Aujourd’hui se déroule la journée nationale du sport scolaire. Partout en France, les élèves, les collègues, les équipes d’EPS vont proposer une multitude d’activités afin de promouvoir le sport scolaire, un sport pour tous qui touche de l’école au lycée près de 2 millions de licencié(e)s. Toutefois, les évolutions du sport scolaire selon Guillaume Dietsch, professeur agrégé d’EPS, enseignant à l’université Paris Est Créteil, ayant enseigné en Seine Saint Denis (93) pendant plusieurs années et investi au sein de l’UNSS notamment dans le cadre de la formation Futsal, interpellent les changements actuels et les obligations venant de l’Union Nationale du Sport Scolaire (l’organisme encadrant de fait le sport scolaire).
Selon vous, le sport scolaire est un espace pédagogique favorable aux expérimentations et aux innovations ?
En effet, le sport scolaire doit être pleinement considéré comme le prolongement de l’EPS. C’est un formidable terrain d’expérimentations, voire d’innovations pédagogiques pour les enseignants. Ce temps extra-scolaire permet de faire vivre aux élèves des expériences mémorables. En tant qu’enseignant, il nous permet d’être moins contraint que le cadre parfois strict et normé du cours d’EPS, et dès lors de nous centrer davantage sur l’épanouissement de l’élève.
En outre, cet espace de liberté offert aux enseignants permet, certes d’introduire de nouvelles activités physiques et sportives, mais en premier lieu de modifier la relation pédagogique entre l’enseignant et l’élève. Le rapport d’autorité se transforme en rapport affectif, c’est-à-dire une relation de confiance entre un enseignant davantage animateur et un élève plus volontaire et acteur de sa pratique. Cet aspect relationnel me semble particulièrement important en « milieu difficile », c’est-à-dire un établissement dont les problématiques internes sont à mêmes d’accroître les difficultés inhérentes à l’appropriation des savoirs pour les élèves et à leur transmission pour les enseignants.
Vous insistez sur le rapport enseignant élève atypique au sein de l’association sportive, selon vous ce serait avant tout une relation basée sur une dimension « affective » ?
L’Association Sportive (AS) peut être considérée comme un espace de rencontre singulier offrant des opportunités et des temps d’échanges individualisés pour l’enseignant avec ses élèves, parfois en difficulté scolaire ou sociale. C’est bien ce rapport de confiance créé dans le cadre de l’AS, qui permettra ensuite aux élèves de progresser en EPS et surtout à l’école. C’est pourquoi, l’AS ne doit pas être considérée comme un « simple » moment de détente, mais d’abord comme un espace d’apprentissage. Il me semble que c’est parfois davantage dans des temps de communication individualisés, pour dénouer des conflits, pour rappeler les règles de vie, pour écouter et s’intéresser à un élève discret, en retrait en dehors du cours d’EPS, que dans des temps scolaires plus « contraints », que nous pouvons permettre ensuite à l’élève de reprendre en confiance en lui et de s’engager dans sa scolarité.
Vous percevez également le sport scolaire comme un espace contraint, normalisé ? C’est-à-dire ?
C’est peut-être l’un des dilemmes pour l’UNSS et les enseignants d’EPS au sein des AS. En effet, proposer à nos élèves des expériences originales sur le plan culturel et social au sein des AS ne signifie pas pour autant se soustraire aux normes scolaires, aux objectifs de l’école.
Ainsi, l’encadrement du sport scolaire par des injonctions institutionnelles (Plan national de développement du sport scolaire 2016-2020) confronte les enseignants à une perte d’autonomie et d’une certaine manière de leur créativité pédagogique. Concrètement, la formation de Jeunes officiels et donc la responsabilisation des élèves au sein de nos AS est bien évidemment intéressante. En effet, la formation des élèves aux rôles sociaux (Jeunes Officiels, Jeunes reporter, Jeunes coach) est un enjeu éducatif important. Pour autant, cet espace original ne doit pas perdre de vue ce qui fonde le sport scolaire : un espace privilégié d’expériences motrices et corporelles pour les élèves.
Pensez-vous plus largement que le sport scolaire soit rentré dans cette logique consumériste, notamment concernant son rôle au sein de la procédure « Parcoursup » pour intégrer les formations universitaires liées aux métiers du sport ?
Concernant la mise en application de la procédure « Parcoursup » à l’Université et pour nous en STAPS, je m’interroge plutôt sur les choix futurs que feront les lycéens par rapport à l’AS de leur établissement scolaire.
Par rapport aux pré-requis demandés en STAPS, des compétences sportives et associatives sont attendues chez nos futurs étudiants L1 STAPS. D’une certaine manière, nous pouvons penser que le sport scolaire, et donc l’UNSS, est enfin valorisé. En effet, concrètement, la prise en charge de responsabilités des élèves à l’AS est par exemple valorisée (Jeunes officiels notamment). C’est donc positif selon moi !
Or, on peut également s’interroger sur les effets pervers de cette réforme et l’investissement futur des élèves à l’AS ? Les élèves « volontaires » dans les AS seront-ils davantage consuméristes ? Il me semble que sur ce point que nous devons être vigilant, nous les enseignants d’EPS, afin que le sport scolaire ne perde pas de vue son essence même, c’est-à-dire une association permettant à des élèves, filles et garçons, volontaires, de pratiquer des activités et de s’investir dans des projets culturels et sportifs. Les enseignants auront certainement un rôle très important à jouer dans le choix d’orientation et l’accompagnement de leurs élèves dans leur parcours de formation sportif et culturel.
Propos recueillis par Antoine Maurice