Blandine Fino : La géologie des cathédrales
Une cathédrale peut-elle devenir un objet d’étude en SVT ? Blandine Fino, enseignante de SVT au lycée Jacques Cœur de Bourges (18), fait travailler ses élèves sur les différents calcaires à l’origine de l’édifice. Deux carrières sont explorées et une recherche sur les conditions de sédimentation est menée par ses lycéens. Au-delà de la découverte des pisolithes de fer et du calcaire oolithique, les 1ère S peuvent apprécier sur le terrain « le travail des carriers et les machines et outils utilisés aujourd’hui ».
Quel est ce projet Unesco réalisé avec vos élèves ?
L’an dernier Bourges a fêté les 25 ans de la reconnaissance de la cathédrale de Bourges comme patrimoine mondial de l’Unesco. La ville a souhaité associer des établissements à cet évènement, notamment le lycée Jacques-cœur qui possède le label Unesco. Diverses pistes ont été explorées en français et en histoire.
Une classe de première scientifique est partie, en SVT, à la découverte des pierres ayant servi à la construction de la cathédrale et des carrières dont elles ont été extraites. Une classe de BTS a travaillé sur la biorestauration des pierres calcaires en étudiant la bactérie permettant la carbonatogénèse et son métabolisme et en cherchant à mettre au point un milieu nutritif permettant le développement de la bactérie
Les recherches et travaux des élèves ont été présentés un jeudi dans la mairie de Bourges. Les affiches réalisées par les élèves de premières S ont été exposées à l’office du tourisme en collaboration avec le service du patrimoine de la ville de Bourges.
En quoi vos lycéens font-ils de la géologie appliquée ?
Dans le thème 2 du programme de première scientifique : « Enjeux planétaires contemporains », une possibilité nous est donnée d’utiliser une ressource locale (ici les roches constituant notre sous-sol) dans la partie « tectonique des plaques et géologie appliquée ». Il m’a semblé assez simple de faire le lien entre les pierres ayant servi à la construction de la cathédrale de Bourges, les carrières du Cher (dont ont été extraites certaines pierres) et la tectonique des plaques.
Après une présentation des différentes roches locales (calcaire lacustre du Berry, calcaire crayeux de Bourges, calcaire oolithique de la Celle, calcaire à entroques de Bruères-Vallenay et calcaire fin de Charly), utilisées dans la construction, les élèves partent à la recherche de ces roches sur les murs extérieurs de la cathédrale.
Dans un deuxième temps, nous partons explorer deux carrières de deux roches différentes ayant servi à la construction de cette cathédrale. L’étude de ces roches sur place et notamment la recherche de fossiles (à l’aide d’une clef de détermination) permet aux élèves d’en déduire les conditions de vie des animaux trouvés et le mode de mise en place de ces roches : profondeur, milieu de vie calme, agité… donc de faire le lien avec les types de sédimentation (lacustres, marins de plateforme…) et de les replacer dans le cadre général de la tectonique des plaques.
Le modèle de la tectonique des plaques permet donc aux élèves de comprendre les conditions d’existence de cette ressource locale qui a été utilisée dans la construction de nombreux bâtiments de Bourges : les élèves font donc bien de la géologie appliquée. Dans toutes les villes existent des monuments anciens construits avec des roches locales qui peuvent servir de support à cette partie du programme.
Quel travail faites-vous sur des anciennes carrières ?
La carrière de la Celle que nous visitons cette année est en exploitation, cela permet aux élèves de voir le travail des carriers, les machines et outils utilisés aujourd’hui, le travail de taille de la pierre et les différentes réalisations de l’entreprise. L’autre carrière de calcaire crayeux de Bourges, riche en fossiles permet un travail d’identification des fossiles et des conditions de vie des animaux pour faire le lien avec la mise en place de ces roches et la sédimentation dans le cadre de la tectonique des plaques.
Quelles sont les productions finales de vos élèves ?
Pour la première partie, les élèves prennent des photos des différentes roches qu’ils ont identifiées dans les murs de la cathédrale et réalisent par groupe une affiche mettant en évidence la localisation de ces différentes roches. Sur la deuxième partie, ils réalisent un compte-rendu sous la forme qu’ils veulent. Il s’agit d’un travail collaboratif où les élèves se mettent par groupe de 3 ou 4.
Cette année, quelles pistes seront explorées par vos classes ?
L’an dernier nous avions travaillé le portail nord. Cette année les élèves vont travailler sur le grand portail de la cathédrale qui comporte 5 portails différents, une tour sourde (ou tour de beurre) et un pilier butant.
Une fois qu’on a identifié les anciennes carrières, qu’on les a trouvées (quand elles ne sont pas comblées) et qu’on a retrouvé l’actuel propriétaire, il est assez difficile d’obtenir des autorisations pour une visite avec des élèves.
L’an dernier, nous avions visité chez un particulier une toute petite carrière de calcaire crayeux de Bourges près du lac d’Auron ainsi que d’anciennes mines ayant servi à l’extraction de pisolithes de fer dans du calcaire lacustre du Berry à la Chapelle Saint Ursin. Cette année, nous visiterons une carrière de calcaire oolithique à la Celle et une petite carrière de calcaire crayeux de Bourges à Montigny.
Entretien par Julien Cabioch
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