Par Didier Missenard et Laure Étevez
Des journées de l’APMEP aux questions de cognition (entre Dehaeme et l’OCDE), du bulletin de la CFEM, à Photomath, une application pour Smartphones, pour finir avec la sempiternelle question de la crise du recrutement…
En direct des Journées de l’APMEP : les IREMs vont mieux
Les journées nationales de l’APMEP se sont ouvertes le 18 octobre. Bernard Egger, le président de l’association, a rappelé le rôle de l’APMEP comme lieu d’échange et de réflexion pour tenter de résoudre les problèmes complexes liés à l’enseignement des mathématiques.
Fabrice Vandebrouk, président de l’ADIREM, a fait un bilan de l’action et des perspectives des IREM. S’il nous avait fait part l’année dernière de sa grande inquiétude face aux difficultés financières et d’organisation que rencontraient les IREM à la suite de la création des ESPE, il s’est montré cette année nettement plus optimiste, le soutien du ministère s’étant depuis renforcé.
Cependant, il a rappelé que des problèmes persistent localement car la formation continue est laissée de côté dans certaines académies, et ce malgré les multiples reformes (apparition de d’algorithmique au lycée, des probabilités au collège, travail par compétence, nouvelles modalités d’évaluation, développement des TICE…). Il a aussi déploré que certaines ressources fassent preuve d’injonctions contradictoires, à l’image du dernier document d’accompagnement pour les terminales ne proposant pas d’activité en lien avec le numérique.
En conclusion, il a rappelé que beaucoup de ressources sont proposées par les IREM pour accompagner les enseignants dans ces réformes. L’objectif est maintenant de les faire connaître et de les mettre en avant, peut-être via des magistères ou des MOOCS. Un projet est d’ailleurs en cours pour numériser des ressources et les mettre en accès sur Publimath.
http://www.apmep.fr/Discours-du-president-de-l-APMEP,5504
Pour Stanislas Dehaene, nous sommes tous doués en maths !
C’était le thème de la conférence d’ouverture des journées de l’APMEP le 18 octobre à Toulouse. Selon S. Dehaene, les recherches actuelles en neurosciences permettent de démontrer que nous sommes tous doués en maths. De quoi répondre à tous ceux qui pensent que « les maths ne sont pas faites pour eux » ?
Stanislas Dehaene est chercheur en psychologie cognitive. Guidé par sa passion pour les mathématiques (il a étudié cette discipline à l’ENS) il étudie notamment les bases cérébrales de l’arithmétique et de la numération en utilisant les techniques d’imagerie cérébrale. Il est d’ailleurs l’auteur de « La Bosse des maths » paru en 1996 chez Odile Jacob. L’APMEP l’a convié à venir expliquer ses découvertes lors des journées annuelles.
Une représentation du nombre innée
Plusieurs expériences ont permis de montrer qu’il existe une prédisposition précoce pour le nombre. L’une de ces expériences a été menée sur des nourrissons vieux de seulement quelques heures : on leur fait écouter un certain nombre de sons identiques (4 pour un groupe, 12 pour un autre). On leur montre ensuite des images avec des points colorés. On observe alors une attention plus forte (en termes de temps) lorsque le nombre de points sur l’image est congruent avec le nombre de sons entendus. Autrement dit, les nourrissons « reconnaissent » le nombre de points. Il n’y a pas de discrimination fine, les nouveau-nés seraient incapables de faire la différence entre 4 et 5, mais la notion de nombre est tout de même déjà présente.
Une autre expérience menée cette fois sur des bébés de quelques mois a permis de montrer qu’il existe également une intuition arithmétique : les bébés ont une idée de ce qu’est une addition ! Plus généralement, les recherches en neuroscience ont mis en évidence l’existence d’une zone dans le cerveau donc l’activation est liée à l’activité mathématique : c’est la bosse des maths. Et tout le monde l’a !
