Sommaire : continuum lycée-université, entomophagie en 1ère, la cellule en réalité virtuelle, sauvages de ma rue.
Le continuum lycée-université en pratique à Villefranche de Rouergue (12)
Comment créer la rencontre entre des lycéens et des universitaires ? Comment favoriser l’engagement des élèves en études supérieures scientifiques ? Le projet Turbo-Sciences mené au lycée Raymond Savignac (12) par Stéphanie Miquel-Campagnac, enseignante de SVT et Didier Valade, enseignant de sciences-physiques mobilise les énergies en classes de 1ère et terminale scientifiques. Les élèves volontaires réalisent des travaux-pratiques à l’université Champollion d’Albi sur la phylogénie, la spectrophotométrie et la synthèse protéique. Ces temps d’immersion à la faculté sont le fruit d’une convention établit entre les établissements et transformés en réalité par les enseignants.
Quels sont les objectifs du projet Turbo-Sciences ?
Dans le cadre du dispositif Bac +3, Bac -3, l’atelier Turbo Sciences s’adresse aux élèves des classes scientifiques du lycée Raymond Savignac. Villefranche de Rouergue est une petite ville qui se situe à 1h45 de Toulouse et 1h15 d’Albi, les échanges ne sont donc pas toujours simples. Malgré ceci, il s’agit de mettre en contact les lycéens avec l’enseignement supérieur.
1 heure d’enseignement scientifique (physique, chimie, SVT en alternance) par semaine, supplémentaire et inscrite dans l’emploi du temps des élèves. Les deux premiers trimestres de l’année scolaire seront réservés aux élèves de terminale, le dernier aux élèves de première.
En collaboration avec la faculté des sciences de l’Université Champollion d’Albi, les élèves préparent des séquences expérimentales sous forme d’exercices ou de TP. Le lycée de Villefranche ne disposant pas toujours de matériel parfois onéreux, ces séances se font pour certaines dans les locaux des laboratoires de la faculté. Les notions étudiées sont souvent en lien avec le programme.
Quels sont les thèmes étudiés avec les élèves ?
Pour la partie sciences physiques, le thème abordé en Terminale S a été la lumière et sa décomposition par un réseau et par un prisme. Pour les élèves de chimie ce sera la spectrophotométrie.
Pour la partie SVT : en terminale, nous avons traité un TP de phylogénie qui s’est découpé en 3 parties : d’abord un peu de théorie puis nous avons abordé comment classer et ensuite les élèves ont fait un exercice (construction de matrice et de l’arbre de parenté en comparant des squelettes d’animaux). Le travail en amont au lycée a été réduit puisque les notions ont été abordées à la fac (2 séances sur la phylogénie au lycée). Les autres séances ont été de l’approfondissement sur la synthèse des protéines (programme de 1S).
En première, nous allons traiter un TP d’anatomie comparée. Nous sommes en contact avec un maître de conférences en biologie animale. Lors de notre visite à la fac, nous avons rencontrée une autre enseignante qui pourrait participer au dispositif. Ainsi d’autres thèmes pourraient être abordés…
Que font les lycéens lors du déplacement à l’université ?
Les élèves de terminale ont réalisé 2 TP, un de physique (utilisation du goniomètre que nous n’avons pas en lycée) et un de SVT (construction d’un arbre phylogénétique en comparant des squelettes). Ces séances étaient encadrées par des élèves de licence. Ils ont ensuite visité les laboratoires de recherche de physique (connaissance du plasma) et de SVT (toxicologie environnementale et utilisation du venin de fourmi dans les médicaments).
Pour les élèves de premières S, c’est un premier contact qui s’établit, les lycéens partageront un moment d’échange avec les étudiants au restau U notamment et réaliseront ensuite deux TP un de chimie, et un de SVT, sur le même principe que les terminales. Les retours semblent d’ores et déjà très positifs.
Comment s’est coordonnée la mise en place de ce continuum lycée-université ?
Mme Miquel Campagnac est représentante du lycée général lors des différentes réunions du continuum, avec notre Proviseure et une collègue du lycée professionnel. Mais cette mise en place s’est faite directement entre les collègues du lycée et de l’Université. Notons que Sylvie Lafon coresponsable de la licence de physique chimie à Albi a largement facilité cette mise en place et contribué à la réussite de cette expérience. Nous nous sommes mis d’accord sur les thèmes à aborder au lycée, d’abord notions de cours nécessaires et exercices d’application. Ensuite des étudiants avec Mme Lafon sont venus rencontrer nos élèves pour préparer la séance expérimentale.
