupart des compétences des conseils d’administration (CA) des lycées et collèges à leur commission permanente. Et du coup, écarte bon nombre des membres du CA des décisions.
Un amendement sorti au dernier moment
C’est par l’amendement 677 déposé par le gouvernement, qui sera adopté par l’Assemblée, que la question des compétences des commissions permanentes est posée. Il prévoit que » une commission permanente exerce, par délégation du conseil d’administration, certaines des compétences de ce dernier dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».
Pour le ministre, » il se trouve que l’extension des compétences des conseils d’administration a entraîné une forme d’engorgement. Le risque, si l’on ne fait rien, est qu’il devienne fastidieux d’y siéger, qu’une partie de la communauté éducative soit dissuadée d’y participer. L’objectif est que le conseil d’administration puisse se concentrer sur l’essentiel tout en gardant le contrôle de l’ensemble – puisque ce qui est décidé par la commission permanente revient ensuite devant lui. De telles modalités sont classiques dans des organisations un tant soit peu complexes, où de nombreuses décisions doivent être prises ».
Des compétences retirées au CA
L’amendement cite des exemples de compétences qui pourraient passer à la commission permanente : » la fixation des principes de mise en œuvre de l’autonomie pédagogique et éducative de l’établissement ; l’adoption du projet d’établissement, qui peut prévoir la réalisation d’expérimentations pédagogiques et l’approbation du contrat d’objectifs ; l’examen chaque année du rapport relatif au fonctionnement pédagogique de l’établissement et à ses conditions matérielles de fonctionnement ; l’adoption du budget et du compte financier de l’établissement ; l’adoption des tarifs des ventes des produits et de prestations de services réalisés par l’établissement ; l’adoption du règlement intérieur de l’établissement ; la désignation, à titre expérimental et pour une durée maximale de cinq ans, du président du conseil d’administration parmi les personnalités extérieures à l’établissement siégeant en son sein ».
Toutes ces compétences peuvent déjà être déléguées par le CA. Mais avec la loi Blanquer on passe à l’obligation. Elles devront être déléguées. Dans ces domaines la commission décide et ne fait qu’informer le CA après coup. Autrement dit, la loi va retirer de façon définitive aux CA des attributions très importantes.
Ecarter une partie des élus des CA
La commission permanente ne comprend qu’une partie des membres du CA : les représentants de la direction de l’établissement, un représentant de la collectivité territoriale, 4 élus du personnel dont seulement 3 enseignants, 3 parents d’élève dans les collèges et 2 en lycée, et 1 élu des élèves en collège et 2 en lycée.
Sébastien Lachaud (LFI) » ne voit pas où est la confiance quand on contraint le conseil d’administration à déléguer ses pouvoirs à la commission permanente alors qu’il peut aujourd’hui le faire selon son libre choix… Laissons aux membres du conseil d’administration le soin de décider ce qui doit relever de leurs délibérations ! Pourquoi vouloir imposer à des élus de transférer leurs compétences à une instance qui ne reflète pas nécessairement l’ensemble des sensibilités représentées au conseil d’administration ? Ce serait une perte inacceptable de démocratie et de représentativité ».
Un avis que partage P Hetzel (LR) : » On s’apprête à retirer du pouvoir aux élus locaux qui siègent dans les conseils d’administration de collège ou de lycée. Sur la forme, vous n’allez tout de même pas me dire, monsieur le ministre, que le sujet a surgi au cours des quinze derniers jours ! À nouveau, nous sommes confrontés à une disposition qui n’a fait l’objet ni d’un avis du Conseil d’État, ni d’une étude d’impact. De même, sur des sujets pareils, on aimerait connaître l’avis de l’Association des régions de France ou celui de l’Association des départements de France. »
D’où sa conclusion : » Vous parlez de confiance, mais… ce genre de dispositions montre, une fois de plus, que vous êtes plutôt dans une logique de défiance ». L’amendement a été adopté.
François Jarraud