Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Quel a été ton parcours de carrière depuis la fin de tes études jusqu’à ce jour ?
J’ai obtenu mon concours en 2000 et après une année en tant que professeur stagiaire à La Rochelle, j’ai obtenu un poste dans le sud de la Charente Maritime, faisant fonction de directrice sur une classe de CM1-CM2 dans une petite école 2 classes d’un RPI. J’y suis restée 2 années puis je suis revenue sur La Rochelle. Pendant deux ans, j’ai été sur des postes provisoires (décharge de maîtres formateurs puis adjointe en cycle 3).
Par chance (poste à profil habilitation anglais), j’obtiens pour la rentrée 2005 un poste d’adjointe de cycle 3 à titre définitif sur une école 9 classes non loin de La Rochelle.
Je n’ai jamais plus changé d’école jusqu’à ma démission. Par contre, j’ai souvent changé de classes tant d’un point de vue du niveau que de la localisation. J’ai commencé dans une classe de CE1/CE2 dans un préfabriqué, puis un CE2, un CE2-CM1. Enfin, j’ai tenté une année en cycle 2 avec un CE1 où j’ai changé de site car l’école à l’époque comportait deux lieux différents. Enfin l’année suivante, j’ai pu poser mes valises dans une classe. Entre les changements de direction, les départs en retraite et les postes réservés pour les sortants, l’équipe avait souvent du mal à se stabiliser mais les deux dernières années ont été beaucoup plus stables et je n’ai guère changé de niveau, passant de CE2 à CM1 pour finir avec un CE2-CM1.
En 2012-2013, j’ai eu la chance d’être en congé formation. J’ai suivi une année de psychologie à distance à l’université de Paris 8.
Pourquoi étais-tu devenue enseignante ? Et qu’est-ce qui t’a incitée à en repartir ?
J’ai été décidée très tôt sur cette voie. Sortie de lycée c’est ce que je désirais faire.
Pour des raisons d’ordre personnel, j’ai suivi une année en première année de BTS en région parisienne.
J’ai ensuite fait mes études universitaires à La Rochelle, en histoire. Je voulais absolument obtenir une licence pour entre à l’IUFM.
Je me sentais vraiment une vocation à enseigner auprès des enfants.
J’ai adoré faire mon métier même si j’ai rarement été très satisfaite de moi. C’est comme s’il y avait toujours quelque chose qui me faisait penser que je n’étais pas douée ou bonne pour ça, malgré ma bonne volonté, malgré mon envie de bien faire.
Plusieurs choses ont motivé mon départ. Tout d’abord ça fait 5 ans maintenant que j’ai débuté des formations dans le domaine de la psychothérapie et donc 5 ans que je suis en train de préparer un autre métier. Ensuite, j’ai pris de moins en moins de plaisir à l’école : perte d’énergie, fatigue, démotivation, perte de créativité, sensation d’être sous pression.
Pour moi, il est devenu évident que je n’étais plus à ma place.
Quelles compétences penses-tu avoir développées dans ce métier ?
Tout d’abord des compétences humaines et relationnelles : l’écoute, la coopération, la capacité à communiquer, l’observation, la prise de parole en public.
En tant qu’enseignante, j’ai également appris la gestion de groupe, la gestion de conflits, la transmission de savoirs et savoirs faire. J’ai appris à enseigner avec du lâcher prise et sortir des carcans.
Et puis, parce que j’ai toujours reçu un minimum de formations, j’ai aussi développé des connaissances dans de nombreux domaines : connaissances techniques avec l’informatique, culturelles, intellectuelles.
Quels projets avais-tu en tête pour partir et lequel as-tu mis en oeuvre et comment ?
J’ai eu envie de créer mon auto entreprise en tant que thérapeute familiale et thérapeute dans la relation d’aide.
Je me suis retrouvée arrêtée après les vacances de la Toussaint car en grand besoin de recul dans ma vie pour prendre des décisions. J’étais à ¾ temps depuis septembre dans le but de faire un cumul d’activités pour commencer à développer ma nouvelle activité. Je n’ai jamais pu prendre le temps de m’investir dans les deux métiers en même temps. Je crois que c’est une question de contexte de vie (j’élève presque à temps plein mes deux enfants) et de personnalité aussi.
Il n’était pas possible pour moi d’assumer financièrement une mise en disponibilité ou un mi-temps.
Pour moi, il devenait clair qu’obtenir une IDV pouvait me permettre de me consacrer pleinement à mon nouveau projet et je savais au fond de moi que de toute façon je finirai par quitter l’éducation nationale.
J’ai donc d’abord fait des démarches auprès d’Aide aux Profs pour avoir une première idée du montant auquel je pouvais prétendre et savoir comment faire mes démarches. J’étais déjà adhérente d’Aide aux Profs depuis au moins 2 ans. Donc j’avais déjà récolté des infos, lus des témoignages et assisté au colloque du 6 mai 2015 sur l’entrepreneuriat. Tout ça a participé aussi à murir ma décision et à surtout prendre conscience du fait que vraiment je n’arrivais plus à m’épanouir en tant qu’enseignante.
Dès lors, j’ai profité de mon arrêt pour faire mes démarches administratives. J’ai d’abord contacté la DSDEN pour obtenir un moment. J’ai rencontré mon Inspecteur de circonscription qui m’a soutenu dans ma démarche et qui a appuyé le caractère urgent de ma demande.
En effet, l’IDV étant calculée sur l’année précédente, il était évident que j’allais perdre sur le montant en démissionnant en 2016 car j’étais à temps partiel depuis septembre.