De nombreuses collaborations ont lieu entre la fac d’Albi et les différents lycées, une convention (prenant en compte les déplacements des étudiants du personnel enseignants) a donc été établie entre l’Université Champollion et le rectorat visant à formaliser les échanges avec les lycées du Tarn et de l’Aveyron. Quant aux transports, afin de minimiser les coûts, il a été assuré par nos soins en utilisant les minibus du lycée.
Comment les élèves font-ils leur choix pour suivre ce parcours ? Comment envisagez-vous de suivre ensuite les parcours de vos futurs bacheliers ?
Les élèves participent sur la base du volontariat, tous les élèves de la filière scientifique sont concernés cela représente cette année un taux de participation de 33% en 1S et 25% en terminale S.
Le suivi sera facilité s’ils poursuivent à l’Université à Albi, mais nous avons pris l’habitude de rester en contact avec nos élèves par mail notamment. Notre lycée les accueille pour la remise des diplômes du Bac et pour participer à une demi-journée de forum où ils peuvent échanger avec les lycéens.
Entretien par Julien Cabioch
Dans le Café
Comment inventer le continuum lycée – université ?
Université d’Ete Mer-Education
Philippe Thibault-Hervé : L’entomophagie au lycée
Comment nourrir 9 milliards d’humains tout en préservant notre environnement ? En mangeant des insectes… Les lycéens de 1ères ES et L de Philippe Thibault-Hervé, enseignant de SVT au lycée Thibaut de Champagne à Provins (77) mènent un projet sur l’entomophagie. L’objectif est de faire réfléchir les élèves sur les conséquences d’un choix alimentaire. Au-delà de la dégustation d’insectes proposée dans l’établissement, le projet mêle investigation, réflexion et communication. Parti d’une recommandation de la FAO sur la consommation d’insectes par les pays occidentaux, ce travail pluridisciplinaire « cultive l’ouverture d’esprit des élèves ».
Pourquoi cette « opération insectes » menée dans votre lycée ?
C’est un projet intitulé « Projet Hakuna-Matata » visant à faire découvrir l’entomophagie (pratique alimentaire consistant à manger des insectes) à l’ensemble des élèves et des acteurs du lycée Thibaut de Champagne. Il a été mené par 88 élèves de 1ère ES et 1ère L répartis en 3 classes. L’objectif est de sensibiliser à notre mode alimentaire actuel et aux conséquences que cela a pour notre environnement, notre planète et de l’importance de trouver une alternative. Au lieu d’étudier des documents et de se dire « oui bon d’accord, on verra le jour on n’aura pas le choix » ou « beurk jamais de la vie ! », je préfère que mes élèves expérimentent et testent par eux-mêmes sans contrainte.
Comment s’inscrit ce projet dans votre progression en 1ère ES et L ?
Dans le cadre du programme de Sciences des sections ES et L, nous devons nous interroger sur « Comment nourrir 9 milliards d’humains tout en préservant notre environnement ? » et l’une des réponses réalistes est l’entomophagie.
En effet, la production de viande est très consommatrice d’eau, produit une très grande quantité de gaz à effet de serre (GES) … tout cela aboutissant à une diminution des ressources de notre planète et au réchauffement climatique. Il faut trouver des solutions. On s’interroge, on recherche ensemble pour trouver une solution. Et on relève que la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) recommande la consommation d’insectes par les pays occidentaux.
Actuellement 30 % de la population mondiale mange régulièrement des insectes. Mais cette pratique n’est pas ou trop peu répandu dans nos sociétés occidentales, préférant la consommation de viande qui est un facteur de nombreux maux (réchauffement climatique notamment). Donc face à ce constat, j’ai l’idée de faire gouter des insectes à mes élèves et au final à l’ensemble du lycée. Le projet permet une prise de conscience forte de ce qu’impliquent nos choix alimentaires sur notre planète et de l’intérêt réel de changer, d’adapter notre alimentation face à la situation. L’objectif premier du projet est de faire travailler et réfléchir les élèves de 1eres ES/L sur l’importance de nos choix alimentaires à l’échelle de notre planète.
