Bonjour et au revoir. C’est ce qu’on aurait envie de dire au diplôme national du brevet qui commence le 23 juin. Pendant deux journées, toute une génération va affronter les épreuves de la dernière édition d’un examen qui sera redéfini pour 2017. On se demande bien pourquoi. Pas seulement parce que le brevet est le plus inutile des examens français. Mais aussi parce que personne ne sait ce qu’il évalue vraiment.
Le seul diplôme passé par toute une génération
838 554 candidats affrontent la peur de la feuille blanche le 23 juin. Cela fait du brevet le diplôme le plus important, par le nombre de candidats, en France. C’est toute une génération qui passe le brevet, ou plutôt les brevets, puisqu’à la sortie du collège « unique » un tri est déjà fait entre les candidats au diplôme « général » (757 446) et ceux du brevet « professionnel ».
Les candidats passent trois épreuves : le français et les maths le 23 juin, l’histoire-géographie le lendemain. La grande nouveauté c’est que les lauréats à cette dernière édition du brevet ancien style auront droit à une remise de diplôme au sein de leur ancien collège. C’est évidemment une façon de ritualiser l’examen et ainsi de lui trouver une utilité.
Aujourd’hui un examen qui n’évalue rien
Car ce vieux brevet cumule les casseroles. D’abord l’inégalité sociale de réussite. Si tous les enfants de milieu très favorisé sont reçus (97%), on compte trois fois plus de refusés (22%) chez les jeunes de milieu défavorisé.
Mais la vraie absurdité de cette dernière version de l’examen c’est son mode d’évaluation. Pour obtenir le brevet il faut à la fois valider le socle commun et obtenir une moyenne générale de 10 à des épreuves en contrôle continu et en évaluation finale. Pratiquement tous les jeunes valident le socle sans qu’on sache trop comment. Car au brevet 2014, selon une évaluation de la Depp, la moyenne des candidats en maths était de 8.5 et en français de 8.6. Deux candidats sur trois avaient moins de la moyenne à l’épreuve de maths et 4 sur 10 en français. C’est finalement le contrôle continu qui donne l’examen.
Comment des candidats faibles dans les compétences en français et maths peuvent-ils valider le socle ? Comment peuvent-ils être faibles le jour de l’examen et moyens ou bons le reste de l’année ? Ces résultats interrogent bien plus que la valeur de l’examen qui semble, dans son état de 2016, n’être plus qu’un diplôme d’établissement grimé en diplôme national. Or on sait bien que des écarts de niveaux énormes existent entre les établissements.
Un diplôme d’établissement grimé en examen national
La nouvelle version de l’examen remet-elle les pendules à l’heure ? En 2017, le contrôle continu sera enfin rattaché à la validation du socle. Les candidats passeront encore un examen associant des épreuves terminales à ce nouveau contrôle continu. Le ministère n’a pas réussi à choisir entre une simple validation du socle ou un examen final. Il a à nouveau associé les deux dans un montage étonnant.
Car tout candidat ayant validé le socle partira avec suffisamment de points pour que l’examen final soit une formalité (il aura 320 points minimum sur 350). Finalement ce sont les élèves les plus faibles, ceux qui n’auront pas validé le socle, dont le succès dépendra d’épreuves terminales restées très classiques.
Une note de la Depp sur le brevet 2015 a montré qu’avec l’examen ancien style tous les candidats ayant 11 au contrôle continu ont systématiquement le brevet. Là dessus le nouveau brevet ne changera rien de fondamental.
Un examen pour désigner les plus faibles ?
Mais ce qu’a mis aussi en avant la Depp c’est les écarts entre établissements. 500 collèges (sur 7000) surnotent leurs élèves de façon massive (écart d’au moins 3.5 points). Dans 90% des cas il s’agit de collèges publics d’éducation prioritaire.
Dans le système concurrentiel français, en l’absence du repère national que pourrait être l’examen, les établissements de l’éducation prioritaire sont incités à adapter leurs exigences à leurs élèves. Là dessus le nouveau brevet n’apporte pas de réponse sauf à penser que le passage à une validation des compétences qui n’est pas identifiée à un diplôme va régler le problème.
On peut d’autant plus voir là un certain désintérêt pour les jeunes de ces établissements qu’à l’heure actuelle personne ne sait ce qui sera prévu pour les jeunes n’ayant pas validé le socle et qui seront en lycée.
Demain comme aujourd’hui, le brevet est un diplôme d’établissement, qui ne sert à rien, sauf à désigner les plus faibles qui sont pour le reste les plus défavorisés. Bon courage aux candidats !
François Jarraud