Par François Jarraud
- L’EMC introduit de l’école au lycée dans la confusion
- Pratiques : « Dont Laïk ». Après Charlie, étudier le rap pour travailler sur la laïcité
- Un B.O. spécial pour la lutte contre le racisme
- Le CNESCO dévoile « une éducation civique de façade »
La philosophie n’a vraiment pas de chance. Mercredi 17 juin, l’Éducation nationale diffusait elle-même les sujets avant l’heure limite mettant en danger l’épreuve. Quatre jours plus tard, le ministère supprime carrément la philosophie en séries ES et L à l’occasion de la publication des nouvelles grilles horaires incluant l’Éducation morale et civique. L’Éducation morale et civique entre ainsi à la rentrée 2015 de l’école au lycée dans une confusion encore jamais vue. La ministre semble trahie par ses services.
Introduction d’un coup de l’école au lycée
C’est une quinzaine d’arrêtés publiés au Journal Officiel du 21 juin qui introduisent l’Éducation morale et civique d’un seul coup de l’école au lycée dès la rentrée 2015. A l’école, comme au collège, comme au lycée, y compris au lycée professionnel, le nouvel enseignement est obligatoire à tous les niveaux dès la rentrée 2015. En général il se substitue à l’horaire de l’instruction civique ou de l’ECJS. Seul le bac hôtellerie déroge : son introduction s’étale sur 2 années et est accompagnée d’un horaire supplémentaire dont le moyens sont pris sur la dotation existante. En hôtellerie -restauration, l’EMC est introduit sur 3 années. C’est à l’école que l’EMC pèse le plus sur les autres disciplines. Au cycle 2, les enseignements artistiques perdent 9 heures annuelles. Au cycle 3, 6 heures sont prélevées sur les enseignements artistiques et 6 sur les sciences.
Un acte politique
Ce passage en urgence reflète l’atmosphère qui suit les attentats de janvier. On attend de cet enseignement la transmission des valeurs de la République et une sorte de barrage contre les déviances idéologiques. Mais il tient aussi à la volonté politique d’installer le changement avant les élections de 2017. Ainsi la ministre a également décidé d’appliquer les nouveaux programmes du collège à tous les niveaux d’un seul coup à la rentrée 2016.
Qui met les enseignants et les élèves en mission impossible
Dans le cas de l’EMC, la décision de le mettre en place à la rentrée précède de peu la publication des programmes qui devrait avoir lieu le 25 juin. Autrement dit les enseignants auront les congés d’été pour prendre connaissance des programmes, les étudier isolément et préparer les cours pour tous les niveaux d’un seul coup. Il le feront aussi sans manuels. Ceux ci ne devraient pas être disponibles avant 2016. On est là dans des conditions extrêmes de fonctionnement. Instituer par circulaire d’un coup un enseignement totalement nouveau sur 12 années d’enseignement en 2 mois sans manuels, c’est du jamais vu ! Aussi les syndicats d’enseignants unanimes avaient demandé de façon unanime un report de cet enseignement à la rentrée 2016 lors du CSE du 3 juin. Encore une fois, ils ne sont pas écoutés par la ministre.
Une boulette mémorable
Une autre innovation s’est faite jour le 21 juin que le Café pédagogique a été le premier à révéler. Dans sa hâte à publier les textes officiels, des erreurs énormes se sont glissées dans les grilles horaires. Le ministère a carrément supprimé l’enseignement de la philosophie en terminale L et ES. En série L elle représente quand même 8 heures de cours chaque semaine. En série S c’est l’histoire-géographie que l’arrêté signé par F Robine a fait disparait en première. En début d’après midi, l’entourage de la ministre annonçait que c’était une erreur qui serait rectifiée.
Les profs scandalisés
Toute la journée les enseignants ont échangé sur Twitter et sur le groupe Facebook du Café pédagogique sur cette situation inédite. « Comment préparer cela, y a-t-il un programme », demande Florentin sur Facebook. « L’horaire est ridicule par rapport aux promesses du gouvernement après les attentats », estime Grégory. « Faire un coup pareil en juin, ça va pas ! », déclare Claude.
Mais c’est l’annonce de la suppression des deux disciplines qui suscite évidemment le plus de réactions. « Ils sont vraiment nuls », déclare une enseignante. « Combien de correctifs pour noyer le poisson de ces incompétents », interroge une autre. On navigue entre ironie, colère et inquiétude. Certains y voient une volonté d’affaiblir les humanités. La nouvelle discipline chargée de transmettre les valeurs de la République tourne à la farce.
François Jarraud
Les arrêtés publiés au JO :
Programmes du lycée
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753481&d[…]
Série Techniques de la danse
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753498&d[…]
Programmes école et collège
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753506&d[…]
Programmes lycée
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753539&d[…]
Programmes Stmg St2s
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753546&d[…]
Programmes STI STL
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753567&d[…]
Bac pro
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753579&d[…]
Horaires bac pro
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753637&da[…]
CAP
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753591&d[…]
Horaires CAP
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753623&d[…]
Hôtellerie restauration
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753611&d[…]
Hôtellerie
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753616&d[…]
Hôtellerie
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753671&d[…]
Écoles
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753655&d[…]
Horaires collège
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030753662&d[…]
Le CSE du 3 juin
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/06/04062015Article635[…]
Et les programmes au B.O. spécial du 25 juin
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?pid_bo=32675
L’EMC dans quelles conditions ?
Avec la parution au BO du 25 juin 2015 des programmes officiels de l’Éducation morale et civique, les enseignants se voient tenus d’engager dès la rentrée 2015 l’enseignement de notions complexes qui touchent à des domaines sensibles. Elles relèvent pour la plupart du registre de la réflexion philosophique et demandent à ce titre une appropriation et un recul critique qui ne s’improvisent pas. Rien d’insurmontable, mais des contenus difficiles à maîtriser sur l’instant. L’horaire imparti en relativise l’impact (0h30 hebdo en collège et lycée) mais contraste fortement avec l’ampleur des programmes annoncés. Quelles seront les conditions réelles de cet enseignement ?
Une demande de report au terme de la consultation
Un premier projet, produit par le CSP en juillet puis décembre 2014, a fait l’objet d’une consultation, conduite par les rectorats pendant une période de quatre semaines, en janvier 2015. Dans le contexte sensible des suites de l’attentat contre Charlie Hebdo, les contributions du terrain ont été « substantielles et étayées » selon les termes du rapport de synthèse publié par le ministère. Le même rapport témoigne de « nombreux points de vue divergents, de débats intenses au sein du monde éducatif, à la fois sur des questions de contenus mais aussi sur la posture du professeur, la relation avec les familles, les attentes de la société à l’égard de l’école. » On ne saurait mieux dire la difficulté de la mise en œuvre coordonnée et équilibrée de ce programme. Certaines instances (associations de professeurs, syndicats) préconisaient le report du projet à la rentrée 2016. Le ministère a choisi de s’en tenir à la date prévue initialement.
L’APPEP avoue sa « consternation »
L’APPEP (association des professeurs de philosophie de l’enseignement public) exprime sa « consternation » à la publication du programme : elle constate que le programme du lycée « est identique au projet présenté en décembre 2014 » et ne tient pas compte des apports de la consultation. Elle craint que sa mise en œuvre dès la rentrée 2015 ne mette en difficulté les professeurs amenés à l’enseigner, en ne leur laissant pas le temps d’une préparation concertée. Les professeurs de philosophie, « qui abordent régulièrement en cours les thèmes au programme de l’EMC, prendront au sérieux ce nouvel enseignement », dit encore l’APPEP, mais elle demande aussi « que l’année scolaire 2015-2016 soit officiellement considérée comme une année transitoire », autant pour les pratiques d’enseignement que pour la répartition entre les disciplines.