L’idée secondaire est de sensibiliser les élèves et le personnel de notre lycée à cette pratique culinaire qu’est l’entomophagie à partir du travail des élèves de ES/L. Une dégustation d’insectes permet à la communauté de découvrir et de se forger un avis sur l’entomophagie.
Comment s’organise le travail entre lycéens ? Que font comme recherches les élèves en amont de la dégustation ? Pour quelles productions ?
Il y a deux temps dans le projet, un 1er qui consiste à réaliser des posters à partir de recherches et de sélections d’informations, et le 2ème qui est la sensibilisation lors de la journée de dégustation.
Pour le premier temps, les élèves travaillent en groupes de 5-6. Chaque groupe travaille autour d’un axe lié à l’entomophagie (les constats amenant à trouver une alternative à la consommation de viande, les avantages, les pratiques entomophagiques dans le monde, comment réaliser son élevage,…). Les élèves font des recherches à partir de documents que j’ai préalablement sélectionnés (sélection assez large qui permet d’obtenir différentes opinions de plusieurs sources et donc différents arguments). Cependant les élèves peuvent également aller trouver d’autres informations ailleurs (après une vérification des sources avec eux).
Leurs posters comportent des informations précises sous forme de phrases courtes, des graphiques et des images illustrant une information mais également des QR Codes qui renvoient sur des documents numériques, des vidéos ou sur le site internet du projet que les élèves ont décidé de faire en plus.
Pour la 1ère L, des élèves souhaitant se diriger vers le journalisme et la communication ont constitué un groupe pour communiquer sur le projet. Ainsi, ils ont conçu l’affiche du projet, fait une intervention à la webradio du lycée animée par mon collègue de SVT, M.Adourian et notre CPE M.Dublanc. Ils ont guidé la visite du journaliste de La République du 77 venu rédiger un article sur le projet également.
Pour la 1ere ES, les élèves souhaitant se diriger vers les études de sondeurs/analystes de données ont constitué un groupe sondage dont le but est faire un point sur l’entomophagie dans le lycée et avoir un retour sur notre projet. Dans le cadre du projet, ces élèves ont eu l’occasion d’appréhender un peu plus concrètement leur choix d’orientation post-bac.
Le 2ème temps est la journée de sensibilisation, les différents posters sont affichés et nous invitons les personnes à venir les découvrir lors de la pause déjeuner (11h-14h), mes élèves avaient pour mission de convaincre et d’exposer de l’utilité de l’entomophagie pour l’avenir. Les personnes souhaitant déguster des produits ont pu le faire grâce au buffet qui était à leur disposition.
Ainsi au cours de ce projet, nous avons travaillé sur différents objectifs. Des objectifs notionnels et pédagogiques : adapter son régime alimentaire aux grands enjeux contemporains, travailler en interdisciplinarité avec les mathématiques (analyse des sondages, statistiques), travail en lien avec la webradio du lycée, communication anglaise (affiche réalisée en anglais approfondi) et orientation.
Où trouvez-vous les insectes ? Quels sont les produits proposés aux lycéens ?
J’ai fait commander des insectes à la société Micronutris qui est basée en région toulousaine. Les insectes sont issus d’élevage français. Nous avons pris deux types de produits : des produits raffiné, tel que des cookies et des biscuits apéritifs. Dans ces produits, la farine de blé est remplacée par des farines d’insectes. Et comme deuxième type de produits nous avions des insectes cuits et aromatisés ou non. Ainsi, les élèves pouvaient gouter de manière directe en mangeant l’insecte tel quel ou de manière indirecte par les produits raffinés.
Quels sont les retours après la dégustation ? Pensez-vous renouveler l’expérience ?
Les retours sont plus que positifs ! Nous avions commandé 2000 insectes en plus des produits raffinés et tout a été consommé. De nombreux élèves et personnels de l’établissement sont venus, voire revenus pour certains, manger des insectes. A la question « seriez-vous prêts à l’entomophagie » les élèves se disent plutôt prêts car dans les produits raffinés ils ne sentent pas la différence avec les produits classiques comme la farine de blé notamment.
Mais c’est avant tout un succès du point de vue du travail effectué par mes élèves car ils ont conçu des affiches pertinentes et originales. Ils se sont appropriés le projet et ont pu mettre en avant leurs capacités, dans tel ou tel domaine (dessin, conception d’un site internet, recherche documentaire,…) au service de leur groupe.