La DSDEN m’a communiqué deux montants selon si je pouvais prétendre au montant maximum ou minimum de l’indemnité. En fait, il s’avère que j’ai dû adresser ma demande au rectorat qui est le seul à donner le montant précis de l’IDV.
J’ai obtenu une réponse précise sur ce montant rapidement étant donné le caractère urgent. Nous étions en décembre et je devais savoir si j’adressais ma démission avant la fin 2015 ou si je retardais en 2016.
Je perdais 2000,00 € sur l’IDV en démissionnant en 2016… je n’avais donc aucun intérêt pour ma part à retarder… j’avais décroché avec mon arrêt et commencé à être dans des démarches professionnelles (rencontres, accompagnement en thérapie, élaboration de cartes de visite…) donc pas d’envie à reprendre la classe avec le cœur et la tête ailleurs. On m’a proposé un montant de 29 494,39 € avec 15 ans d’ancienneté.
Tout s’est joué in extremis avant les vacances de Noël. J’ai obtenu une réponse officieuse de mon Inspecteur qui me disait d’envoyer en urgence ma lettre de démission en recommandé par voie hiérarchique.
A partir du 1er janvier 2016, j’avais donc quitté l’Education Nationale, et la DSDEN s’est donc chargée de nommer quelqu’un pour me remplacer et finir l’année.
Quelle est ton activité aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis donc thérapeute familiale et thérapeute en relation d’aide. J’accompagne en séance individuelle mais aussi des séances familiales. Je suis aussi en train de finaliser ma formation en constellation familiale.
Je suis formée en systémie et Programmation Neuro-Linguistique (PNL). Ma particularité est d’accompagner une personne en l’aidant à se connecter à ses ressources personnelles mais en lien avec son héritage familial. Pour cela, j’accompagne par divers outils une personne à faire du tri dans son héritage (histoires familiales, croyances, missions…) l’aider à se libérer de ce qui pourrait l’handicaper, la limiter tout en stimulant les ressources positives.
Je travaille donc sur du transgénérationnel.
Ensuite, avec la PNL, j’accompagne aussi des personnes en thérapies brèves, sur des problématiques très ciblées.
A côté de ça, j’ai également le projet de développer des stages en développement personnel : gestion de conflit, mieux communiqué, prise de parole en public.
J’aime aussi la dynamique de groupe.
D’ici un an peut être, j’espère pouvoir proposer des stages en constellations familiales.
Il faut également pouvoir s’investir financièrement dans des formations. Mais ce genre de formation s’étale dans le temps et j’ai commencé ma première formation il y a 5 ans alors que j’avais mon salaire d’enseignante. Cela fait plusieurs années que je ne suis pas partie en vacances et que je n’ai pas offert de vacances à mes enfants, mais c’est un choix aussi et en lien avec un contexte personne de séparation. Il faut compter au minimum 200,00 € pour 2 jours de formation et c’est un minimum !
La situation financière est propre à chacun tout autant que notre rapport à l’argent.
A côté de ça, devenir thérapeute a impliqué pour ma part un travail sur moi, qui soit dit au passage avait débuté bien avant… Donc j’ai toujours investi aussi de l’argent dans ma propre thérapie et j’en investi encore professionnellement en participant à des supervisions.
Je n’ai jamais chiffré l’investissement financier et chiffré l’investissement en temps non plus.
J’ai envie de dire : quand on aime, on ne compte pas !
Quant au plaisir que je trouve en faisant ce métier, il est tout simplement énorme. Je me sens à ma place, compétente et reliée à ma créativité, ce qui me manquait beaucoup. Je suis passionnée par ce que je fais, et quand je le fais, je me sens vivante et complètement dans ma mission de vie.
Les inconvénients sont en termes de sacrifice que l’on fait sur d’autres plaisirs… Pour l’instant, j’ai renoncé à certaines choses car je ne gagne pas encore ma vie dans ma nouvelle activité, ça ne fait que démarrer. Mais à mon sens tout est une question d’acceptation et de savoir pourquoi on fait les choses.
Que conseillerais-tu à un enseignant qui souhaite créer son activité en autoentrepreneur ?
Je lui conseillerais de se faire épauler par « Aide aux Profs » en tout premier lieu, et juste de sentir s’il pense être à la bonne place pour lui. Pour contacter « Aide aux Profs », c’est sur leur pôle de conseil en évolution professionnelle : www.apresprof.org
Entre avant et maintenant, quelles ont été les répercussions (positives ou négatives) dans ta vie personnelle de ce changement professionnel ?
J’ai plus d’énergie ! Je me sens à ma place, et ça, ça n’a pas de prix ! J’ai des moments de doute aussi mais je crois que cela fait partie du challenge de l’entrepreneur… Tout n’est qu’expérience et il faut faire ces choix en étant prêt à assumer toutes les conséquences de ces choix, les bonnes comme les mauvaises… en tout cas, c’est ce en quoi je crois… car de toute façon, personne ne sait de quoi demain sera fait, alors l’essentiel c’est d’être en accord avec soi-même.
Je n’ai aucun regret sur ma décision et surtout mon ancien travail ne me manque absolument pas… donc c’est positif même si j’ai beaucoup à construire et que je fais face parfois à des peurs.
Le mercredi 15 Juin 2016 aura lieu le 3e Colloque annuel d’Aide aux Profs qui célèbre les 10 ans de son existence et de son développement, sur le thème : « Le potentiel opérationnel des compétences des enseignants : de la compétence pratiquée à la compétence transférée. » A vos agendas, les réservations sont ouvertes !
http://www.apresprof.org/notre-actualite/nos-colloques/
Sur le site du Café
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