Rendre à l’enseignement de la philosophie…
Le site philosophie du SNES avait déjà réagi à la proposition de programme, en février 2015 : il mettait en garde contre la disparition progressive des horaires dédoublés, en particulier pour les séries S et technologiques. Cette restriction compromet la possibilité « d’aborder les questions politiques, éthiques et religieuses de façon philosophique, c’est-à-dire critique et argumentée » en classe de philosophie, où ils figurent déjà au programme. Le site du SNES s’alarmait également de la disparition des thèmes d’ECJS « Argent et société » et « Violence et société » qui permettaient entre autres d’interroger les rapports entre « Finance et éthique » et « Violence et travail » dans le monde contemporain.
Morale ou politique ?
Pour le SNES, privilégier la dimension morale par rapport à la dimension politique, dans la formation à la citoyenneté, laisse craindre qu’on se satisfasse « de simples leçons de morale ».
Risque d’autant plus grand qu’en philosophie, le questionnement permanent des valeurs et des idées contre toute prévalence idéologique, peut entrer en collision avec les convictions, les croyances ou les préventions d’ordre privé. « L’opinion parfois hostile que nous avons à interroger en tant qu’enseignant, ne doit pas servir de prétexte administratif à une présomption de culpabilité », rappelle le SNES, qui entend que le cadre légal de la liberté pédagogique ne se restreigne pas comme peau de chagrin au prétexte de ménager les sensibilités particulières.
La pression de l’actualité, les échéances politiques, l’injonction de tenir le calendrier des engagements de la refondation, tout concourait à la publication rapide du programme d’EMC prévu pour la rentrée 2015. Ce nouveau dispositif comme d’autres auparavant, trouvera sans doute ses marques dans la mise en œuvre de terrain. Mais les ajustements in vivo risquent cette fois de ne pas aller sans heurts. L’institution, pour gagner ce défi, aura tout intérêt à soutenir et à protéger ses enseignants dans les difficultés qu’ils vont rencontrer.
Jeanne-Claire Fumet
Les programmes au BO
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?pid_bo=32675
Les résultats de la consultation
http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/events/programmes-dens[…]
Le communiqué de l’APEP
http://www.appep.net/communique-sur-le-programme-denseignement-moral-et-civique/
Sur le site philosophie du SNES
http://www.snes.edu/l-ECJS-s-ecrira-desormais-avec-un.html
Qui enseignera l’éducation morale et civique ?
L’APHG défend la place des professeurs d’histoire-géo dans l’enseignement moral et civique. « Écarter les professeurs d’Histoire-Géographie serait une erreur gravissime et dangereuse à court et long terme. Contrairement encore une fois à nos détracteurs, à certains syndicalistes hostiles à nos disciplines… et à des hauts fonctionnaires du Ministère… nous contribuons à la formation du citoyen. Brandir les compétences sans savoir mènera à de cruelles désillusions. Est-il possible de connaître et de comprendre le christianisme ou le judaïsme sans un savoir bien maîtrisé et constamment repensé à des fins pédagogiques ! Le vivre ensemble ne doit pas être un contenu vide. »
C’est que d’autres disciplines sont aussi intéressées par cet enseignement : la philosophie ; les SES ; l’EPS et l’éco-gestion se positionnent également. « Toutes les disciplines permettent l’enseignement moral et civique », écrit le Snep, qui représente les professeurs d’EPS. « Les 4 dimensions qui lui sont données – sensibilité , règle et droit, jugement et engagement – sont présentes dans les activités enseignées en EPS ».
« Parce qu’on ne peut se contenter de discours incantatoires et moralisateurs sur le vivre ensemble, l’EMC ne devra pas ressembler à une nouvelle religiosité civile. Les élèves ont besoin de voir plus clair dans les multiples informations qu’ils reçoivent, de savoir examiner les problèmes auxquels ils sont confrontés. Ils ont besoin d’un recul critique, d’une élucidation conceptuelle et d’une compréhension réfléchie des principes ; cela seul permet de désarmer les querelles stériles et les enfermements identitaires », remarque l’Appep. « Le travail habituel des professeurs de philosophie consiste précisément, avec rigueur, patience et sérénité, à exercer les élèves à poser clairement les problèmes relatifs à la religion, au droit, à la morale, à la politique, à la technique, au vivant, à la culture ».
L’Apses, association des professeurs de SES, juge positivement le nouveau programme d’enseignement moral et civique (EMC) et les méthodes prévues pour sa mise en oeuvre comme le débat. Mais « nous nous interrogeons également sur la vision de la citoyenneté que cet enseignement risque de véhiculer. De la même manière qu’un enseignement de la religion doit choisir entre une histoire des religions et la promotion d’une religion, un enseignement moral doit choisir entre la tentation d’un catéchisme républicain – qui a toutes les chances d’être contre-productive – et une étude sociologique, anthropologique, historique de la diversité de la conception des morales et de la citoyenneté… Nous sommes persuadés que les sciences économiques et sociales peuvent jouer un rôle majeur en la matière, ne serait-ce que parce qu’elles interrogent les fondements des liens économiques, culturels et politiques des sociétés passées et actuelles. » L’Apses demande aussi la révision des programmes de SES pour permettre le débat en classe.
Site Apses
http://www.apses.org/initiatives-actions/communiques-et-courriers/article/l-[…]
Appep
http://www.appep.net/communique-de-lappep-sur-lenseignement-moral-et-civique/
APHG
http://www.aphg.fr/Indignation-et-colere-des
Quelle morale civique pour les élèves ?
Alors que l’on attend l’installation d’un nouvel enseignement de morale civique, dans Recherches sur l’éducation n°20, Géraldine Bozec (Université de Nice) donne un bon coup de projecteur sur les pratiques des esneignants du primaire en matière d’éducation civique.
« Un certain nombre de tensions entourent la construction de l’autonomie politique des enfants à l’école », explique-t-elle. « Les enquêtés se trouvent là confrontés aux incertitudes qui entourent le statut de l’enfant dans la société actuelle, comme aux tensions intrinsèques à la citoyenneté, tiraillée entre émancipation et obéissance politiques. Ils composent et bricolent au quotidien, à partir de leurs propres conceptions morales, politiques et professionnelles, et du contexte dans lequel ils enseignent ».
Partant d’un corpus de 30 enseignants dans 14 écoles, elle analyse leur conception de l’éducation civique et leurs pratiques. Et elle montre à quel point les opinions politiques de l’enseignant, ses valeurs, interfèrent avec son enseignement. Elee dégage ainsi 3 profils d’enseignants : une petite minorité catholique conservatrice qui voit dans l’éducation civique une éducation à l’obéissance. Une majorité d’enseignants voient au contraire dans cet enseignement un outil de développement de l’esprit critique et d el’autonomie. » La valorisation de l’autonomie du citoyen est en fait surtout à rapporter à un certain rapport, militant, au métier d’enseignant lui-même : le métier est investi d’un sens civique particulier. Une vision idéalisée du rôle professionnel est présente et prend appui dans les propos des enquêtés sur une longue tradition, celle de l’école républicaine : aujourd’hui comme hier, la tâche de l’enseignant est de forger l’autonomie des futurs citoyens ». Une troisième catégorie, minoritaire, a une vision plus individualiste de la citoyenneté. Ils ouvrent leur enseignement davantage à la morale et à l’épanouissement personnel.