J’espère pouvoir renouveler cette expérience dès l’année prochaine. J’estime que nous devons cultiver l’ouverture d’esprit de nos élèves. Ce projet le permet.
Entretien par Julien Cabioch
Dans le Café
Des lycéens éco-responsable au lycée Blaise Pascal d’Orsay (91)
Education au développement durable : Des éco délégués au collège
Quand les lycéens étudient un « coin nature »
Philippe Cosentino : Explorer la cellule en réalité virtuelle
Comment se déplacer dans le cytoplasme d’une cellule végétale avec un casque de réalité virtuelle ? Philippe Cosentino, enseignant de SVT au lycée Rouvière de Toulon (83) propose à ses élèves d’observer les principaux organites de la cellule avec sa nouvelle application. L’immersion cellulaire s’effectue à l’aide d’un téléphone et d’un casque de réalité virtuelle. Quels sont les possibles pédagogiques de l’appli InTheCell pour Cardboard ? Comment Philippe Cosentino réalise-t-il ses productions ? Entretien avec cet enseignant passionné et toujours à la recherche de nouveaux supports de motivation pour ses élèves.
Que peut-on faire avec cette nouvelle application «In The Cell » en réalité virtuelle ?
On peut explorer le cytoplasme d’une cellule végétale, observer les chloroplastes avec leurs thylakoïdes, les mitochondries, voire les ARN messagers sortir du noyau, les ribosomes synthétiser les protéines … en utilisant un casque de réalité virtuelle (VR). Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette technologie, il s’agit d’un casque coûtant quelques dizaines d’euros, dans lequel on insère un téléphone qui fera office d’écran.
L’utilisateur est alors immergé dans une scène, la vision est bien entendu stéréoscopique, et suit les mouvements de la tête. S’il lève la tête il verra le ciel, s’il se retourne, il verra derrière lui … ce qui lui donne l’illusion d’être dans un monde virtuel.
L’utilisateur a un point de vue subjectif, il est « plongé » au sein du cytoplasme et peut porter son regard dans toutes les directions. Il peut également se déplacer librement à l’intérieur du cytoplasme à l’aide du bouton ou en touchant l’écran. Des légendes et des commentaires audio lui donnent des informations sur les organites qu’il observe.
Quelle est l’origine de ce projet ?
L’achat récent d’un casque de réalité virtuelle (un Oculus Gear VR), dans un cadre purement récréatif, a relancé mon intérêt pour cette technologie que j’avais un peu laissé de côté depuis 2 ans, considérant que la technologie n’était pas assez convaincante, du moins en ce qui concerne la VR (réalité virtuelle) sur téléphone. Mais avec le Gear j’ai été bluffé. Il m’a semblé que la technologie avait atteint un degré de maturité suffisant pour justifier qu’on s’y investisse en classe.
Comment testez-vous vos productions avec vos lycéens ?
J’utilise mes productions avec mon groupe classe lorsque la séance prévue dans ma progression s’y prête. Je ne modifie pas celle-ci au gré de mes échéances de programmation, mes logiciels sont intégrés, ou pas d’ailleurs, dans mes séances de travaux pratiques, au même titre, et en général en même temps, que d’autres ressources documentaires.
Par contre, il est vrai que j’ai besoin, pendant la phase de développement du logiciel, de pouvoir le tester, afin de repérer les bugs et surtout de voir comment l’améliorer. Ce sont essentiellement des collègues du forum national de SVT ou du groupe Facebook « SVT : partage, conseils et questions » qui le testent durant cette phase – parfois avec leurs élèves – et me font remonter leurs critiques et doléances. Enfin, certains de mes élèves, volontaires ou attirés par les nouvelles technologies, se proposent spontanément et régulièrement pour tester en avant-première mes logiciels. Cela se fait alors hors du cadre scolaire. Leur aide m’est précieuse.
Quels usages faites-vous de la réalité virtuelle en classe ? Avec quel matériel ?
Tout cela est très récent ! Je n’ai en tout et pour tout, utilisé cette technologie en classe que durant 3 semaines, à une période de l’année où les programmes sont quasiment finis. Et bien entendu tout cela se fait avec mon matériel personnel, je n’ai pas osé (encore) faire acheter par mon lycée un casque de réalité virtuelle et le téléphone qui va avec (mais cela viendra peut-être).
