A quoi peut bien servir la Journée mondiale des enseignants ? Célébrée avec pompe par l’Unesco le 6 octobre à Paris, la Journée mondiale se déroule entre experts et cadres pratiquement sans enseignants. Mais elle reste un point d’observation unique des stratégies et des réflexions qui parcourent les systèmes éducatifs dans le monde. Cette confrontation d’univers souvent éloignés interroge souvent nos choix. Par exemple quand il est question d’intégration des TICE.
Le monde a besoin d’enseignants. Qian Tang, secrétaire général adjoint de l’Unesco a ouvert la Journée en rappelant qu’il faudrait former plus d’un million d’enseignants d’ici 2015 pour pouvoir assurer l’Education pour tous. Il faudra 4 millions d’enseignants supplémentaires d’ici 2030. Des enseignants dont il faudra améliorer la formation souvent délaissée dans des pays qui sont en manque criant d’enseignants.
On ne peut pas améliorer la qualité des systèmes éducatifs sans les enseignants. Or 88% d’entre eux ne sont jamais consultés sur les questions de vie professionnelle, révèle Fred Van Leewen, secrétaire général de l’Internationale de l’Education (IE), l’organisme qui relie les syndicats enseignants dans le monde. L’IE avec l’Unesco a présenté une charte qui fixe des objectifs de bonne gouvernance des enseignants.
Il faut prendre soin des enseignants, estime Chris Husbands, directeur de l’Institut d’éducation de Londres. Expert pour la formation des enseignants, il a développé l’idée que c’est « l’enseignement qui compte , pas les enseignants ». Autrement dit il faut se concentrer sur leur accompagnement plus que sur leurs capacités initiales. Pour améliorer l’enseignement il faut être capable de fixer des raisons d’être à ces systèmes et aussi de prendre soin des enseignants. En leur accordant une véritable reconnaissance et en leur laissant de l’autonomie.
Les TICE peuvent-elles aider à la formation des enseignants ? Plusieurs expériences ont été présentées dans un atelier de la Journée. Parmi elles le Commonwealth of Learning (COL), un organisme créé par 53 pays nés de l’empire britannique, pour mettre en commun des programmes de formation à distance des enseignants. Ainsi le programme TESSA a touché plus de 300 000 enseignants d’Afrique subsaharienne. Le programme s’appuie sur internet. Pour cela il a imaginé des solutions de « clases sans murs » à bas prix permettant un partage de ressources numériques. La classe sans murs associe un chargeur solaire, un serveur comprenant des milliers de vidéos et de textes, un routeur wifi et des tablettes destinées aux élèves. Les écoliers peuvent ainsi accéder à des ressources numériques même dans le plus pauvre village. Tessa a accompagné les enseignants dans le développement de leurs compétences professionnelles y compris la capacité à de former soi même.
Enseignement de l’informatique ou intégration de la culture numérique dans les disciplines ? Expert des systèmes éducatifs africains, Thierry Karsenti a partagé sa conviction de l’échec d’une certaine forme d’enseignement de l’informatique. En Afrique de l’ouest les jeunes acquièrent dans les cybercafés des compétences d’usages numériques. 90% des jeunes garçons sénégalais, 70% des centrafricains utilisent hebdomadairement les cybercafés. L’enseignement de l’informatique, généralisé dans de nombreux pays africains, est souvent en décalage par rapport à leurs pratiques. Le gros défi lui semble être l’intégration des TICE dans les disciplines. Le détour âr l’Afrique nous ramène encore une fois à des préoccupations hexagonales.
François Jarraud