Permettez-moi, tout d’abord, d’espérer que votre rentrée scolaire, déjà lointaine, s’est bien passée. Pour ce numéro 178 du mensuel du Café pédagogique, nous allons étudier d’un peu plus près certaines dispositions du code de l’éducation, encore, applicables au calendrier scolaire.
A l’évidence, ceux d’entre vous un peu attentifs à l’actualité scolaire de ces dernières semaines n’ont pas manqué de faire le rapprochement entre les articles D 521-1 à D 521-5 du code de l’éducation et la modification, par certains Recteurs, du calendrier des vacances de l’année scolaire 2017/2018.
Or, à faire trop vite on peut faire mal… du moins en droit.
En préambule, rappelons que les modalités de fixation du calendrier scolaire national sont fixées par les dispositions de l’article L521-1 du code de l’éducation :
« L’année scolaire comporte trente-six semaines au moins réparties en cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes. Un calendrier scolaire national est arrêté par le ministre chargé de l’éducation pour une période de trois années. Il peut être adapté, dans des conditions fixées par décret, pour tenir compte des situations locales. »
En application des dispositions de cet article, la Ministre de l’Education Nationale avait arrêté le calendrier suivant pour l’année scolaire 2017/2018 :
« Arrêté du 16 avril 2015 fixant le calendrier scolaire de l’année 2017-2018
La ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Vu le code de l’éducation, [ https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=29990101&categorieLien=cid] notamment ses articles L. 521-1 et D. 521-1 à D. 521-7 ;
Vu l’avis du Conseil supérieur de l’éducation en date du 10 avril 2015,
Arrête :
Article 1 : Le présent arrêté fixe le calendrier scolaire national de l’année 2017-2018.
Article 2 : L’année scolaire s’étend du jour de la rentrée des élèves au jour précédant la rentrée suivante.
Article 3 : Les académies, à l’exception de celles visées à l’article 5, sont réparties en trois zones de vacances A, B et C.
La zone A comprend les académies de Besançon, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Limoges, Lyon et Poitiers.
La zone B comprend les académies d’Aix-Marseille, Amiens, Caen, Lille, Nancy-Metz, Nantes, Nice, Orléans-Tours, Reims, Rennes, Rouen et Strasbourg.
La zone C comprend les académies de Créteil, Montpellier, Paris, Toulouse et Versailles.
Article 4 : Pour l’année scolaire 2017-2018, dans tous les établissements scolaires relevant du ministère chargé de l’éducation nationale, la date de prérentrée des personnels enseignants, la date de rentrée des élèves ainsi que les dates des périodes de vacance des classes sont fixées conformément au tableau annexé au présent arrêté, sous réserve de l’application des dispositions des articles D. 521-1 à D. 521-5 du code de l’éducation.
Article 5 : Pour les académies de Corse, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, ainsi que pour Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, le calendrier est fixé conformément aux dispositions des articles D. 521-6 et D. 521-7 du code de l’éducation.
Article 6 : La directrice générale de l’enseignement scolaire et les recteurs d’académie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Annexe
ANNÉE SCOLAIRE 2017-2018
ZONE A |
ZONE B |
ZONE C |
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Prérentrée des enseignants |
Vendredi 1er septembre 2017 |
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Rentrée scolaire des élèves |
Lundi 4 septembre 2017 |
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Toussaint |
Samedi 21 octobre 2017 Lundi 6 novembre 2017 |
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Noël |
Samedi 23 décembre 2017 Lundi 8 janvier 2018 |
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Hiver |
Samedi 10 février 2018 |
Samedi 24 février 2018 |
Samedi 17 février 2018 |
Printemps |
Samedi 7 avril 2018 |
Samedi 21 avril 2018 |
Samedi 14 avril 2018 |
Début des vacances d’été (*) |
Samedi 7 juillet 2018 |
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(*) Les enseignants appelés à participer aux opérations liées aux examens sont en service jusqu’à la date fixée pour la clôture de ces examens par la note de service établissant le calendrier de la session. Pour les enseignants, deux demi-journées (ou un horaire équivalent), prises en dehors des heures de cours, pourront être dégagées, durant l’année scolaire, afin de permettre des temps de réflexion et de formation sur des sujets proposés par les autorités académiques. |
Le départ en vacances a lieu après la classe, la reprise des cours le matin des jours indiqués.
Les vacances débutant le samedi, pour les élèves qui n’ont pas cours ce jour-là, le départ a lieu le vendredi après les cours.