Pour l’instant je propose aux élèves qui le souhaitent diverses expériences de VR de préférence en rapport avec leur programme, en parallèle de séances de TP classiques (par exemple une application qui leur donne une idée de la façon dont les aveugles se représentent le monde). Je n’ai modifié en rien mes séances pour cela : lorsque les élèves travaillent en autonomie et que je considère que cela ne va pas nuire à la bonne marche du TP, je leur propose de venir s’isoler un par un, dans un coin de la salle, de préférence sur une chaise pivotante, pour tester l’expérience (au sens d’expérience sensorielle) de VR en utilisant le casque GearVR.
Car là est l’un des problèmes de la VR, c’est une activité très solitaire, les camarades ne voient pas ce que perçoit le sujet. On peut difficilement envisager une activité de groupe, surtout avec un casque complet comme le Gear, qui couvre entièrement les yeux et « coupe » totalement l’élève de son environnement.
Une autre méthode, que j’ai testée, consiste à utiliser un casque de moindre qualité, comme un cardboard (casque adaptable sur la plupart des téléphones), qui n’est pas fixé sur le crâne, contrairement au Gear. Le casque peut alors être rapidement passé de main en main, comme on passerait une paire de jumelles. J’utilise cette technique quand je veux juste montrer rapidement un objet 3D ou un paysage.
Bref, il s’agit d’un média, au même titre qu’une vidéo diffusée en classe, qui peut difficilement être le support d’une activité, mais qui peut être utilisée pour illustrer une notion (comme par exemple les différentes échelles du vivant).
En quoi ces nouvelles technologies sont-elles des supports de motivation en sciences ?
Il y a bien entendu un effet « gadget », l’excitation de la découverte. On ne peut s’appuyer durablement dessus mais il serait dommage de ne pas en profiter. Les adolescents sont avides d’expériences sensorielles nouvelles et je vois bien qu’ils sont très enthousiastes, pour la plupart (certains ne s’intéressent pas à la VR, ou ne veulent pas la tester par peur de faire un malaise), lorsqu’arrive leur tour.
Il y a ensuite l’immersion subjective, dans une scène, un lieu, voire dans une cellule comme ici. C’est un changement de point de vue qui peut être impressionnant, imaginez-vous au cœur d’un cratère en irruption, qui ne serait pas motivé pour faire une telle expérience ? Apparemment quelques élèves ont un peu d’appréhension, mais la majorité sont très enthousiastes, au point de renoncer à leurs récréations, ou de venir en dehors des heures de cours pour recommencer une activité de VR.
Très contributif sur des forums professionnels, vous accordez aussi une place importante aux feedback reçus de collègues de SVT sur vos productions. Pourquoi ?
Je n’envisage pas une autre façon de travailler. En général je propose aux collègues un prototype, une version pauvre, incomplète, de mes logiciels. Puis je les invite à me faire des propositions, que pourrais-je rajouter ? Comment l’améliorer ? Comment ont réagi leurs élèves ?
Je modifie alors mon logiciel au gré des réactions des collègues, via les réseaux sociaux et les forums. Au final, ces productions sont pour une bonne part également imprégnées des idées d’autres collègues. C’est un travail en partie collectif.
Il y a également une autre raison. Lorsqu’on développe un logiciel on doit le tester régulièrement. Au début c’est plaisant de voir sa production fonctionner. Mais au bout de la vingtième fois, vous commencez à ne plus supporter de devoir vous repasser toutes les séquences du logiciel, l’introduction, la musique … à tel point que cette phase de test me semble de très loin la plus pénible. D’ailleurs je plains ceux dont le métier consiste à tester des jeux vidéos par exemple.
Enfin, connaissant mon outil, j’aurai tendance à l’utiliser de manière optimale, passant à côté de biens des problèmes et bugs. Heureusement les collègues qui ne le connaissent pas vont appuyer sur les mauvais boutons et suivre des chemins tortueux, débusquant au passage de nombreux bugs qui me seraient passés inaperçus.
Avec quel matériel codez-vous ? Comment se former pour réaliser ce type d’application ? Des écueils à éviter ?