Tous ces enseignants sont attachés au respect des règles. Mais les premiers enseignants font respecter les règles existants quand les seconds souhaitent que les enfants les construisent. Mais tous sont pris dans les contradictions de l’enseignement. » D’une classe à l’autre, les délibérations entre enfants ont toujours un double rôle, potentiellement contradictoire : il s’agit de laisser aux écoliers un droit à la parole, mais en les amenant à choisir et à défendre eux-mêmes les valeurs et les règles valorisées par les enseignants et l’institution scolaire plus globalement. Le statut de ces valeurs et de ces règles pose alors question : elles ne sont pas le fruit d’une élaboration propre des enfants, susceptible de prendre la forme d’une invention, voire d’une contestation de l’ordre scolaire existant ; elles renvoient à des normes préexistantes, que les enfants sont censés retrouver par eux-mêmes. Ce processus devient très clairement apparent dès lors que l’on examine plus en détail la manière dont certaines opinions enfantines acquièrent droit de cité dans la classe, tandis que d’autres sont découragées, de manière indirecte ou plus directe.’
Recherches en éducation n°20
http://www.recherches-en-education.net/IMG/pdf/REE-no20.pdf
L’enseignement moral et civique vu par l’enseignement catholique
» Le principe de laïcité doit-il impliquer le mutisme sur la dimension religieuse ? A mes yeux, la laïcité ne réside pas dans le déni ou le rejet du religieux, mais dans notre capacité commune à nous parler et à nous entendre … C’est une laïcité du consentement au réel, qui promeut à la fois la liberté de conscience et la liberté d’expression, dans le respect de tous et de chacun », a expliqué le 3 février Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique.
Pour l’enseignement catholique, » c’est clairement du côté de l’Egalité et de la Fraternité que l’Ecole doit faire porter ses efforts. » L’enseignement catholique évoque la mixité sociale. Mais il ne prend pas d’engagement sur ce terrain où son rôle est pourtant important dans les phénomènes de ségrégation.
L’enseignement catholique a mis en ligne ses ressources pour l’enseignement moral et civique. La CPE veut punir un élève qui n’a pas dénoncé des camarades faisant du trafic de cannabis. La prof d’EPS a mis une fille dans un groupe de garçons et les élèves harcèlent cette jeune fille. Voilà quelques unes des situations concrètes sur lesquelles l’enseignement catholique veut fonder son enseignement moral et civique. Les fiches sont concrètes et laïques. Elles abordent cet enseignement au niveau des élèves, sur des enjeux de valeurs et dans une pédagogie du débat. Ca mérite d’aller voir.
Site enseignement catholique
http://formation-morale.enseignement-catholique.fr/
L’école et les valeurs de la République, un vrai casse-tête
Comment transmettre les valeurs républicaines en classe ? En les enseignants en cours le lundi entre trois et quatre ? En faisant chanter la Marseillaise le Jour de la Laïcité ?… Après les grandes déclarations (1), les plans retentissants et les catalogues de mesures, on a envie de se poser. Et de prendre du recul. L’historienne Mona Ozouf, interrogée sur France Inter (2), et le sociologue Olivier Galland, signant une analyse sur le site Telos (3), ont, chacun à leur façon, porté cette semaine des regards éclairants.
« Il n’y a rien de moins limpide que l’idée républicaine »
D’abord, si l’on considère que l’école doit enseigner les valeurs républicaines, comment s’y prendre ? «Si je devais enseigner la morale laïque, je serais très embarrassée, a reconnu Mona Ozouf, interrogée lors de l’émission Interactive du 20 février, les enfants et les adolescents d’aujourd’hui sont insensibles aux prêches. Tout ce qui ressemble à des sermons ou même à des exposés didactiques les rebute». Pour l’historienne qui fut prof de philo, il faut avant tout chercher à capter les élèves: en élaborant des projets de classe, en évoquant des histoires et des récits de vie, afin que «les élèves ne soient plus condamnés à écouter». L’actualité aidant, on pourrait raconter la vie des 4 futurs «panthéonisés» en mai, a-t-elle suggéré, Pierre Brossolette représentant la liberté, Geneviève de Gaulle Anthonioz la fraternité, Germaine Tillion la liberté encore, et enfin Jean Zay la laïcité..
Mais que va-t-on enseigner exactement ? «Il n’y a rien de moins limpide que l’idée républicaine», a souligné Mona Ozouf , rappelant que tout le XIXè siècle avait été traversé de débats passionnés sur la place de la liberté et de l’égalité dans notre devise, et que le principe même de laïcité à l’école avait été suivi de décrets d’application très pragmatiques, rédigés par Ferdinand Buisson et Jules Ferry. «Les valeurs républicaines sont difficiles à penser et à accorder l’une avec l’autre», a poursuivi l’historienne. Elle a pris l’exemple de l’égalité, expliquant en substance: nous disons que nous sommes égaux alors que nous ne le sommes pas, mais nous le disons car cela nous sert comme «un tremplin pour le futur», comme «une idée permettant de progresser dans l’émancipation». Pas simple à expliquer en classe, dans le cadre du futur parcours de la citoyenneté annoncé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem.
Réponse sociale…
Quel est le sens d’enseigner des valeurs si, dans la réalité, elles ne sont pas respectées ? Peut-on espérer dès lors les faire partager ? C’est un argument qui revient souvent: comment parler d’égalité à des élèves convaincus que leur école est de second rang avec des profs non remplacés alors qu’en centre-ville ils le seraient tout de suite, et persuadés d’être, plus que les autres, promis à des filières courtes ? «La grande crise de l’école est qu’elle promettait une égalité de perspectives et d’horizons», et qu’elle ne tient pas ses promesses, a déploré Mona Ozouf. Ajoutant un sombre pronostic : «quand l’école n’est plus capable de produire de l’égalité, cela devient dangereux». L’historienne, elle-même fille d’instits, a rappelé le temps où les instituteurs clamaient fièrement : «dans nos écoles c’est l’égalité sur les bancs» …
Est-ce qu’on ne demande pas trop à l’école ? Là encore, c’est un serpent de mer. Pour Mona Ozouf, on lui assigne «des missions immenses», suscitant bien trop d’attente. Et on lui adresse des reproches injustifiés, comme celui, implicite, d’avoir renoncé à apprendre à lire et à écrire correctement aux enfants. Dans son analyse, Olivier Galland, le sociologue spécialiste de la jeunesse, estime, lui aussi, que l’on attend trop de l’école. Il pointe en plus un grand malentendu: l’école française, selon lui, ne se fixe pas pour mission première d’inculquer la citoyenneté, «ou alors il faudrait complètement refonder le métier enseignant». En France, rappelle-t-il, les profs sont formés à enseigner leurs disciplines – même si certains vont bien au-delà.
Ou apprendre à vivre en société ?
