Bien que l’exercice du service d’enseignement en lui-même ne présente pas de danger particulier, il n’en reste pas moins qu’un accident de service peut survenir à tout moment : dans les salles de classe ou les ateliers, dans les escaliers, les couloirs ou les espaces ouverts, lors du trajet entre l’établissement et le domicile, durant les trajets pour se rendre aux convocations, etc. Quant à la maladie, elle peut également découler de l’exercice des fonctions ou du lieu dans lequel celles-ci s’exercent. Or, il faut savoir que dans ces deux situations, accident ou maladie imputable au service, les droits ouverts sont plus généreux que ceux consenties dans le cadre normal.
C’est pourquoi, il est toujours intéressant pour l’agent public de faire reconnaitre l’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie… ce qui peut parfois amener à des demandes de reconnaissance mal-fondées.
A la suite de plusieurs arrêts du conseil d’Etat, une clarification sur les modalités d’imputabilité au service des accidents ou maladies des agents publics dans le cadre de leurs missions est intervenue au cours de l’année 2017.
Clarification qui a entrainé une modification de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Cet article est, dorénavant, ainsi rédigé :
« (…)
II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service.
III.- Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l’enquête permet à l’autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l’accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service.
IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est directement causée par l’exercice des fonctions.
Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.
(…) »
Je vous propose donc, pour cette dernière rubrique juridique de l’année 2017, de parcourir les dispositions de cet article de loi afin d’en extraire les circonstances qui vous permettront de faire reconnaitre un accident ou une maladie imputable au service.
1°) l’accident imputable au service :
D’emblée, notons l’utilisation du terme « présumés » renforcé, dans le cas de l’accident imputable au travail par, la précision « quelle qu’en soit la cause »,
Ce qui établit une heureuse présomption favorable à l’agent public.
Néanmoins, ce même texte prévoit également des circonstances, nombreuses, qui font tomber cette présomption favorable ou des circonstances exclusives d’une imputabilité au service.
Les conditions particulières permettant la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident sont donc :
– Le temps et le lieu du service :
Le temps du service n’est bien évidement pas celui des seuls cours dispensés.
D’une façon générale, il s’étend aux heures normales d’ouvertures de l’établissement mais également aux réunions de travail, conseils de classe ou d’enseignement, et aux formations se déroulant en dehors des heures normales d’ouverture de l’établissement.
Par contre, il ne saurait comprendre la soirée de fin d’année civile ou scolaire organisée dans l’établissement ou toute autre manifestation festive non directement rattachée au service…
Quant au lieu du service, il s’entend par la résidence administrative de l’agent public, par son lieu d’affectation mais également par tout lieu désigné par un ordre de mission.
D’où l’importance de faire établir ces derniers avant tout déplacement…
– L’exercice des fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal
Parmi les activités qui en constituent le prolongement normal, on notera l’établissement des bulletins ou des livrets scolaires ainsi que toute activité écrite y compris lorsqu’elle se déroule en dehors des jours de présence en cours prévus par l’emploi du temps.
Une plus grande prudence s’impose lorsque la présence de l’agent public dans l’établissement ne peut être justifiée par une activité laissant des traces écrites telle une réunion prévue entre collègues un mercredi après-midi sans cours.
Dans cette hypothèse, je ne saurais que trop vous recommander d’informer le chef d’établissement par écrit avant que cette réunion informelle ne se déroule.
Bien évidemment, toute activité pour le compte personnel de l’agent réalisé dans l’établissement en dehors des heures de service (entretien de son véhicule personnel dans les ateliers de l’établissement par exemple) ne saurait justifier l’imputabilité au service d’un accident.
– En l’absence de faute personnelle
Notons que cette notion de faute personnelle peut s’avérer très vaste et qu’elle pourrait également mener à l’ouverture d’une procédure de sanction disciplinaire (alcoolémie par exemple, y compris après le pot offert par le chef d’établissement)
– En l’absence de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service
Il est bien évident que si la responsabilité d’un tiers est engagée, que vous avez commis une imprudence toute particulière ou que l’accident résulte d’une affection déjà existante, l’accident ne sera pas reconnu comme imputable au service.
2°) L’accident de trajet
Dans le III de l’article 21 bis, plus de notion de présomption favorable mais une charge de la preuve qui incombe à l’agent public ou à l’enquête.
Plusieurs points sont à réunir pour faire reconnaitre un accident de trajet :
– Le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration
Toute déviation de ce parcours habituel fera donc obstacle à la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident survenu sur la portion de cette déviation.
Vous noterez que ce parcours habituel est le trajet domicile/lieu du service ou domicile/lieu de restauration le plus court et/ou le plus rapide.
– Pendant la durée normale pour l’effectuer
Il est bien évident que si, lors de votre trajet domicile/lieu du service, vous vous arrêtez deux heures pour visiter une connaissance ou faire des courses, l’accident de trajet ne pourra être imputé au service dans sa partie qui, selon les circonstances, succèdera, ou précèdera cet arrêt.
– Un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante
L’alcoolémie au volant ou l’excès de vitesse sont bien évidement des faits personnels du fonctionnaire faisant obstacle à une reconnaissance.
Vous noterez que le détour habituel pour déposer ses enfants, mais pas ceux des autres, à l’école est une nécessité de la vie courante ouvrant droit à reconnaissance de l’accident de trajet.
3°) La maladie imputable au service
La reconnaissance comme maladie imputable au service prévue par le IV de l’article 21 bis de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 est présumée dès lors que cette maladie et les conditions dans lesquelles elle a été contractée par l’agent public est désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
Soit un ensemble de conditions légales qu’il est difficile, pour le malade, de contester et pour lesquelles l’administration ne dispose pas de pouvoir d’appréciation.
Néanmoins, si un des éléments mentionnés dans les tableaux précités permettant l’ouverture du droit à reconnaissance est absent, il appartient à l’agent public d’établir la preuve d’un lien direct entre les fonctions exercées et la maladie dont la reconnaissance de l’imputabilité au service est demandée.
Ce qui explique certaines batailles d’experts médicaux et la durée de quelques procédures de reconnaissance comme maladie imputable au service.
Enfin, vous noterez que si une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale peut être reconnue comme imputable au service, la preuve qu’elle est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente est souvent très difficile à établir…
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
Sur cet ouvrage :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpres[…]
Pour commander :
http://www.esf-editeur.fr/index.php?content=prod[…]
Sur le site du Café
|