Quelle vision de l’enseignement du français proposent les futurs programmes du lycée ? L’Association Française pour l’Enseignement du Français (AFEF) rend compte de sa rencontre avec le Conseil Supérieur des Programmes le 4 octobre et en présente les grands lignes. Quatre points sont affichés comme essentiels : l’apprentissage de la langue (qui donnera lieu à une question spécifique à l’oral du bac), l’histoire littéraire (d’où des objets d’étude croisant systématiquement genres et périodes, par exemple en 2nde » la poésie du moyen-âge au 18ème siècle »), la lecture (7 livres seront à lire dans l’année en 2nde et 8 en 1ère), l’appropriation (grâce à un « carnet de lectures et de formation culturelle »). Sont annoncés : un programme de 4 œuvres obligatoires chaque année en 1ère, une explication linéaire d’un texte d’une quinzaine de lignes à l’oral et la suppression de l’écriture d’invention à l’écrit… Beaucoup de retours en arrière donc, un renforcement probable du bachotage (« L’orientation générale du travail en classe de première est liée à la préparation des élèves aux épreuves anticipées de français ») et une seule réelle nouveauté : chaque élève devra présenter à l’oral un dossier personnel où il pourra insérer des « écrits d’appropriation ». Les programmes des Langues de l’Antiquité et de l’enseignement de spécialité « Humanités Littérature et Philosophie » sont aussi présentés.
Les futurs programmes de français
Présentés le 4 octobre aux associations de professeurs de français et de lettres anciennes (y compris à ceux qui avaient annoncé boycotter la rencontre…), les nouveaux programmes de français, LCA et « Humanités littérature et philosophie » sont décrits par l’AFEF. L’association avait d’ailleurs réussi à se procurer les programmes de français avant la réunion.
Les programmes de français poursuivent 4 objectifs. D’abord, « le lycée doit poursuivre l’enseignement de la langue » car les élèves ne la maitrisent pas suffisamment.
Il faut ensuite « donner à l’histoire littéraire une place plus nette… Deux idées sont associées, celle d’un fil historique et celle de la contextualisation », explique l’AFEF. Les objets d’étude croisent genre et période, et sont au nombre de 4 par an. En 2nde les élèves doivent étudier 2 parcours et 2 œuvres intégrales dans ces 4 objets d’étude ; en 1ère, les élèves doivent étudier 4 œuvres et 4 parcours d’histoire littéraire, et 4 œuvres sont imposées avec renouvèlement d’une œuvre par an.
Les programmes insistent sur la lecture. Sept livres seront à lire dans l’année en 2nde et huit en 1ère. Ce devra être des œuvres intégrales plus ou moins longues, ou des sections conséquentes et cohérentes. Certaines œuvres seront étudiées en classe, d’autres seront lues personnellement en lecture cursive.
Enfin les programmes veulent favoriser l’appropriation des lectures et pour cela les programmes instituent un « carnet de lectures et de formation culturelle ». « Le but est de favoriser un rapport personnel aux œuvres », note l’AFEF. « Il contiendra les lectures personnelles des élèves, leurs notes sur des « rencontres » artistiques, théâtrales, leurs gouts, mais aussi leurs écrits d’appropriation que le professeur fait écrire : invention, intervention, article critique ».
Les programmes seront organisés en 2nde et en 1ère autour d’objets d’étude. Pour chacun de ces objets d’étude seront indiqués le corpus (en 2nde 2 œuvres intégrales et deux groupements de textes – en 1ère 4 œuvres) et le parcours d’histoire littéraire obligatoires. Chaque objet d’étude est assorti d’un prolongement artistique et culturel, ou un groupement de textes complémentaire. Les lectures cursives (dont le nombre minimum est précisé) figurent dans le carnet de lectures et de formation culturelle. Pour chaque objet d’étude les élèves devront faire la lecture cursive d’une œuvre d’un autre siècle que celle étudiée en classe.
Les objets d’étude annoncés dans les programmes sont selon l’Afef :
– En 2nde : La poésie du Moyen-Âge au XVIIIème siècle – La littérature d’idées et la presse du XIXème siècle au XXIème siècle – Le récit du XVIIIème siècle au XXIème siècle – Le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle
– En 1ère : La poésie du XIXème siècle au XXIème siècle – La littérature d’idées du XVIème siècle au XVIIIème siècle – Le récit du Moyen-Âge au XXIème siècle – Le théâtre du XVIIème siècle au XXIème siècle.
Les épreuves d’examen prévues par le CSP et le ministère se composent d’un écrit et d’un oral.
L’écrit de la série générale proposera sur une des œuvres au programme un commentaire ou une dissertation. Le sujet d’invention est bien supprimé. En série techno, l’écrit porte sur un corpus avec un commentaire d’un passage d’un des textes du corpus ou une contraction d’un des textes du corpus proposé suivi d’un essai.
L’oral dure 55 minutes : 30 minutes de préparation et 25 de présentation divisée en 2 parties de 12 et 13 minutes. L’élève arrive avec un dossier. Pour composer son dossier, l’élève a choisi, dans chaque objet d’étude, trois textes parmi ceux étudiés.