Et si on se trompait de cible ? Si la priorité de l’école, au lendemain des attentats, était ailleurs ? Ici, Olivier Galland tranche avec la plupart des commentaires et avec la ligne officielle. Pour lui, le diagnostic initial est faux. Citant des sondages, il assure que «la jeunesse, dans sa très grande majorité, n’est pas gagnée par un ethos antiautoritaire et un rejet des valeurs républicaines ». Au contraire, d’après lui. A côté d’une partie, minoritaire, de jeunes radicalisés, la tendance est «plutôt à un retour en force de valeurs «traditionnelles» comme l’autorité. Alors, toujours selon lui, les remèdes proposés – une certaine reprise en mains des élèves, inculcation de la morale laïque… – sont erronés. «Si l’école doit transmettre des valeurs, ce ne sont pas tant celles de la «République» ou de la «Laïcité», écrit-il, que celles, tout simplement, de la vie en société ». Ce qui suppose d’apprendre à débattre, à écouter l’autre, à respecter les avis divergents…
Le sociologue conclut en évoquant une mission faite récemment en Norvège avec l’OCDE, pour étudier des dispositifs en faveur des jeunes en difficulté. «Nous avons rencontré un chef d’établissement, écrit Olivier Galland, qui expliquait que des discussions étaient organisées périodiquement dans les classes autour de notions comme la patience, le courage, le respect, la coopération, l’honnêteté, la responsabilité, etc…, à partir d’exemples et de situations vécues par les jeunes eux-mêmes. «Nous les préparons pour la vie», avait conclu ce chef d’établissement.»
Véronique Soulé
Notes
1 Les grandes déclarations
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/2015/159_2.aspx
2 Mona Ozouf sur France Inter
http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1054853
3 Sur Telos
http://www.telos-eu.com/fr/societe/les-jeunes-et-les-valeurs-de-la-re[…]
Toutes les chroniques de V. Soulé
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/chroniquesVSoule.aspx
L’éducation à la citoyenneté pas si universelle que cela
L’enseignement de la citoyenneté n’est pas obligatoire dans tous les pays européens, révèle un rapport réalisé par le Sénat à la demande de Françoise Laborde, présidente de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public d’éducation. » Quelles que soient les spécificités de la terminologie utilisée, le système scolaire a, dans les sept cas étudiés, vocation à favoriser la citoyenneté », affirme le rapport. Mais » La dénomination de l’enseignement de « citoyenneté » est variée. L’enseignement de « citoyenneté » se dénomme « valeurs sociales et civiques » en Espagne ; « citoyenneté et Constitution » en Italie ; et « citoyenneté »au Royaume-Uni ».
« Si l’enseignement relatif à la citoyenneté constitue une matière autonome, dotée d’un certain nombre d’heures d’enseignement propres en Espagne (dans le primaire et le secondaire), au Royaume-Uni pour les élèves de 11 à 16 ans et en Suède, il n’est qu’à l’état de projet dans la Fédération Wallonie-Bruxelles où l’on envisage de créer une heure de « cours de citoyenneté » spécifique. Cet enseignement se trouve, dans les autres cas, intégré à une autre discipline scolaire telle que le cours d’« éducation sociale et civique », l’histoire et la religion en Bade-Wurtemberg, l’histoire-géographie en Italie, ou encore le programme d’« éducation personnelle, sociale, sanitaire et économique », à la discrétion des écoles primaires au Royaume-Uni ».
Le rapport
http://www.senat.fr/lc/lc257/lc257.pdf
- L’EMC introduit de l’école au lycée dans la confusion
- Pratiques : « Dont Laïk ». Après Charlie, étudier le rap pour travailler sur la laïcité
- Un B.O. spécial pour la lutte contre le racisme
- Le CNESCO dévoile « une éducation civique de façade »
Il fallait oser. Après Charlie, Muriel Naudin, professeure au lycée Joliot-Curie de Sète, ose un vrai débat avec ses élèves de première avec une séquence très enrichissante sur l’ECJS. Elle ose s’appuyer sur la chanson Don’t laïk de Médine, un rapeur aux textes complexes. Et elle ose interroger les élèves sur leur conception de la laïcité. Un sujet qui peut encore être débattu en classe de façon apaisée.
« Dieu est mort selon Nietzsche
« Nietzsche est mort » signé Dieu
On parlera laïcité ente l’Aïd et la Saint-Matthieu
Nous sommes les gens du livre
Face aux évangélistes d’Eve Angeli
Un genre de diable pour les anges de la TV Reality
Je porte la barbe j’suis de mauvais poil
Porte le voile t’es dans de beaux draps »
Le rap de Médine, une chanson subtile…
« Je ne me suis jamais sentie bien avec le texte de 2004 », nous confie Muriel Naudin. « Je l’applique mais interdire les « signes ostentatoires » c’est flou. Je trouve intéressant de faire réfléchir les élèves sur cette problématique en partant d’un style musical qu’ils apprécient et d’un auteur dont les textes sont complexes ».
« Je trouvais intéressant de m’appuyer sur un morceau de rap, une musique que je connais mal », nous confie Muriel Naudin. Doctorante en histoire des religions, elle n’a pas peur d’aborder avec ses élèves de première L du lycée Joliot-Curie de Sète, un sujet que d’autres fuient : la laïcité. « J’ai senti une émotion après les attentats contre Charlie Hebdo et j’ai voulu aller plus loin avec les élèves dans le cadre du cours d’ECJS » (éducation civique NDLR). Mais Ce rap est-il hostile à la laïcité ou défend il les valeurs républicaines ? Le texte est particulièrement riche en références et nécessite un décryptage subtile. D’autant que le chanteur a choisi de s’appeler Médine…
En effet la chanson de Médine a beau dire « crucifions les laïcards comme à Golgotha » elle est tout dans le double sens et la subtilité. Médine lui même revendique se situer dans la lignée de Charlie. « Mes morceaux appartiennent à cette tradition d’oeuvre caricaturiste qui exagère volontairement les représentations pour en extraire un contenu parfois absurde et contradictoire. Dont Laïk est justement une caricature tendue aux fondamentalismes ».
Muriel Naudin construit une séquence complète qui s’appuie sur le texte de la chanson et aussi plusieurs documents : une prise de position de Benjamin Stora insistant sur le fait qu’il faut concilier les idéaux républicains et l’intégration des communautés et une prise de position d’un écrivain turc expliquant que l’Islam soit s’adapter à la modernité. Les élèves ont aussi des documents sur la laïcité dans d’autres pays pour qu’il perçoivent la singularité de la conception française.
10 propositions pour « dépoussiérer » la laïcité
Nait ainsi une problématique qui interroge directement la laïcité et la met en débat. Les élèves doivent proposer 10 mesures pour « dépoussiérer la laïcité » dans la société.
Peut-on débattre en classe de la laïcité ? Muriel Naudin est heureuse de l’avoir fait dans une classe de série L majoritairement féminine. Le débat serait peut être plus difficile ailleurs. Mais il y a bien eu échange entre les élèves. « Certains élèves étaient favorables à un durcissement de la réglementation laïque. C’était notamment le cas d’une élève d’origine marocaine. D’autres non. Une chose revient des propositions des élèves : le désir d’avoir un enseignement du fait religieux et même de mieux connaitre les principales religions qu’au final les élèves connaissent peu ».
François Jarraud
La séquence de Muriel Naudin
http://lycee.clionautes.org/spip.php?article621#.VRoYR039kdU
Des jeunes des Mureaux préparent la négociation climatique mondiale COP21
Jules, Angeline, Jonathan, Germaine, Dounya, Hadrien étudient en classe de seconde au lycée F Villon des Mureaux. Mais le 6 mai ils seront Philippins. Ils participent au projet » Lycéens franciliens, notre COP 21″ lancé par la direction de l’environnement francilienne. Mais eux ont plus de chance que les autres : ils ont accompagné le président de la République lors de son voyage aux Philippines les 26 et 27 février. Leurs professeurs racontent.
