Et si le numérique nous aidait à passer plus d’une nuit au musée ? Et s’il permettait aux élèves de créer leur propre musée, y compris celui de leur imaginaire ? C’est la voie tracée par Christelle Lacroix, professeure de français au collège La Malassise à Longuenesse (62). Dans le cadre d’une séquence sur « le monstre aux limites de l’humain », elle a amené ses sixièmes à réaliser un étonnant « Musée des horreurs » : un musée en ligne consacré aux personnages du loup, de l’ogre et de la sorcière. Les tablettes permettent ici un intéressant travail collaboratif, en particulier sur les voix narratives. Elles permettent aussi de faire exister davantage les œuvres dans l’actualité de leur réception. Leçon de l’histoire tirée par l’enseignante : le numérique « favorise l’engagement des élèves en activité de création. Lorsque la société-classe permet cela, c’est la société de demain qui est en construction. »
Dans quel cadre ce projet a-t-il été mené ?
Le projet du Musée des horreurs a été réalisé dans 4 classes de sixième avec 95 élèves. Il s’agit d’aborder un thème du programme, « Le monstre aux limites de l’humain », en utilisant au mieux les tablettes numériques dont nous avons la chance de disposer. L’objectif principal de ce projet est un travail sur les voix narratives du texte, notamment, la voix du narrateur, de l’enfant et du monstrueux personnage, en utilisant l’outil numérique. Ceci permet de développer des compétences de lecture, compréhension, analyse, oral, méthodologie et collaboration. La démarche part des représentations personnelles de l’élève, puis un travail sur les textes, et enfin une phase de production-création. L’annonce de la réalisation d’un « Musée virtuel des horreurs » permet de scénariser le chapitre en donnant sens à l’activité de création : en effet, de vrais visiteurs viendront découvrir le musée virtuel. C’est d’ailleurs la sorcière RaplaplaX elle-même qui a invité les élèves à entrer dans ce chapitre…
Comment avez-vous lancé le projet ?
Pour commencer et se mettre en contexte, les élèves partent à la recherche des contes de tous les temps, en faisant une recherche sur les conteurs, les contes qu’ils ont écrits, leur siècle et leur pays d’origine. Afin de rendre compte de cette recherche, et de se les approprier, ils sont invités à réaliser une frise chronologique sur l’application Timeline, et une carte géographique interactive sur Thinglink.
Un travail spécifique a été mené sur les personnages monstrueux du loup et de l’ogre : comment s’est déroulé ce travail ?
Pour cette première rencontre, les élèves partent de leurs propres représentations qu’ils se font de ces personnages. L’occasion d’entrer dans leurs imaginaires et leurs propres références. Après avoir partagé sur ces représentations, les élèves entrent en lecture dans deux contes de Perrault : Le Petit Poucet et Le Petit Chaperon Rouge. Un questionnement de compréhension et d’analyse permet une approche clarifiée du personnage et de sa relation au héros.
Après cela, il est demandé à chaque élève de réaliser un enregistrement vocal de quelques phrases du texte de façon à dissocier la voix du narrateur, du gentil personnage et du monstrueux personnage. Cet enregistrement de quelques secondes est à faire à la maison sur Audiomemo (chaque élève dispose d’un iPad). Il est ensuite partagé dans une séance d’écoute collective en classe (chaque élève peut le diffuser en prenant en main le vidéoprojecteur grâce à Air play et une Apple TV). Ce travail d’enregistrement bref a duré, selon certains parents, plusieurs heures pour leur enfant, tant l’usage de sa propre voix à enregistrer et à écouter, est compliqué et non habituel. Le partage en classe n’a pas été évident non plus pour ces mêmes élèves. Il a fallu plusieurs séances et enregistrements pour que l’exercice devienne naturel. L’outil « voix », avec laquelle il fallait jouer, pour mettre en scène un texte, remplace l’outil « main-stylo » habituel pour faire ses devoirs : cela n’a pas été facile, pourtant l’intérêt de chacun à l’exercice d’écoute de l’autre, était évident.