J’utilise mon ordinateur personnel, et des logiciels gratuits (Blender, Gimp). J’écris le code avec un éditeur de texte, équivalent au bloc-note de Windows (Notepad++). Pour la réalité virtuelle j’utilise depuis peu (un mois) Unity3D, qui est un environnement permettant de développer des jeux (« Usine à jeux »). Les collègues doivent savoir que pour programmer on n’a besoin de très peu de matériel. Un ordinateur et un éditeur de texte suffisent. Il n’y a rien à débourser.
Votre prochain défi sera de vivre l’ascension du Chenaillet en restant au labo… Quelques mots sur ce dispositif.
Je ne pourrai pas participer à cette sortie géologique touchant les élèves de terminale. Je vais donc les briefer (du moins le groupe que j’aurai en spécialité) afin qu’ils installent sur leur téléphone 2 applications gratuites : Google Street View et Cardboard Camera. Bien entendu cela se fera sur le mode du volontariat, étant donné qu’ils utiliseront leur matériel (BYOD). Par ailleurs, mes collègues accompagnateurs vont emprunter des tablettes à Canopé pour que les élèves puissent travailler sur place, il faut que je vérifie si ces applications fonctionnent sur ce matériel ou non. Si c’est le cas ils utiliseront en priorité les tablettes de prêt. Ces 2 applications sont très simples d’usage et ne nécessitent pas de casque pour être utilisées.
La première application (Street View) va leur permettre de prendre des photosphères, c’est-à-dire des photos panoramiques incluant le zénith et le nadir. La deuxième leur permettra de prendre des photographies panoramiques stéréoscopiques. Dans les deux cas l’opération ne prend que 2 ou 3 minutes. Je leur confierai la mission de prendre quelques photographies panoramiques lors de leurs arrêts.
A leur retour, je récupèrerai ces photos et je les intégrerai dans le casque, afin que ceux qui le souhaitent puisse se replonger dans ces paysages alpins. Avec le casque sur la tête, l’expérience est bluffante, dans le premier cas on est totalement immergé dans le paysage, mais sans relief, dans le deuxième il manque le sol et le ciel mais par contre le panorama est en relief.
J’espère ainsi motiver des élèves ayant peu d’appétence pour la géologie et en particulier pour l’étude des affleurements, à s’y intéresser par le biais technologique.
Cela peut paraître paradoxal, voire critiquable, mais je fais partie de ces personnes qui trouvent davantage d’intérêt à une activité si elle est agrémentée de gadgets technologiques. Je m’étais par exemple remis à randonner, alors que je ne suis pas particulièrement attiré par ce genre d’activité physique (euphémisme), du moment où j’ai pu enregistrer sur mon téléphone mes trajets grâce au GPS et les revoir ensuite sur Google Earth. De même, certaines personnes trouvent une motivation complémentaire à pratiquer le jogging dès lors qu’elles sont dotées de montres connectées.
Souvenez-vous, l’été dernier, de très nombreux adolescents sont sortis de chez eux et sont allés sillonner à pied leur ville, lorsque le jeu « Pokemon Go » est sorti. Certains ont même reconnu avoir trouvé du plaisir à découvrir les monuments que jusque-là ils ignoraient … et tout cela grâce à un gadget technologique. Je fais le pari qu’avec la réalité virtuelle on peut remotiver certains élèves, et peut être même paradoxalement réveiller leur intérêt pour l’observation du monde … réel.
Entretien par Julien Cabioch
Application « InTheCell pour Cardboard »
Ressources produites par Philippe Cosentino
Dans le Café
Jouer l’éducation au développement durable : Sim Agro de Philippe Cosentino
Laurence Desfougères : Un projet de sciences participatives au lycée
Comment permettre aux élèves de se sentir acteurs d’une étude scientifique ? Comment mener un projet de sciences participatives au lycée ? Laurence Desfougères, enseignante de SVT au lycée Augustin Thierry de Blois (41) participe avec ses élèves de seconde au projet « Sauvages de ma rue ». Le parc du lycée de 13 hectares est passé au peigne fin pour y déterminer la flore sauvage. Epaulés par une association environnementale, les élèves transmettent par tablettes les espèces identifiées sur une base de données nationale. Un travail de street art est aussi engagé pour l’ensemble de l’établissement.
Comment avez-vous impliqué vos classes dans le projet projet « Sauvages de ma rue »?