Découvrir les enjeux environnementaux
Comment faire saisir aux jeunes franciliens l’importance de la négociation mondiale qui se tiendra en décembre 2015 au Bourget à l’occasion de la 21ème Conférence des parties à la convention climat (COP 21) ? La Direction régionale de l’environnement (DRIEE) et les académies de Créteil, Paris et Versailles ont lancé, pour l’année scolaire 2014-2015, un projet d’ampleur régionale intitulé « Lycéens franciliens, notre COP 21 ». L’objectif est de sensibiliser les lycéens aux enjeux climatiques, de l’échelle locale à globale, ainsi qu’à la gouvernance internationale en matière de climat.
Mine de rien ça fait beaucoup pour des lycéens de 15 ans ! On leur demande de se saisir du dossier climatique pour un pays donné, ce qui est déjà énorme. Mais ils doivent aussi développer des talents de négociateurs puisque les 14 pays représentés s’affronteront lors d’une négociation mondiale comme le feront les vrais pays en décembre 2015. Il faut donc qu’ils s’informent, qu’ils s’approprient des dossiers compliqués mais aussi qu’ils apprennent à écouter l’autre et à argumenter avec lui. Des compétences peu développées à l’école !
Apprendre à travailler avec les autres
Au lycée des Mureaux c’est Nathalie Helluin, une jeune professeure documentaliste, et Aurélien Chevalme, professeur d’histoire-géographie, qui relèvent le défi avec 6 jeunes élèves de seconde volontaires. Chaque semaine, le temps de l’enseignement d’exploration (1h30), ils deviennent Philippins et travaillent leurs dossiers. »Travailler l’information est un des grands défis de ce projet », nous a dit N Helluin. « On a une méthode qui consiste à ne pas faire cours aux élèves sur les Philippines ou les problèmes climatiques. Mais à leur donner une tâche précise chaque semaine avec des supports documentaires ». Ainsi la séance 9 revient sur les négociations climatiques avec deux vidéos de l’émission Le dessous des cartes sur les négociations climatiques et une vidéo intitulée « Jean Jouzel et les négociations climatiques ». La séance 4 avait posé les connaissances de bases sur les Philippines et son histoire. D’autres séances permettent de travailler les 3 enjeux environnementaux sur lesquels les élèves devront négocier : la déforestation, la réduction des effets de serre et les transferts technologiques.
« Je crois de moins en moins en une réponse disciplinaire aux questions d’éducation que nous rencontrons en classe. Les problèmes de l’école ne peuvent être résolus que dans des approches interdisciplinaires » explique A Chevalme. Pour lui la pédagogie de projet mobilisée pour cet enseignement d’exploration hors du commun donne du sens aux enseignements disciplinaires. « On s’appuie beaucoup sur le groupe, sa capacité d’entraide. Il faut que chacun apprenne à travailler avec les autres. Et bien sur on a la chance que le projet ait de la visibilité ». Il souligne aussi l’intérêt du décentrage pour revenir sur des sujets qui ont aussi une dimension citoyenne locale.
Car les 26 et 27 février, Angeline et Jules ont accompagné François Hollande lors de son voyage aux Philippines. Le voyage présidentiel avait comme thème le changement climatique. Angeline et Jules ont pu échanger avec le président et découvrir sur le terrain, avec leurs deux enseignants, des aspects bien concrets des dossiers qu’ils traitent en classe. Maintenant il ne leur reste plus que quelques mois pour défendre la cause des Philippines dans la simulation de négociation mondiale organisée par la DRIEE. Quant à l’urgence de s’emparer des questions de développement durable, ils en sont maintenant persuadés.
François Jarraud
Le blog du projet
http://blog.crdp-versailles.fr/villoncop21/
Le site de la DRIEE
http://www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/presentation-ge[…]
Un jeu vidéo pour combattre la violence à l’Ecole
« Tralalère », qui crée de nombreux contenus numériques éducatifs, propose un nouveau jeu vidéo intitulé « Stop la violence ! » Il s’agit de combattre le fléau du harcèlement : « absentéisme, décrochage scolaire, violences verbales ou physiques en sont les manifestations quotidiennes » ; « le harcèlement fonctionne sur un triangle harceleur, victime et témoins », il s’agit aussi de sensibiliser ceux-ci et d’inciter à agir. A travers 3 enquêtes qui proposent une immersion dans la vie d’un collège, différents thèmes sont abordés : la rumeur, la discrimination, le racket.
L’équipe éducative et les élèves du collège Federico Garcia Lorca (Saint-Denis) et du collège François Truffaut (Saint Matin de Seignaux) ont participé à l’élaboration et à la réalisation du jeu.
Les objectifs pédagogiques de « Stop la violence ! » sont plus précisément les suivants : apprendre au joueur à reconnaître les manifestations du harcèlement qui peuvent aller d’une rumeur insistante à l’insulte, de la menace à l’agression physique ; faire comprendre la dimension collective de ce phénomène qui s’appuie sur des acteurs directs (harceleurs, harcelés) et indirects (témoins) ; expliquer qu’il existe de nombreuses possibilités de recours face au harcèlement qui ont tous pour objectif de faire sortir la victime de son isolement ; développer l’empathie des élèves en montrant des témoignages de victimes qui expliquent à quel point le harcèlement peut les affecter dans tous les aspects de leur vie (perte de l’estime de soi, décrochage scolaire, manque de sociabilité, diminution des capacités de concentration…).
Le jeu en ligne
http://www.stoplaviolence.net/
Peut on enseigner la morale laïque dans l’école inégalitaire ?
Alors que va se mettre en place un enseignement moral et civique, comment penser la morale au 21ème siècle ? Guy Coq, agrégé de philosophie, et Eric Favey, administrateur de la Ligue de l’enseignement et membre du Conseil supérieur des programmes, relèvent le défi. Dans un petit livre, ils regroupent une dizaine de contributions écrites par de grands auteurs : M Gauchet, J Baubérot, N Mosconi, JP Delahaye par exemple.
Justement empruntons à ce dernier une réflexion d’actualité sur ce nouvel enseignement. Comment transmettre les valeurs républicaines quand 15% des élèves sont enfermés dans une situation d ‘échec scolaire ? Comment vivre la contradiction entre les valeurs de cet enseignement moral et la réalité sociale qui les foule aux pieds ? « Le drame de Charlie interroge notre capacité a faire partager ce qui nous permet de vivre ensemble », nous ad ite Eric Favey. » La question de fond c’est l’articulation entre la laïcité, la morale et l’égalité. Notre pays sera-t-il capable de rendre notre école plus juste afin qu’elle la situation ne discrédite pas les valeurs affichées à son fronton ? »
L’ouvrage revient sur l’histoire de la morale laïque. J Baubérot, M Gauchet reviennent sur le sens que peut prendre la morale laïque aujourd’hui. Pour ce dernier la morale est le moyen de construire une intériorisation capable de résister à la pression sociale. Elle est émancipation. Nicolas Renard montre comment enseigner l’éthique en collège Ambition réussite.
L’ouvrage se termine par une bibliothèque de textes où l’on trouvera les instructions qui ont fondé ma morale laïque et des analyses sur l’enseignement de la morale à l’Ecole.
