Par Julien Cabioch
@vivelesSVT
Comment intéresser les lycéens à l’étude de la qualité des sols ? Agnès Candiotti, professeur de SVT à la cité scolaire Brocéliande de Guer (56) propose à ses élèves de 2nde de prélever eux-mêmes des vers de terre dans leur lycée. S’ensuit un comptage et une détermination des différentes espèces. Ce travail effectué en partenariat avec l’Observatoire Participatif des Vers de Terre en lien avec l’université de Rennes 1, le CNRS et le Muséum National d’Histoire Naturelle s’intègre parfaitement avec les notions exigibles en 2nde. Agnès Candiotti nous explique le protocole « moutarde » et nous livre ses conseils pour mener à bien la démarche.
Qu’est-ce que l’observatoire participatif des vers de terre ?
L’OPVT est une démarche de science participative mise en place par le laboratoire de recherche ecobiosoil de l’Université de Rennes. Elle vise à faire prélever, par toute personne volontaire, des vers de terre sur le territoire français. Cela peut être dans la pelouse du lycée ou dans le jardin de mamie. Ces vers sont ensuite dénombrés et classés avant d’être évidemment relâchés. L’objectif principal est de contribuer à mieux connaître la répartition de ces bio-indicateurs de la qualité des sols en France.
Comment les lycéens prélèvent-ils les vers de terre ? Qu’est-ce que le protocole moutarde ?
En seconde, les lycéens disposent de1h30 pour s’organiser par groupes de 3 ou 4 afin de sortir prélever leurs vers dans 1m² de pelouse, puis les identifier et les dénombrer. Ils suivent le protocole Moutarde, c’est-à-dire que le sol est arrosé avec de l’eau moutardée qui irrite la peau des vers de terre, les faisant donc remonter à la surface. Une fois les vers de terre sortis, il ne reste plus qu’à les rincer dans de l’eau, les déterminer et les compter.
Comment les résultats sont-ils ensuite exploités ? Conservez-vous les lombrics en classe pour une observation ultérieure ?
Dans le cadre de la démarche participative, le but est d’entrer sur le site internet de l’OPVT les données obtenues. En classe, la séance suivante, nous comparons les données obtenus pour les différents réplicas (3 ou 4 carrés de prélèvement). D’une part, nous réfléchissons sur l’utilité de faire des réplicas en science et d’autre part, en cas de grandes disparités dans les résultats, nous cherchons une explication : peut-être que les deux zones ne bénéficient pas du même ensoleillement, etc.
Comment avez-vous intégré cette étude des vers de terre dans votre progression en 2nde ?
Le prélèvement des vers de terres est un volet de l’étude de la biodiversité d’un écosystème (thème 1). En parallèle, nous étudions les caractéristiques physiques et chimiques du sol. Cette étude nous permet d’enchaîner directement sur la notion du sol, patrimoine fragile à préserver (thème 2).
Il m’est arrivé de conserver certains vers pour les placer dans un terrarium et le ressortir, à la grande surprise des élèves, quelques mois plus tard pour observer l’impact de leur activité sur le travail du sol. Pour cela, je prévoyais deux terrariums contenant des « couches horizontales », c’est-à-dire une alternance de terres de couleur différente, de couches de feuilles, etc. Les deux étaient bien humidifiés mais l’un servait de témoin tandis que l’autre accueillait les vers de terre. Pour obtenir des galeries bien observables, il suffit de placer un gros récipient au centre du terrarium (idéalement un autre bac plus petit) de telle sorte que les vers soient obligés de circuler en périphérie, traçant des galeries le long des parois. Les vers fuyant la lumière, je vous conseille de garder ce terrarium dans la pénombre afin de privilégier leur circulation près des vitres.
Vous allez également à la station biologique de Paimpont avec vos lycéens. Comment s’organise cette demi-journée ? Que font les élèves ?
Cette année, nous avons monté avec Régis Supper, l’animateur scientifique de la station, une matinée de terrain répartie en 3 ateliers tournants. Le premier consistait à étudier les caractéristiques physiques et chimiques des milieux constituant l’écosystème (sol, air et eau de l’étang). Les élèves utilisaient, avec l’aide du professeur de physique chimie, des sondes à O², des PHmètres, luxmètre etc.
Le deuxième consistait à étudier les invertébrés de l’étang : les élèves pêchaient des êtres vivants à l’aide d’une épuisette, puis les identifiaient à l’aide de clés de détermination. Ils en choisissaient un pour faire un dessin d’observation et cherchaient des bio-indicateurs de la qualité de l’eau pour faire le lien avec le degré de pollution de l’étang et l’influence de l’humain sur la biodiversité.
Le troisième atelier était consacré au protocole moutarde pour prélever les vers de terre. Nous avons eu la chance de bénéficier de l’encadrement de deux ingénieurs de l’équipe de recherche d’ecobiosoil.
Quels conseils donneriez-vous à un enseignant de SVT en 6ème ou 2nde qui souhaite se lancer dans cette démarche ? Des écueils à éviter ?
Le prélèvement des vers de terre est très facile à faire en 1h30. Toutes les informations (liste du matériel nécessaire, protocole détaillé et illustré ainsi que des clés de détermination) sont fournies dans le protocole trouvable facilement en ligne. Le meilleur moment pour faire ces prélèvements se situe entre octobre et mars, cette période correspond au pic d’activité des lombriciens dans le sol.
