« Nous assumons une politique de transformation et de maitrise des dépenses qui privilégie la rémunération de l’activité ». Dans un entretien donné au Journal du Dimanche le 26 août, Edouard Philippe présente les grandes lignes de la loi de finances 2019. Elle est marquée par de nombreuses suppressions de postes dans la fonction publique, la baisse des retraites et en conséquence la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Un budget remis en cause un mois après sa publication
Le Café pédagogique l’avait annoncé : la loi de finances présentée en juillet au Parlement était déjà caduque fin août. Non seulement le document manquait de sincérité dans la mesure où il « oubliait » de financer des engagements présidentiels : par exemple le financement du développement du service civique, soit 2 milliards à prendre sur le budget de l’éducation nationale. Mais aussi il s’appuyait sur une prévision de croissance largement surestimée et donc des recettes fiscales exagérée.
Finalement E Philippe annonce à la fois une révision à la baisse de la croissance (1.7% seulement) et de la baisse du déficit budgétaire. L’objectif de le ramener à 2.3% du PIB ne semble plus en mesure d’être atteint. Rarement on a vu une loi de finances remise aussi rapidement en cause sur ses fondamentaux.
7 800 emplois de fonctionnaires à trouver
Dans le JDD le premier ministre annonce la suppression nette de 4500 emplois dans la Fonction publique d’Etat (FPE). Comme il déclare aussi la création de 3300 postes dans la police et la Justice, ce sont 7800 postes qui devront être pris dans les autres ministères. E Philippe prévoit de le faire aux Finances et dans l’audiovisuel public. Mais on voit mal comment l’Education nationale, qui pèse près de la moitié de la FPE pourrait échapper à cette réduction. D’autant qu’il n’y a plus de marge comptable, le ministère ayant déjà éliminé les postes budgetés mais non pourvus en 2018. Déjà des centaines de postes (près de 1200) ont été de fait supprimés en 2018 malgré les engagements gouvernementaux. Le premier ministre maintient l’objectif de 50 000 postes supprimés dans la FPE pour 2022, dont 10 000 dès 2020.
Où pourraient être pris ces postes ? Si pour 2019 la réduction va peut-être rester dans des marges limitées, il est clair que c’est du coté des fonctionnaires stagiaires que le ministère voit un gisement de postes. La réforme de la formation initiale annoncée par JM Blanquer pour 2019 devrait aboutir à la suppression de près de 25 000 postes dans l’Education nationale, ce qui représente l’effort qui pourrait lui être demandée.
Le nombre des contrats aidés sera réduit de moitié : 154 000 contre 320 000 en 2017. Là aussi l’éducation nationale, même si elle est « prioritaire » devrait être touchée.
Le recours aux heures supplémentaires
Le premier ministre annonce aussi une baisse des retraites, des allocations familiales et de l’APL en 2019 et en 2020 : leur croissance sera limitée à 0.3% alors que l’inflation dépasse 2% (2.6% en juillet sur un an). Ce n’est pas précisé par E Philippe mais le budget imposera le maintien du gel du point fonction publique et donc le gel salarial et la dégradation rapide de la rémunération réelle des enseignants.
La seule fenêtre qu’ouvre le gouvernement c’est la suppression des charges sociales sur les heures supplémentaires (qui restent fiscalisées) à partir du 1er septembre. A défaut de postes suffisants les fonctionnaires pourront travailler plus pour maintenir leur niveau de vie. A l’éducation nationale cette possibilité ne concerne de toutes façons qu’un enseignant sur deux (uniquement le premier degré) et à condition que le ministre ouvre le robinet des heures sup. Selon certains économistes cette mesure pourrait globalement aboutir à la suppression de 20 000 emplois.
Les congés maladie plus indemnisés ?
Deux nouveaux champs d’économies budgétaires sont ouverts par le premier ministre. Il maintient la réforme des retraites en 2019. Et le gouvernement va s’attaquer à l’indemnisation des congés maladie. Le rétablissement du jour de carence ne suffit pas. « Cela ne peut plus durer » , affirme E Philippe qui se plaint de la hausse des congés maladie.
Comment assurer l’évolution naturelle de la masse salariale (les évolutions de carrière), l’application promise du PPCR, les promesses catégorielles (les primes Rep+) dans ces nouvelles conditions budgétaires ? De nouveaux ajustements sont peut-être encore à venir.
François Jarraud