Les élèves ont réalisé ensuite un travail sur la sorcière : avez-vous procédé de la même façon ?
Le principe est effectivement le même : partir de ses propres représentations, cette fois-ci en complétant une carte d’identité de la sorcière telle qu’on se l’imagine et en réalisant un montage sur Piccolage afin de mettre en image les mots. Les élèves ont déposé ces réalisations dans un padlet et réalisé ainsi la galerie des Sorcières, pour notre Musée des horreurs à venir.
Ensuite ils ont travaillé en autonomie et à leur rythme, en lecture-compréhension, sur « 4 contes de sorcières » (Ed. carrés classiques). Sur « La sorcière du placard aux balais », de Gripari, ils ont lu également Le Twittconte écrit l’année dernière par leurs camarades de @mala6_e et @6e6Caousou (également auteurs d’un musée de fables rusées) et ils ont réalisé le quizz auto-noté proposé par les élèves du même twittconte disponible sur twittconte.org . Cela leur a permis de découvrir le concept Twittconte, sachant qu’ils vont participer à l’écriture d’un prochain twittconte au troisième trimestre.
Parallèlement, les enregistrements des voix de sorcières s’est poursuivi de la même façon qu’avec le loup et l’ogre.
Au final, il s’est agi de réaliser le Musée des horreurs lui-même : comment êtes-vous parvenu à cette production finale ?
Les élèves ont eu à réaliser leur chef d’œuvre pour Le Musée des horreurs : un travail collaboratif à trois où chacun devait contribuer à la création en apportant ses idées, son action et sa voix.
L’objectif était de choisir parmi l’un des contes étudiés, un court extrait, et de procéder à un enregistrement à plusieurs voix. Ensuite, les élèves ont créé des diapositives associant une illustration du texte, le texte, des effets sonores et les voix. L’application iMovie a été choisie pour finaliser ce projet.
Enfin les élèves m’ont envoyé leur œuvre en AirDrop, afin de procéder à l’évaluation et à l’installation des objets dans les salles du musée, réalisé sur Izi.TRAVEL. Ainsi 4 salles ont été créées : La salle de la sorcière, celle du loup, celle de l’ogre et la dernière sans personnage monstrueux.
Comment avez-vous partagé et valoriser ces créations ?
Il restait à communiquer sur le Musée : les élèves ont alors commencé à jouer un rôle de médiateurs culturels : une affiche a été réalisée et installée dans les couloirs, dans les CDI du collège et du lycée, avec un flash code permettant, sur simple scan (avec un téléphone portable ou une tablette) d’entrer directement dans le musée virtuel : c’est le principe même de la réalité augmentée.
Une publication a été faite sur la page Facebook de l’établissement, et une autre sur le réseau Twitter avec invitation personnelle tweetée à quelques uns de leurs abonnés, comme @_la_sorciere_, personnage du Twittconte, qui depuis, a même intégré le lien du musée dans sa bibliothèque personnelle.
Quant aux élèves-artistes, il leur suffisait d’emmener leur famille au musée, sans sortir de chez eux, en restant installé dans leur canapé !
L’application izi.TRAVEL permet également d’évaluer et commenter le musée. Un retour en classe sur ces remarques permet de prolonger le sens de l’activité et valoriser indéniablement le travail de création.
Quelle leçon tirez-vous de toute cette histoire ?
Le numérique, on le voit encore une fois, facilite l’échange et le partage, permet aux élèves de sortir le nez du cahier, d’élargir la textualité des œuvres littéraires. Il favorise l’engagement des élèves en activité de création. Lorsque la société-classe permet cela, c’est la société de demain qui est en construction.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le Musée des horreurs :
La bande annonce du projet
Les fiches élèves
L’invitation de début de chapitre
La galerie des sorcières sur Padlet
La bibliothèque privée de la Sorcière du Placard aux balais
Christelle Lacroix au Forum des Enseignants Innovants