Il faut faire attention à planifier les endroits où vous prélevez les différents groupes, surtout si la pelouse du lycée n’est pas très grande et que plusieurs classes suivent le protocole la même semaine! En effet, on ne peut pas prélever deux fois de suite au même endroit, et la zone autour du m² prélevé est bien piétinée par les élèves. Enfin, je conseille de bien garder les données brutes sous formes de tableaux afin de les exploiter à la séance suivante.
Entretien par Julien Cabioch
Site EcoBioSoil
https://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/
Guide des vers de terre
https://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/e107_files/downloads/OPVT_Determiner_les_Vers_de_Terre.pdf
Comment le programme de SVT de seconde peut-il s’inscrire dans un projet presse ? 34 lycéens du lycée Gabriel Voisin de Tournus font un travail d’enquête journalistique en lettres et en SVT. Ce projet est piloté par Fabienne Coquet, professeure-documentaliste, Catherine Bon, professeure de lettres et Karine Laboureau, professeure de SVT. Comment les élèves élaborent-ils leurs interviews ? Quels sont les sujets choisis par les lycéens ? Rencontre avec cette équipe d’enseignants qui ouvre les portes du lycée aux professionnels de la presse tel le caricaturiste Placide.
« Depuis cinq ans, nous travaillons sur la presse avec une classe de seconde », nous dit K Laboureau. « Chaque année, les thèmes proposés aux élèves et les productions finales varient : rédaction d’articles, de mini-journaux dans le cadre de concours de presse, réalisation d’interviews ou de reportages filmés. Les thèmes abordés ont évolué : les métiers d’art, les industries locales, les atouts de la ville de Tournus et le développement durable. Le projet est conduit sur cinq mois de l’année scolaire et doit aboutir à l’impression d’un vingt pages au mois d’avril ».
Quels sont les thèmes retenus cette année ? Comment s’organise le travail pendant l’année ?
Cette année, nous avons choisi d’axer le contenu sur le programme de SVT et d’élaborer des sujets ensuite proposés aux élèves : le moustique tigre à Tournus. Quels sont les dangers des régimes alimentaires ? Les insectes, aliments de demain ? Quel avenir sans les abeilles ? Le Nutella, une menace pour la biodiversité ? Le phénomène El Niño.
Les 34 élèves de seconde travaillent par groupe de deux au rythme d’une heure en demi-classe tous les 15 jours. Depuis le mois de décembre, ils ont choisi leurs sujets, mené des recherches dans la documentation scientifique du CDI et sur internet, trié et sélectionné les données. A cette étape du travail, l’enseignante de SVT a aidé les différents groupes à préciser leur problématique. Au mois de janvier, une intervention de Nathalie Barbery, responsable du CLEMI de Dijon, a permis aux élèves de comprendre et de maîtriser les règles de l’écriture de l’article de presse.
Quelques mots sur les exercices d’écriture réalisés en Lettres. Comment les lycéens abordent-ils les sujets ?
La professeure de lettres a insisté sur le style propre de l’écriture journalistique. La difficulté majeure rencontrée par les élèves est d’établir des contacts pertinents pour réaliser des interviews d’autant plus que certains sujets sont de portée très générale. Contactés par internet, certains spécialistes ne donnent malheureusement aucune suite au courrier des élèves. Chaque texte doit être illustré de manière la plus personnelle possible par une photo ou un dessin. C’est la raison pour laquelle nous avons invité un dessinateur de presse, Placide, à présenter son travail et « les ingrédients qui font la qualité d’un dessin ».
La rédaction s’achève, chacun doit mettre en page et finaliser son travail. Dans ce cadre, les élèves apprennent à utiliser au CDI un logiciel de PAO pour mettre en valeur leur production. Il reste encore à coordonner les différents articles, à réfléchir à la charte graphique de l’ensemble et à élaborer la Une, le sommaire, l’édito, l’ours et une dernière page dessinée.
Les lycéens rencontrent aussi des professionnels de la presse : le caricaturiste Placide, un photographe et un journaliste. Le Clémi a assuré une formation pour votre classe presse. Comment se sont déroulées ces rencontres ? Quels sont les retours des élèves ?
En dehors de leur travail de journalistes, les élèves rencontrent des professionnels de la presse : le caricaturiste Placide mais aussi un photographe de presse, un journaliste réfugié politique ainsi que Philippe Oudot de l’Institut Lumière de Lyon. Grâce à cette intervention, les autres élèves de seconde sont aussi sensibilisés aux médias d’information dans des ateliers d’analyse de la publicité et de l’information télévisuelle.
Nous avons quelques avis d’élèves : « ce projet apporte un regard critique sur le monde qui nous entoure et nous permet de connaître la démarche à suivre pour écrire un article. » Carla et Maëlyssa « Les thèmes ne sont pas super intéressants mais cela nous prépare aux TPE de première. » Maxime et Maëva « Travailler sur la presse est plutôt intéressant mais ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Rien que le choix du sujet devient vite problématique et une fois trouvé, il faut déterminer un angle. L’organisation en groupes peut vite devenir chaotique car la répartition des tâches crée des tensions. Mais c’est un excellent exercice pour nous préparer à travailler plus tard en équipes. » Emeline
Propos recueillis par Julien Cabioch
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