L’examinateur choisit un des textes dans le dossier, il en demande une lecture expressive, puis l’explication linéaire d’un passage de 15 lignes environ ; puis il pose une question de grammaire sur un mot ou une expression du texte. Puis dans le dossier, l’examinateur choisit parmi une lecture complémentaire, une lecture personnelle, une référence d’œuvre artistique ou théâtrale et un écrit d’appropriation personnelle. Le professeur ne note pas le dossier mais la manière dont l’élève le présente et le justifie. L’examinateur prend appui sur les choix faits par l’élève.
Des programmes « sur la ligne de crête » pour l’Afef
Pour l’Afef, ces programmes » se situent immanquablement sur une ligne de crête ; ils oscillent entre des orientations didactiques (largement assimilées par l’institution et une grande part de la communauté enseignante), et les revendications passéistes du plus grand nombre des associations invitées par le CSP ». L’Afef déplore l’impasse faite sur la modernité et la francophonie dans ces programmes.
» Les « classiques », en surnombre à la réunion, sortent confortés dans leur demande d’une approche chronologique qui, si elle ne l’est pas stricto sensu, est nette et peut difficilement être contestée quand elle n’empêche pas des circulations entre les siècles et les œuvres. Ils sortent confortés par la suppression du sujet d’invention, par la confirmation de la dissertation et du commentaire en série générale, le sujet de contraction-essai étant laissé à la série technologique. Ils ne s’inquiètent pas outre mesure des quatre œuvres imposées en classe de première. Ils se réjouissent de l’annonce de l’explication linéaire d’un court extrait à l’oral de l’épreuve de français du baccalauréat », estime l’Afef.
Quant à l’AFEF, elle se félicité de » l’enseignement continué de la langue au lycée » et de l’accent mis sur la lecture avec un carnet de lectures et de formation culturelle ». Elle rappelle aussi que les « écrits d’appropriation personnelle » des programmes sont des exercices d’écriture qui comprennent l’écriture d’invention.
Des points de crispation
L’Afef souligne aussi ses points de crispation. « Les quatre œuvres imposées vont ouvrir le champ à une abondante production éditoriale parascolaire, qui vont alimenter une lecture des œuvres « unifiée » du côté d’un discours officiel, face auquel une authentique réception des élèves aura peu de chances d’être prise en compte… La nécessaire contextualisation historique, culturelle, sociale des œuvres occulte l’histoire de leur réception au fil des siècles, ainsi que leur réception contemporaine ».
L’Afef regrette que la récusation par la didactique de l’analyse linéaire d’un court extrait d’une des œuvres soit balayée. « Le danger de l’analyse linéaire est que les professeurs débutants y retrouvent une pratique des concours et, s’enfermant dans la paraphrase et le mot à mot, ne soient pas enclins à travailler la construction du sens dans un texte ». L’association craint aussi un retour de la grammaire exhaustive à l’examen.
Enfin « rien n’est dit sur l’apprentissage de l’écriture, sur les processus d’écriture. Les multiples et intéressants exercices d’écriture proposés dans le cadre des écrits d’appropriation personnelle sont présentés comme des produits, sans qu’aucune indication ne soit donnée sur les procédures, les cheminements, les allers-retours qui constituent le processus qui permettra de rédiger ces exercices ».
« Humanités Littérature et Philosophie » à parité philo – français
Selon l’AFEF, dans cet enseignement de spécialité le choix politique est de rassembler les deux disciplines, et le principe de parité horaire est fixé. Plutôt que d’une synthèse, le choix a été fait de créer des passerelles et d’installer une forme d’unité entre ces deux disciplines. L’objectif est de les articuler, et la lecture des textes est au centre du projet, avec de nombreuses propositions bibliographiques. Le programme sera construit en articulation avec les programmes de français et de philo avec une approche historique : 4 objets seront au cœur de la réflexion des élèves, 2 en 1ère, 2 en terminale. Le découpage sera semestriel.
En 1ère le programme portera sur :
I. La parole de l’Antiquité à l’époque médiévale ; les pouvoirs de la parole, ancrage de l’Antiquité au monde médiéval, mais extension possible à l’époque actuelle
1. Art de la parole
2. Autorité de la parole, pouvoir, parole performative, politique
3. Séduction de la parole, réception, effets, lyrique
II. Représentations du monde de la Renaissance aux Lumières
1.Découverte du monde et rencontres des cultures
2. Décrire, figurer, imaginer. Modèles heuristiques en philo, mimésis en littérature, représentation littéraire du réel, fiction
3. L’homme et l’animal, théorie sur le vivant
En terminale :
Connaissance de soi des Lumières à 1945 – Expériences contemporaines, tableau de la situation intellectuelle. Situation intellectuelle, artistique et scientifique depuis 1945.
L’épreuve comprendra deux questions auxquelles les élèves répondent par deux essais, une question philo et une question littéraire. L’objectif est de favoriser le réinvestissement de ce qui a été vu en cours, en privilégiant le sens plutôt que de se focaliser sur la forme.
F Jarraud – JM Le Baut
Présentation détaillée en ligne
Commentaires de l’AFEF