Des symboles pour permettre l’automatisation
Pour Stanislas Dehaene il y a trois étapes dans l’élaboration d’une activité mathématique : d’abord des représentations intuitives qui existent aussi chez les animaux, ensuite l’humain y attache des symboles, c’est ce qui va lui permettre de progresser, enfin il accède à l’automatisation. Ainsi, l’éducation amène un changement des zones d’activation dans le cerveau : une activité qui demande un effort à un jeune enfant, comme calculer 2 + 8, active le cortex préfrontal. Après automatisation, cette opération n’activera plus que la zone du sillon intra-pariétal associée au mathématique. Il est alors possible d’utiliser le cortex préfrontal, la zone de l’effort, pour d’autres tâches.
Et chez les mathématiciens professionnels ?
Une autre expérience : on présente à des adultes des propositions et on observe grâce à un IRM l’activité de leur cerveau. On observe ainsi que la réflexion mathématique n’active pas les mêmes zones que d’autres types de réflexions (on a présenté des phrases du type « est-ce que Leonard De Vinci a pu rencontrer Machiavel ? »). En revanche il n’y a que très peu de différences entre les zones activées par différents domaines mathématiques. Il y a donc bien une activité cognitive spécifique aux mathématiques.
Quelle est la différence alors entre un mathématicien professionnel et un adulte lambda ? Et bien le premier a plus automatisé, il peut donc utiliser sa « bosse des maths » pour réfléchir aux propositions mathématiques. Il a pour ainsi dire recyclé le réseau des nombres et de l’arithmétique pour le consacrer à la réflexion mathématiques. C’est la pratique intensive qui le lui a permis, et non un don.
Des coordonnées géométriques inscrites dans le cerveau
Les recherches ne sont pas encore aussi avancées sur les questions de géométrie mais il semble qu’un système de coordonnées géométriques fasse partie intégrante de nos réseaux neuronaux. Il s’agirait d’un repère constitué de triangles équilatéraux qui nous permettrait de nous déplacer dans l’espace. D’ailleurs, en terme d’évolution, le sens de l’espace est bien plus ancien que le sens du nombre : tous les animaux qui se déplacent en ont besoin. Une expérience sur des fourmis du désert a permit de montrer qu’elles disposent d’un système d’intégration de leur trajet, une sorte de GPS intégré ! En effet si la fourmi se déplace de façon aléatoire pour chercher sa nourriture, elle rentre ensuite directement à son nid quand elle a trouvé quelque chose d’intéressant à ramener. Autrement dit elle suit un vecteur. Elle a donc « connaissance » d’un sens, d’une direction et d’une norme. D’ailleurs si on augmente la taille des pattes de la fourmi (en la mettant sur de petites échasses par exemple, et ce n’est pas une blague) elle va dans la bonne direction mais dépasse son nid : la norme est connue en fonction d’un nombre de pas. Autre découverte, une expérience effectuée sur un peuple qui n’a pas développé de géométrie (les Mundurucus) a permis de montrer que la géométrie euclidienne n’est pas une « géométrie naturelle ». Les Mundurucus utilisent la géométrie euclidienne instinctivement bien sur, mais si la situation s’y prête, ils peuvent aussi construire un modèle mental faisant intervenir une géométrie sphérique.
Les hommes pas plus doués que les femmes
La question qui fâche a été posé à Stanislas Dehaene à la fin de la conférence : est-ce que les recherches montrent une différence cérébrale dans l’activité mathématique entre les hommes et les femmes. Sa réponse a été très simple: il n’a pas connaissance de recherche ayant montré une différence. En revanche le poids de l’éducation est très fort sur l’évolution du cerveau au cours de la vie. Et pour lui, si différence il y a, elle est très probablement due à l’éducation et aux stéréotypes qu’elle véhicule. Une idée résumée par une phrase qui lui a valu de chaleureux applaudissements de tout l’amphithéâtre : « l’influence de l’éducation dépasse le biologique ».
