Mené depuis 2015 dans l’académie d’Aix Marseille, le projet Graphite entraine des professeurs d’histoire et de géographie et leurs élèves dans des projets de géographie prospective. Cette nouvelle façon d’enseigner, très active, transforme les élèves en aménageurs de leur espace pour en découvrir les lois géographiques. Au lycée A Artaud de Marseille, Jéromine Nicolaï a fait partie des pionniers de ce projet avant d’en devenir une des référentes.
Se confronter au quartier
Comment aménager un territoire urbain ? Avec le projet Graphite, la question est posée aux élèves. On leur demande de réfléchir sur les atouts et les difficultés d’un territoire choisi dans leur espace quotidien et de se projeter pour en améliorer la qualité.
Ainsi en 2015-2016, Jéromine Nicolaï s’est lancée avec ses élèves de seconde du 13ème arrondissement marseillais. « Ils ont travaillé en groupes avec la consigne de préparer un diaporama sur le diagnostic d’un espace en terme d’atouts et de contraintes, et de préparer un projet d’aménagement avec des illustrations personnelles », nous a-t-elle dit.
« Ils se sont confrontés à la réalité objective de leur quartier ». Les élèves se sont appuyés sur leur connaissance du territoire qu’ils pratiquent quotidiennement. Ils se sont mis d’accord sur le choix d’un lieu. Et ils ont réalisé leur enquête en suivant des consignes précises et e s’appuyant sur de la documentation.
« Ils ont travaillé en salle informatique sur des bases de données et des outils cartographiques », explique J Nicolaï. « Mais ils ont complété par des enquêtes de terrain. Ils sont allés sur place prendre des photos, interroger des habitants. C’était leur devoir à la maison ».
Une enquête de terrain
Par exemple, les élèves ont travaillé sur la station de métro La rose. Ils ont dégagé des points positifs, comme la galerie marchande, mais aussi des points négatifs comme l’éclairage insuffisant, la nuisance paysagère de la ligne du métro aérien. Ils ont fait des propositions comme la végétalisation du couloir aérien du métro.
Un autre groupe a travaillé sur un stade abandonné et un parc mal entretenu du quartier de Chateau Gombert. Ils ont proposé de réaliser une coulée verte reliant le parc au stade réhabilités.
La géographie prospective est-elle une géographie citoyenne ? « Oui, essentiellement », estime J Nicolaï. « Les lois d’aménagement obligent à consulter la population. Avec la géographie prospective on aiguise leur esprit critique, on leur fait connaitre les mécanismes d’aménagement pour qu’ils deviennent des citoyens éclairés ».
Une géographie citoyenne
Un moment essentiel du projet est la confrontation des travaux des élèves avec les aménageurs. Les projets sont présentés lors d’une sortie de terrain avec les chercheurs du Laboratoire Population environnement et développement de l’Université de Marseille qui appuient le projet (notamment Elisabeth Dorier) et avec les aménageurs de la région et de l’agence d’urbanisme de Marseille. « Les élèves ont pu présenté leur diagnostic et leur projet ».
Qu’apprend-on avec un projet de géographie prospective ? « Des notions de géographie comme l’aménagement, la reconversion, la réhabilitation, les acteurs de l’aménagement », explique J Nicolaï. « Mais ils ont aussi appris à faire. Ils ont acquis des compétences numériques (en cartographie par exemple) mais aussi à observer et décrire le terrain, à interpréter, à s’exprimer oralement ou encore à collaborer ». Au final le projet « a porté la classe », estime t-elle. « Les élèves se sont investis ».
Apprendre à faire confiance
Quant au professeur, il a le plaisir de faire d ela géographie de terrain. « J’ai vu aussi le bénéfice d’un projet de longue haleine. Parfois on a du mal à se lancer dans un projet long. On préfère des activités courtes. Mais en réalité un projet long crée de nouveaux rapports positifs avec les élèves. Je les ai vus sous un autre angle et une relation de confiance s’est installée. La projet change la position du professeur qui n’est plus là que pour transmettre mais est davantage perçu comme un soutien, un accompagnateur ».
Aujourd’hui Jéronime Nicolaï accompagne les professeurs qui se lancent dans le projet Graphite. Avec le soutien du rectorat et de la région, une vingtaine de classes préparent des projets. J Nicolaï partage son expérience. Le site du projet permet de découvrir les projets en cours. Il propose aussi un excellent sujet type qui peut être repris ou adapté facilement sur le choix de l’emplacement d’un nouveau lycée sur Marseille. Ne vous privez pas…
François Jarraud
Où implanter un nouveau lycée sur Marseille ? (sujet type)