Le projet « Sauvages de ma rue » est un programme de sciences participatives de l’association Tela Botanica et du Museum National d’Histoire Naturelle (MNHN). Il s’agit d’identifier des espèces végétales qui poussent en ville, dans l’environnement immédiat des citadins. Les données sont transmises à une base de données qui sera exploitée par l’association Tela Botanica et le MNHN afin d’améliorer la connaissance de la flore sauvage urbaine. J’ai choisi de faire participer les élèves d’une classe de seconde générale dans le cadre d’un projet initié par le Conseil Régional de ma région : « Mon lycée au naturel ».
L’étude a porté sur l’observation et l’identification d’une partie de la flore sauvage du parc du lycée. En effet, notre lycée bénéficie d’un très vaste parc (13 ha). Il s’agissait pour moi de les sensibiliser à l’existence d’une biodiversité locale importante même si elle est discrète. Ce projet peut s’inscrire facilement dans le cadre du programme de SVT
Quelles sont les espèces déterminées dans l’établissement ? Comment le travail s’effectue-t-il sur le terrain ?
Pissenlit, pâquerettes, porcelle, luzerne d’Arabie, benoîte, renoncule rampante, séneçon, véronique, trèfle rampant, capselle bourse à pasteur, plantain majeur, plantain lancéolé, rumex, shérardie sont quelques espèces déjà déterminées.
Les élèves devaient identifier les espèces végétales présentes sur de petites parcelles (quelques m²), non traitées aux pesticides. Pour cela, ils ont travaillé en groupe de 3 ou 4. Chaque groupe avait une zone différente à étudier. Ils ont utilisé le guide d’identification et l’application pour tablettes de « sauvages de ma rue ». Chaque espèce identifiée était saisie sur l’application préalablement téléchargée sur les tablettes du lycée. Puis, les données ont été transmises par internet.
De la détermination au street-art, comment vos lycéens ont-ils mis en valeur leurs identifications ?
Après la séance d’identification, les élèves ont dû retrouver les plantes reconnues afin de peindre au sol les noms près des plantes. Cela leur a permis de réinvestir le travail de la deuxième séance tout en rendant visible par tous les usagers de l’établissement leur travail.
Quelles interventions extérieures ont eu lieu en classe ? Pour quels apports pédagogiques ?
Le projet a été mené en partenariat avec une association blésoise, le CDPNE (Comité Départemental de la Protection de la Nature et de l’Environnement. Il y a eu 3 interventions par des animateurs du CDPNE et une conférence par un enseignant chercheur de l’Ecole de la nature et du paysage.
La première intervention s’est déroulée en salle. Il s’agissait d’une initiation à la botanique : l’organisation d’une plante, les critères d’identification et observation de quelques plantes récoltées dans le parc.
La seconde intervention a eu lieu dans le parc avec une identification des plantes sauvages. La troisième intervention a eu lieu dans une zone de passage du parc pour peindre au sol les noms des plantes identifiées précédemment
La conférence portait sur la présentation d’un travail de recherche réalisé à Blois et lié à l’inventaire des plantes des trottoirs et la biodiversité en ville.
Comment le conseil régional a-t-il aidé à mettre en place cette démarche ?
Dans le cadre des compétences légales de la Région Centre Val de Loire en faveur des lycées, les APNE du réseau France Nature Environnement Centre Val de Loire ont proposé au Conseil régional d’impulser une nouvelle démarche basée sur l’accompagnement des membres des communautés éducatives à définir et mettre en œuvre des bonnes pratiques pour une meilleure prise en compte de la biodiversité. La région apporte un soutien financier aux projets mis en place par les APNE.
Quels avantages voyez-vous à proposer aux élèves ce type de projet de sciences participatives ?
Ce projet permet aux élèves de se sentir des acteurs d’une étude concrète scientifique. L’étude de la biodiversité est une partie du programme de SVT. Les sciences participatives permettent d’inscrire une petite étude locale dans un ensemble plus vaste, à l’échelle du territoire.
Entretien par Julien Cabioch
Dans le Café :
Un rapport veut développer les sciences participatives à l’école
Avec Vigie Nature Ecole, la science participative entre en classe
SVT : 65 millions d’observateurs
Libmol une application de visualisation des molécules
Pour visualiser les molécules il y a Rastop. Mais ce logiciel s’avère complexe à utiliser par les élèves. Paul Pillot propose Libmol, un logiciel gratuit. Libmol est une application enligne téléchargeable.