Faire travailler ensemble, au quotidien, tous les jours, professeurs des écoles et professeurs de collège, c’est l’expérience que vit le réseau Rep+ de Saint Fons (69). Six écoles et le collège Alain partagent ainsi de façon régulière les services enseignants entre écoles et collège de façon à gommer la coupure entre les deux niveaux d’enseignement et à aider les élèves à construire une scolarité plus solide. Un sacré défi relevé que Claire Genechesi, coordonnatrice Rep, a présenté au Forum des enseignants innovants.
Professeure des écoles depuis une dizaine d’années, Claire Genechesi est coordinatrice du réseau Rep+ de Saint Fons (69), une banlieue populaire au sud de l’agglomération lyonnaise. Le réseau comprend 6 écoles primaires et un collège, soit une dizaine de professeurs des écoles et environ 25 professeurs de collège.
Depuis l’année dernière, des professeurs des écoles interviennent dans les classes du collège chaque matin et des professeurs du secondaire font de même dans les écoles.
D’où est parti ce dispositif ?
Du constat que les élèves qui arrivent en 6ème ont tendance à décrocher. Pra exemple on voit leur niveau en maths baisser fortement du cm2 à la 6ème. On sait que les écoliers appréhendent leur arrivée au collège et qu’ils ont une image négative des collégiens. Cela génère d’ailleurs la fuite d’une proportion importante des élèves du secteur, surtout les meilleurs. Quand des élèves arrivent comme cela avec des idées négatives au collège, cela les empêche d’entrer dans les apprentissages.
D’où l’idée de faire venir au collège les professeurs des écoles que les élèves connaissent. Les classes du collège sont donc construites en fonction de leur classe d’origine.
Mais comment c’est possible ?
Evidemment si on fait venir des professeurs des écoles (PE) régulièrement au collège, il faut mettre des enseignants face aux écoliers. On a donc mis en place un échange de services. Concrètement, au collège on a une tranche horaire en co-enseignement chaque matin de 8 à 10 heures dans 4 sixièmes sur 8, soit 4 P.E. En même temps des professeurs du collège interviennent dans les écoles.
Un des problèmes que l’on a rencontré d’ailleurs c’est la différence d’horaire. L’école comence à 8h30 et le collège à 8 heures. Donc on a obtenu que les PE qui interviennent dès 8 heures au collège soient déchargés des APC (des activités complémentaires que doivent les P.E. sur une base annuelle). Pour les professeurs de collège, le temps effectué à l’école est payé en heures supplémentaires. Evidemment le dispositif ne fonctionne qu’avec des enseignants volontaires.
Les PE interviennent en binome avec un professeur de collège. Ceux-ci par contre sont seuls devant une classe d’écoliers. Cela pose des problème. Par exemple en sciences les enseignants sont habitués à des demi groupes au collège. Mais à l’école ils doivent faire face à des classes de 26 enfants.
Un des constats que vous relevez c’est que la bonne volonté des écoliers s’évanouit au collège. Pourquoi ?
On ne sait pas exactement pourquoi. Ca se joue sans doute dans les apprentissages et donc ça justifie notre dispositif qui vise à faire le lien pour mieux travailler ensemble, PE et professeurs de collège.
En effet au collège les élèves ont moins d’autonomie qu’à l’école. Mais pour autant ils n’ont pas non plus l’autonomie qu’on leur demande au collège. Les contextes sont vraiment différents et ce n’est pas la même autonomie.
C’est pourquoi il est important que les professeurs du collège découvrent l’autonomie dont sont capables les écoliers pour voir comment la transférer au collège.
Mais la réputation du collège y a aussi sa place. D’où nos efforts pour convaincre les enfants et les familles qu’ils vont réussir.
Il y a aussi des habitudes bien différentes dans les postures enseignantes. Par exemple en ce qui concerne la vie scolaire.
Globalement les professeurs des écoles apprennent quoi dans cet échange ?
Ils sont généralement plus anciens que les professeurs de collège. Et ils se rendent davantage compte de ce qui se passe en collège. Avec ce dispositif ils comprennent mieux les différences de comportement et de résultats des élèves. Ils ont aussi appris à communiquer avec leurs collègues du collège.
Et les enseignants du collège ?
Ce sont ceux qui ont le plus à apprendre. Ceux qui interviennent dans les écoles découvrent vraiment ce qu’est une classe à l’école. Ils découvrent par exemple que les enfants peuvent se lever en classe pour aller chercher des outils. Du coup ils deviennent plus proches de leurs élèves, leur relation avec eux évolue. Ils prennent davantage en compte la sécurité affective des élèves.
Enfin il y a ceux qui accueillent un PE dans leur classe. Ils apprennent des pratiques pédagogiques des PE. Par exemple la façon de mener la classe. Ou les rituels : le temps de calcul mental pour démarrer le matin ou le travail sur la compréhension des consignes, toutes choses qui ne vont pas de soi au collège.
Quel bilan faites vous de cette année ?
On a 4 classes dans le dispositif et 4 hors dispositif. On va donc observer si les résultats des élèves s’améliorent en terme d’apprentissage et de climat scolaire. On verra si les enfants sont davantage en confiance dans le cycle 4 et si la 6ème est davantage réussie. Les premiers retours sont positifs.
Propos recueillis par François Jarraud