Fait le 16 avril 2015.
Najat Vallaud-Belkacem »
Ceci rappelé, penchons-nous maintenant sur les dispositions de l’article D 521-1 :
« Article D 521-1 : Les recteurs d’académie ont compétence pour procéder, par arrêté, à des adaptations du calendrier scolaire national rendues nécessaires soit par la situation géographique particulière d’un établissement scolaire ou la nature des formations qu’il dispense, soit par des circonstances susceptibles de mettre en difficulté, dans un établissement, dans un département ou dans l’académie, le fonctionnement du service public d’enseignement. »
Aux termes de cet article, deux situations autorisent les Recteurs à modifier localement le calendrier scolaire établie par le/la Ministre :
- la situation géographique particulière d’un établissement scolaire ou la nature des formations qu’il dispense ;
- des circonstances susceptibles de mettre en difficulté, dans un établissement, dans un département ou dans l’académie, le fonctionnement du service public d’enseignement.
La modification du calendrier scolaire dans les académies de la zone B concernant l’ensemble des établissements de ces académies, nous écarterons d’emblée la première branche de l’article D 521-1.
Ce qui nous amène à considérer les dispositions de la seconde branche.
Pour modifier le calendrier précité, les Recteurs concernés ont invoqué « les inconvénients d’une semaine de rentrée perturbée par deux jours fériés des mardi 8 et jeudi 10 mai 2018 ».
Mais, c’est surprenant puisque les jours fériés de l’année 2018 étaient connus quand le calendrier de l’année scolaire de la même année a été arrêté le 16 avril 2015 et il est patent qu’ils ne présentaient pas de circonstances susceptibles de mettre en difficulté le fonctionnement du service public d’enseignement dans les académies de la zone B.
Partant, on saurait difficilement considérer que ce qui n’était pas une telle circonstance à l’époque de la signature de ce décret en soit une aujourd’hui.
Les Recteurs concernés pourraient-ils invoquer une autre circonstance ?
La nomination d’un nouveau Ministre mise à part, je ne vois pas.
Plus ennuyeuses sont les dispositions de l’article D 521-5 :
« Sauf dans les cas où elles sont motivées par des circonstances non prévisibles, les décisions résultant de l’application des articles D. 521-1 à D. 521-4 sont arrêtées et rendues publiques un an au moins avant la date d’effet prévue quand elles concernent l’ensemble d’un département ou de l’académie.
Les dates des vacances scolaires, résultant le cas échéant de ces décisions, sont affichées dans les établissements scolaires. »
Les jours fériés en cause étant parfaitement prévisibles, il ne saurait, en l’espèce, y avoir de « circonstances non prévisibles » et, partant, d’exception au délai d’un an pour arrêter et rendre publiques les décisions Rectorales de modification des dates de vacances scolaires.
Et la conclusion de s’imposer d’elle-même : des contestations par voie de justice des arrêtés pris par les Recteurs des académies concernées auraient de fortes chances d’aboutir à l‘annulation de ces arrêtés…
Ce, d’autant plus, si les dispositions de l’article D 521-4 ont été ignorées :
« Le recteur d’académie arrête sa décision dans les conditions suivantes :
1° Lorsque la mesure d’adaptation envisagée intéresse l’ensemble de l’académie, après consultation du conseil académique de l’éducation nationale ;
2° Lorsque la mesure d’adaptation envisagée intéresse l’ensemble d’un département, après consultation du conseil départemental de l’éducation nationale ;
3° Lorsque la mesure d’adaptation envisagée intéresse un seul ou un nombre limité d’établissements scolaires, après consultation du conseil de l’école ou des écoles, du conseil d’administration du ou des établissements d’enseignement du second degré concernés.
Pour les décisions prises en application des 2° et 3°, le recteur d’académie peut déléguer sa signature au directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie. »
Cela étant, faut-il se précipiter au Tribunal administratif local pour faire suspendre puis annuler les arrêtés Rectoraux en question ?
Peut-être pas.
D’une part, parce que le pragmatisme qui consiste à éviter des semaines « à trou » tant aux élèves qu’aux agents publics n’est pas toujours une affaire de droit.
D’autre part, parce que considérant le rythme des réformes que le Ministre de l’Education Nationale semble vouloir imposer à son ministère, quelques jours de vacances des classes supplémentaires ne seront pas de trop pour permettre aux enseignants des académies concernées de s’y préparer.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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