Éric Favey Et Guy Coq (dir), Pour un enseignement laïque de la morale, Privat , 2015, ISBN : 978-2-7089-8413-4
- L’EMC introduit de l’école au lycée dans la confusion
- Pratiques : « Dont Laïk ». Après Charlie, étudier le rap pour travailler sur la laïcité
- Un B.O. spécial pour la lutte contre le racisme
- Le CNESCO dévoile « une éducation civique de façade »
On a beau le gonfler de vent tricolore, voilà un B.O. spécial bien maigre. Le B.O. spécial du 18 juin décline les principes de la « mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République ». » Je vous demande d’élever l’ensemble des mesures énoncées dans ce plan au rang de vos priorités afin de garantir l’efficacité de la politique éducative de prévention des discriminations à caractère raciste ou antisémite », écrit la ministre aux recteurs.
» Le rejet de toutes les discriminations, l’engagement au service de la communauté nationale, la prévention du racisme et de l’antisémitisme doivent fonder les projets éducatifs, s’inscrire au cœur de la vie scolaire. Ils figureront dans le parcours citoyen de l’élève ainsi que dans le parcours d’éducation artistique et culturelle en utilisant l’ensemble des leviers d’éducation liés à la culture, à l’histoire, à la mémoire ». Le BO évoque aussi la formation à la laïcité, la mobilisation des IPR en cas d’incident, la création d’un site internet ; toutes mesure sdéjà annoncées et qui restent fixées en termes généraux. On chercherait en vain dans ce BO la reconnaissance de la ségrégation ethnique dans l’Education nationale et l’annonce d’actions pour lutter contre elle. Ce qui a quand même beaucoup à voir avec le sujet…
Au BO
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?pid_bo=32698
Le programme de la mobilisation
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/02/09022015Article6355[…]
L’Ecole cible de ma mobilisation pour les valeurs de la République
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/04/16042015Article6356[…]
Deux façons de traiter l’après Charlie
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/2015/159_2.aspx
Un guide contre les préjugés sur les migrants
» Les sans-papiers, en revanche, n’ont pas accès à la plupart des prestations sociales, même lorsqu’ils cotisent. Au final, les étrangers en France contribuent plus en cotisations qu’ils ne coûtent en prestations ». Simple rappel de bon sens ? Face à la banalisation de la xénophobie, le Cimade ressort son petit guide qui apporte des chiffres, des arguments précis. Face à » Ils vont nous envahir, ils prennent notre travail, ils ont tous les droits », la Cimade dresse un mur argumenté. Ce petit guide gratuit concerne tous les citoyens. Mais les enseignants sont souvent en première ligne. Ce petit livre les aidera.
Le guide
http://www.lacimade.org/publications/10
- L’EMC introduit de l’école au lycée dans la confusion
- Pratiques : « Dont Laïk ». Après Charlie, étudier le rap pour travailler sur la laïcité
- Un B.O. spécial pour la lutte contre le racisme
- Le CNESCO dévoile « une éducation civique de façade »
Dans le contexte de l’après 11 janvier, alors que la ministre de l’éducation nationale organise « la grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République », le Cnesco décrit une réalité de l’Ecole bien différente. Le 12 janvier, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, présidé par Nathalie Mons, publie un rapport qui évalue la réalité de l’éducation civique en France. Pour le Cnesco si en principe l’éducation civique est exemplaire en France, dans la réalité elle relève de « participation de façade » notamment pour les jeunes des quartiers populaires et dans les dernières années de la scolarité, celles qui préparent directement à l’entrée dans la vie citoyenne.
» Légalement, la France n’est pas en reste en termes d’éducation à la citoyenneté, elle se place au contraire en tête des pays européens par son investissement éducatif théorique dans ce domaine d’enseignement », rappelle le Cnesco. Tout le rapport est ainsi inscrit dans cette opposition entre les prescriptions réglementaires et la réalité de ce qui se passe sur le terrain, dans une situation très française.
En apparence, la France » se place en tête des pays européens par son investissement éducatif en matière d’éducation civique ». Elle est le seul pays européen à dispenser pendant 12 années consécutives un enseignement à la citoyenneté obligatoire. Les élèves participent à la gestion des établissements ce qui est une forme très active d’éducation à la citoyenneté. Ils participent aussi à des projets éducatifs. Sur le papier la France est simplement exemplaire.
Des enseignements qui passent à la trappe
Mais le Cnesco ne s’attache pas qu’au papier. « Derrière cette façade d’un engagement massif dans l’éducation à la citoyenneté, les faiblesses de ces apprentissages sont nombreuses », écrit le rapport. Il ne dévoile rien qu’on ne sache. Mais il le révèle officiellement comme une institution chargée d’évaluer l’Ecole.
» Dans les faits, les heures d’enseignements, intégrées le plus souvent à l’histoire-géographie ne sont pas toujours dispensées dans leur totalité », écrit le Cnesco en soulignant le cas du lycée. De la même façon, la participation des élèves aux instances de gouvernance des établissements laisse à désirer. Le taux de participation des lycéens aux élections à la vie lycéenne n’atteint aps 50% en 2012. La parole des lycéens n’est pas prise en compte ne réalité dans les établissements. » Les valeurs citoyennes de la République apparaissent hors sol et désincarnées », écrit le Cnesco alors que » un champ de recherche fécond et solide4, développé notamment dans les pays anglo-saxons depuis une vingtaine d’année montre, notamment, que ce sont les participations des jeunes dans des projets et débats citoyens dans leur école, plus que le suivi de cours d’éducation civique qui sont en lien positivement avec les indicateurs d’attitude, d’engagement et de socialisation citoyenne et politique des plus jeunes. »
L’éducation civique ne touche pas les classes populaires
Le Cnesco démontre aussi que l’éducation civique omet les jeunes des classes populaires. Alors que les séries générales du lycée comptent un horaire précis d’ECJS, dans la voie professionnelle l’éducation civique est le parent pauvre d’un bloc lettres – histoire-géo. En série technologique, » seules certaines mentions dans des thèmes d’Histoire ou de Géographie sont développées ». Au final, » les filières d’élite sont mieux pourvues en enseignement citoyen que les filières moins favorisées aux publics plus démunis socialement, contribuant certainement à construire des inégalités de socialisation politique », écrit le Cnesco.
Déficit de préparation du jeune citoyen
Le Cnesco souligne encore un dernier déficit de l’éducation civique à la française. Alors que cet enseignement est bien fléché à l’école et au collège, c’est au lycée qu’il peut disparaitre comme on vient de le voir » alors que les recherches montrent aujourd’hui que l’éducation civique qui précède directement l’entrée dans la vie citoyenne adulte, notamment à travers la participation au processus électoral, est déterminante pour assurer un engagement citoyen de qualité ».
Une pédagogie à revoir
« Ce sont les participations des jeunes dans des projets et débats citoyens dans leur école, plus que le suivi de cours d’éducation civique qui sont en lien positivement avec les indicateurs d’attitude, d’engagement et de socialisation citoyenne et politique des plus jeunes (participation associative, participation électorale, croyance dans les institutions, tolérance pour l’altérité…) », écrit le Cnesco. Or le Conseil relève que les projets citoyens sont peu nombreux.