Compte-rendu : Laure Etevez
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/03/13032014Article63[…]
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/01/03012014Article63[…]
Pour l’OCDE la métacognition est la clé de l’enseignement des maths
Comment améliorer le niveau en maths des élèves ?
Selon Education Today, le blog de l’OCDE, la bonne stratégie passe par la métacognition. Si le terme a eu un certain succès au primaire il reste encore méconnu au secondaire. La métacognition amène l’élève à réfléchir sur ses stratégies et à les rendre explicites. Les démarches sont liées à des investigations et souvent à du travail collaboratif. Le blog de l’OCDE donne un exemple concret de tâche qui pourrait être confiée à des élèves : les supermarchés se proclament souvent les moins chers. Recherchez qui a raison. Pour traiter cette question, les élèves doivent obligatoirement faire le choix d’unes stratégie et évaluer ce qu’elle vaut.
http://oecdeducationtoday.blogspot.fr/2014/10/maths-education-for-inno[…]
Les maths c’est simple comme un clic
Régler une équation d’un clic ? C’est ce que propose Photomath, une nouvelle application pour Smartphone. En photographiant avec son appareil une expression mathématique, on obtient (d’après les auteurs…) immédiatement la solution ! Amusant à tester… pour en trouver les limites.
Le bulletin de novembre de la CFEM est paru
Au sommaire de ce bulletin :
L’éditorial et le point de vue d’Alain Kuzniak, président du comité exécutif de l’Espace mathématique francophone ; le rappel du MOOC eFAN Math;
Le calendrier CFEM, en particulier les rendez-vous de la CFEM avec le cabinet du MENESR et avec le Conseil Supérieur des Programmes ;
L’actualité internationale de l’ICMI ;
Le programme de recherche Arithmétique compréhensive à l’école; la préparation du « forum mathématiques vivantes »;
Des brèves, et un article du Washington Post: An Educator Challenges the Gates Foundation
À noter, les nouvelles mises en ligne, ou les pages actualisées sur le site :
– la publication de l’ouvrage d’Aurélie Chesnais « Enseigner les mathématiques en ZEP; recherche sur la géométrie en sixième » ;
– une nouvelle rubrique de débat : « Sur les premiers apprentissages scolaires des nombres ».
http://www.cfem.asso.fr/liaison-cfem/lettre-cfem-novembre 2014
Un frémissement dans les embauches ? À relativiser…
Même si le ministère ne publie qu’avec parcimonie les chiffres (contrevenant par là même aux nombreux textes de lois sur l’ouverture des données publiques !), il a laissé filtrer une hausse de 47% des inscrits au CAPES de mathématiques, ce qui est une bonne nouvelle… à tempérer néanmoins par le constat que, l’an dernier, seuls 58% des inscrits ont composé.
Il y a donc 4682 inscrits au CAPES de mathématiques en 2015, et sans doute y aura-t-il environ 3500 présents aux épreuves écrites. Au regard des 1440 postes budgétés, le concours attirerait donc environ 2,4 candidats réels par poste. Ce serait certes mieux qu’aux sessions précédentes, mais il n’est pas sûr que le niveau des candidats permette au Jury de pourvoir la totalité des postes budgétés…
Par ailleurs, si le recrutement augmente dans quelques disciplines, dont la nôtre et l’anglais, il recule de 4% sur l’ensemble des concours ! Ce qui, au passage, infirme le titre du communiqué de presse cité ci-dessous, qui révèle au passage que les services du ministère sont de fervents adeptes de la méthode Coué (qui date quand même de 1926)…
Un début de carrière à 1325 € nets, en diminution chaque année du fait du gel du point d’indice, des effectifs de divisions en croissance constante ne sont pas propres à attirer en masse les candidats.
http://www.education.gouv.fr/cid83897/l-education-nationale-recrute-et-le[…]
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