Alors que la ministre consacre toute une semaine à réfléchir à l’enseignement des valeurs républicaines, le Cnesco rappelle son existence à la communauté éducative. Cele-ci en a bie besoin. Le même jour, la consultation des syndicats par la ministre a montré qu’il y avait peu de remise den question de l’éducation civique avec l’exception de F Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt , précisant que « l’école doit s’interroger sur la façon dont elle pratique la citoyenneté à travers les conseils de vie lycéenne ». Et la petite note du Cnesco apparait déjà comme prescriptive.
François Jarraud
La note du Cnesco
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/cnesco-edciv.pdf
Laïcité : Une étude met en évidence une « cristallisation des tensions » dans certains lycées depuis janvier
‘Les événements de janvier 2015 ont cristallisé des tensions importantes avec des conséquences sur le climat scolaire et les résultats des élèves ». Parlant devant l’Observatoire de la mixité sociale de la région Ile-de-France le 29 juin, Benjamin Moignard rend compte d’une étude encore en cours. Son témoignage est un des apports d’une riche journée consacrée à la laïcité où se sont croisés chercheurs, élus locaux, responsables du ministère, enseignants et lycéens. Au coeur du débat, la laïcité , un concept qui revient au coeur de la vie des lycées.
Rarement on a vu un éventail d’opinion aussi variées, pour ne pas dire opposées. Et c’est sans doute ce brassage que cherche Henriette Zoughebi, vice présidente du Conseil régional d’Ile-de-France, en organisant les tables rondes de l’Observatoire de la mixité sociale de la région Ile-de-France. Depuis qu’elle l’a créé, l’Observatoire est un lieu où se rencontrent chercheurs, élus et acteurs du système éducatif autour des vrais enjeux du système éducatif. Le 29 juin, ils sont gâtés car le thème de la laïcité, récupéré par l’extrême droite, est devenu un enjeu politique et social.
Ne pas fermer sa porte
Dans une courte intervention, Jacqueline Costa Lascoux revient sur l’histoire de la laïcité en France en défendant l’idée qu’il n’ y a pas de laïcité « à la française » ou « ouverte » mais une seule laïcité sans adjectif qu’il suffit d’appliquer. Mais trois maires franciliens vont au moins démontrer que l’application prête à interprétations. Ainsi Michèle Berthy, maire de Montmorency (95) refuse l’idée de communautés et promet que dans sa commune, plutôt favorisée, le melting pot se fait tout seul sur les terrains de foot. Sylvine Thomassin, maire de Bondy (93) raconte comment sa charge de maire a fait évoluer sa conception de la laïcité. « Les jeunes filles voilées ont longtemps fait bondir la féministe que je suis mais je ne veux pas leur fermer ma porte ». Pour elle, « la ségrégation est au coeur du problème… Les valeurs républicaines ne peuvent pas s’établir dans le déni des libertés individuelles et des cultures familiales ».
« on ne les traite plus pour ce qu’ils sont mais pour ce que l’on a peur qu’ils soient »
Mais c’est Benjamin Moignard qui marque l’assistance par les premiers résultats d’une enquête menée dans 11 lycées de banlieue franciliens. La laïcité n’était pas prévue dans cette recherche portant sur le décrochage mais elle s’est invitée d’elle même. « Les événements de janvier ont cristallisé des tensions importantes dans les établissements » explique -t-il. Il en done des exemples à travers des témoignages enregistrés dans l’étude.
« On n’arrive plus à discuter, c’est terrible », explique un professeur. « On a l’impression de ne plus être sur la même longueur d’onde avec les élèves.. C’est comme si quelque chose s’est cassé… Le thème de la laïcité est devenu hyper dur à traiter. On n’a plus de prise sur ça. On n’arrive plus à faire passer cette idée aux élèves… Ils disent qu’on ne les traite plus pour ce qu’ils sont mais pour ce que l’on a peur qu’ils soient ».
Des élèves confirment. Ainsi Lydia , en 1ère STMG. « Les profs, avec eux jene parle plus de ça. Tout s’est bloqué depuis les attentats… Ils nous disent liberté d’expression et tout ça mais il faut penser comme eux !… Maintenant on cache ce qu’on pense en vrai, on dit plusle vrai en fait ».
Dans ces établissements le climat scolaire a accusé une chute importante. Les élèves sont 14% de moins en une année à trouver « bonnes » les relations avec les enseignants.
Même si l’échantillon de lycées n’est pas représentatif, et si certains lycées s’en sortent mieux, Benjamin Moignard estime que ce qui s epasse est grave. « Construire une école de la laïcité ne peut pas se faire sans une école bienveillante », estime-t-il. « C’est un enjeu fort de l’amélioration du climat scolaire ».
Etendre la loi sur le voile ?
Mais qu’en disent les enseignants et représentants de l’Education nationale sur place ? F. Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire, demande comment respecter la libre expression des lycéens et les règles de l’école comme refuser le caractère ostentatoire du religieux. Elle reconnait que « tout ceci se heurte aux conditions sociales d’exercice de la scolarité des élèves » et que pour certains la laicité est vécue comme discriminante.
Les enseignants présents dans la salle interpellent pourtant l’institution.Un représentant du Snes oppose « les discours ruisselants sur les valeurs républicaines » après les attentats et la façon dont des enseignants et des élèves ont été traités par les pouvoirs publics. Un lycéens explique que le mot ostentatoire est vécu comme une agression par les élèves. Une représentante des personnels de direction du Snes demande à ce que la loi considère come ostentatoire certains habits comme les jupes longues. Le représentant de la Cgt Education, estime que ces habits tiennent de l’esprit de provocation et de résistance des jeuens. Par contre la tonalité des discours pour les valeurs de la république l’inquiètent.
« Parler de choc de civilisation c’est mettre tous les musulmans dans le camp des djihadistes. C’est grave », dit H. Zoughebi en concluant l’après midi. Pour avoir une société laique il faut moins de paroles d’amour et plus d’actes ». Elle dénonce derrière l’islamophobie le vieux racisme. La région accompagnera les équipes pédagogiques qui défendent la laïcité tout e luttant contre lui.
François Jarraud
Pierre Merle : La fausse laïcité à la française
« La France, pays des droits de l’Homme, a une législation d’exception : la laïcité scolaire se construit contre la liberté ». Le sociologue Pierre Merle analyse le glissement législatif opéré en 2004. Il le confronte aux accords internationaux de la France et aux textes fondateurs de sa démocratie : déclaration des droits de l’Homme, constitution. En négation avec ces fondamentaux, » les grands principes juridiques, nationaux et internationaux, sont progressivement oubliés, l’ignorance préférée à la connaissance ». Pierre Merle interroge : « D’où peut naître une ère nouvelle si ce n’est en s’inspirant des exemples réussis de laïcité scolaire et en respectant les textes juridiques fondateurs des démocraties et de la République ? »
Le modèle de la laïcité « à la française » connaît une double crise. D’une part, il n’a pas apporté la paix scolaire attendue dans les collèges et lycées où les tensions subsistent et où apparaissent de nouveaux « signes ostensibles » d’appartenance religieuse (les jupes, noires et longues, font désormais courir le risque de l’exclusion scolaire…) ; d’autre part, ce modèle, source de polémiques, fait l’objet de surenchères : interdiction du port du voile dans les universités, suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires et, plus surprenant encore, une proposition d’interdire l’islam par le maire de Venelles, ex UMP, désormais membre du parti des Républicains.
De la laïcité de liberté à la laïcité d’exclusion
Pour comprendre les fondements d’une telle crise, il faut – préalable classique et souvent oublié – trouver une définition de la laïcité susceptible de faire consensus. L’histoire, la philosophie, la sociologie, la science politique… sont toutes prêtes à apporter généreusement leur concours, mais leur lumière présente un intérêt limité tant les définitions sont pléthoriques, divergentes, et débouchent trop souvent sur des embrouillaminis stériles. Chaque discipline fait toutefois référence à la République et à ses valeurs, et semble oublier, dans le même temps, un des fondements central de la Cité : la constitution, les textes de loi, la jurisprudence, les traités internationaux. Que nous apprennent-ils ?
Dans la Constitution de 1958, la laïcité occupe une place cardinale : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » (Art. 1er). Aucun des protagonistes des polémiques sur la laïcité n’a remis en cause la constitution française. Cette conception de la laïcité – O miracle ! – est donc consensuelle. Il reste à définir empiriquement « l’égalité devant la loi » en matière de religion et ce que signifie « respecter toutes les croyances ».
Les traités internationaux et la jurisprudence apportent des approfondissements incontournables sur la notion de laïcité scolaire et sur les liens qu’elle entretient, irréductiblement, avec la liberté de conscience et la liberté religieuse. En 2004, Bikramijt Singh, lycéen sikh, a été exclu de son établissement scolaire pour avoir refusé d’ôter son turban. En 2008, il a saisi le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU qui, dans un avis daté de novembre 2012, a estimé que l’État français n’a pas apporté la preuve que le lycéen sanctionné, en n’ôtant pas son turban, aurait porté atteinte « aux droits et libertés des autres élèves, ou au bon fonctionnement de son établissement ».
Le Comité a estimé aussi que son renvoi de l’école publique « a constitué une punition disproportionnée, qui a eu de graves effets sur l’éducation à laquelle il aurait dû avoir droit en France ». L’ONU indiquait aussi que l’exclusion de Bikramijt Singh constituait une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont la France est signataire. Le droit international valide une conception de la laïcité scolaire qui, conformément à la constitution française, respecte les signes ostensibles de religiosité, c’est-à-dire les autorise plutôt que de les proscrire. Paradoxalement, dans son unique article, la loi de 2004 interdit le port des signes ostensibles d’appartenance religieuse. Le respect de toutes les croyances, central dans la constitution de 1958, le droit international et sa jurisprudence, a été remplacé par son contraire : l’interdiction.
La loi de 2004 est contraire aux droits de l’Homme
La loi de 2004 contrevient aussi à la Convention européenne des droits de l’homme. Celle-ci mentionne que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…) ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé » (Art. 9). Récemment, en juillet 2014, dans un jugement relatif à l’interdiction en France de la burqa et du niqab, la Cour européenne des droits de l’homme indiquait « qu’un État qui s’engage dans un tel processus législatif [de restriction de la liberté religieuse] prend le risque de contribuer à consolider des stéréotypes affectant certaines catégories de personnes et d’encourager l’expression de l’intolérance alors qu’il se doit au contraire de promouvoir la tolérance ». La laïcité scolaire « à la française » semble échapper de moins en moins à cette pente glissante de l’intolérance…
Faut-il aussi rappeler que l’article 9, déjà cité, de la Convention européenne des droits de l’homme est une reprise, mots à mots, de l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ces deux références juridiques majeures ont contribué à une conception européenne pacifiée de la laïcité. En Allemagne, au Danemark, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Espagne, en Grèce, en Suisse… – cette liste n’est pas exhaustive –, le port d’un voile par des élèves de confession musulmane est admis dans les établissements publics.
La France sous une législation d’exception
La France, pays des droits de l’Homme, a une législation d’exception : la laïcité scolaire se construit contre la liberté. Loin de faire sortir la religion des écoles, l’interdiction ne fait que l’exacerber et, plus inquiétant encore, favorise son extension dans les écoles privées confessionnelles peu soucieuses de laïcité ( )(1). Les élèves sont des individus dotés d’identités multiples – sociale, ethnique, linguistique, genrée, religieuse… – et ne seront jamais des clones interchangeables. Penser que l’école et l’enseignement peuvent faire table rase de la diversité des cultures et des singularités biographiques constitue une négation de la richesse de la nation française, un retour mythique et tragique à nos ancêtres les gaulois…
En France, les grands principes juridiques, nationaux et internationaux, sont progressivement oubliés, l’ignorance préférée à la connaissance. La polémique n’a cure des idées. Elle se réduit à des tactiques politiciennes, des surenchères de branquignols et des calculs électoraux pathétiques réalisés par ceux-là même, les représentants du Peuple et les élites politiques, qui devraient s’élever au-dessus de la mêlée.
Dans une France où le mot laïcité est défiguré pour servir d’étendard, où les leaders politiques substituent le calcul à la pensée, où les discours de rejet de l’autre l’emportent sur la tolérance, les logiques d’interdiction et d’exclusion s’alimentent aveuglément de leurs propres échecs. D’où peut naître une ère nouvelle si ce n’est en s’inspirant des exemples réussis de laïcité scolaire et en respectant les textes juridiques fondateurs des démocraties et de la République ?
Pierre Merle, professeur de sociologie,
ESPE de Bretagne et Université Européenne de Bretagne
La laïcité doit-elle être repensée ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2015/01/07012015Article6355[…]
Notes :
1 Pierre Merle, « Faut-il refonder la laïcité scolaire ? », La Vie des idées, 17 février 2015. URL : http://www.laviedesidees.fr/Faut-il-refonder-la-laicite-scolaire.html
Laïcité : Un problème majeur pour les personnels de direction estime P Tournier
« On assiste à un regain des incidents depuis janvier, il est nécessaire d’aider les personnels de direction ». Réélu comme secrétaire général au récent congrès du Snpden, Philippe Tournier estime que la question de la laïcité est un problème plus prenant pour les chefs d’établissement que la réforme du collège. « Il y a des académies où la majorité des établissements est touchée par le phénomène ». Le Snpden a décidé lors de son dernier congrès de rédiger un « vade mecum » pour les personnels de direction
Pour Philippe Tournier, après l’apaisement apporté par la loi de 2004, les incidents se sont multipliés depuis janvier. « Cela concerne tout ce qui semblait régler depuis des années : le style des vêtements, les revendications sur la cantine. Il n’y a rien de nouveau mais une poussée très nette dans beaucoup de collèges ».
Le Snpden n’hésite pas à mettre en cause la ministre. « Les personnels de direction n’ont pas apprécié la déclaration sur l’accompagnement des sorties des élèves. La ministre a créé de la confusion. Maintenant elle explique que les stagiaires en lycée professionnel ne sont plus concernés par la loi de 2004. Ca veut dire que les chefs d’établissement ne peuvent plus s’appuyer sur la loi ».
A coté de cela, la réforme du collège « n’était pas la question centrale du congrès », affirme P Tournier. « On la regarde un peu comme au spectacle. On fait cette réforme comme d’habitude c’est à dire On commence par l’organisation pour finir par les programmes alors qu’il faudrait faire le contraire. Le svrais problèmes du collège c’est la grade pauvreté, la ségrégation. Mais personne ne s’occupe de cela. On préfère parler du latin… On ne s’occupe aps plus des questions de laïcité. ».
Propos recueillis par F Jarraud
Laïcité : les inflexions données par N Vallaud-Belkacem
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/10/22102014Article635[…]