On n’aura probablement jamais lu de rapport si sincère que celui que l’inspecteur général Henri de Rohan-Csermak publie sur les semaines de l’engagement lycéen. Il décrit sans fards une réalité de la vie lycéenne dans les établissements à des lieues des textes officiels. Mais c’est aussi possible parce que, justement, la vie lycéenne dans l’institution n’est pas vraiment une priorité..
Annoncée par B. Hamon devant les parents de la Fcpe, le 7 juin, la « semaine de la démocratie scolaire » aura lieu durant la 6ème semaine de classe depuis la rentrée. Durant cette semaine auront lieu à la fois les élections des délégués des parents d’élèves et celle des délégués des élèves au conseil de la vie lycéenne. Elle remplace les semaines de l’engagement lycéen initiées avec énergie par G Pau-Langevin et les Conseils de la vie lycéenne. Une circulaire publiée fin juillet 2013 invitait les établissements à organiser deux heures de cours dans chaque classe pour initier les lycéens au Conseil de la Vie Lycéenne. L’objectif c’était d’amener les lycéens à s’investir réellement dans les CVL et dans la vie de leur établissement. G Pau-Langevin n’ignorait rien de la difficulté de l’exercice.
Le rapport montre combien le chemin est ardu… « En ce qui concerne l’information, on ne peut que relever la grande distance qui existe entre l’impulsion nationale relayée par les autorités académiques, le ressenti des adultes de l’établissement et celui des lycéens », affirme en ouverture le rapport. Lancées il est vrai assez tardivement, les semaines sont devenues une charge supplémentaire pour les chefs d’établissement et surtout les CPE. Or le rapport montre que, pour beaucoup, c’est aussi quelque chose d’illégitime ou d’inutile. D’où le peu d’empressement à organiser réellement les semaines en informant sérieusement les élèves. Ainsi, « non seulement on peut se demander s’il y a un seul lycée où deux heures de formation ont été effectivement prodiguées à toutes les classes, mais le contenu de ces heures de formation a été tout aussi variable que les solutions trouvées pour les dispenser partiellement ».
Le rapport estime à un tiers le nombre des lycées où aucune des heures prévues par la circulaire ministérielle n’ont été organisées. Il aurait pu évaluer de façon plus juste en disant qu’une minorité des lycéens a été touchée par ces heures.
Mais pourquoi tant de résistance ? Est-ce simplement une surcharge de travail ? Le rapport donne à penser que la résistance est plus profonde. Certes des enseignants sont « revêches » dans des établissements où le climat scolaire n’est pas rose. Mais c’est l’idée même de démocratie scolaire qui entre en contradiction avec l’institution scolaire construite sur l’idée que l’élève doit attendre son élévation par le savoir avant de récupérer des droits. Cette tradition scolaire se lit dans les scènes savoureuses rapportées par le rapport. « Quant au taux de participation aux élections, il recouvre des réalités très diverses qui le rendent peu fiable comme indicateur de motivation ou de conscience civique », explique le rapport. » En effet, nombre de chefs d’établissements recourent à des procédés incitatifs, pour ne pas dire autoritaires, pour « convaincre » les élèves d’aller voter. Par exemple, on les conduit systématiquement à l’isoloir après la photo de classe, ou même on vient les chercher un à un dans la classe ». On appréciera aussi cet extrait : « la première condition, pour motiver les potentiels électeurs lors des semaines de l’engagement lycéen, était que les instances lycéennes pour lesquelles ils devaient voter fonctionnassent effectivement dans l’établissement ».
Il y aussi tout ce que le rapport ne dit pas. Par exemple la composition souvent particulière des CVL qui se lit aussi dans celle du CNVL. Sur les 33 membres lycéens du CNVL les minorités sont très peu représentées. Les lycéens professionnels également. Les CVL sont souvent accaparés par des lycéens des familles favorisées.
Le rapport aboutit néanmoins à des préconisations. Il recommande de réduire de 2 à 1 heure la formation des lycéens et surtout d’y associer les élus lycéens. Il invite à lancer un concours entre lycées pour la conception de l’affiche des semaines. La route reste longue…
François Jarraud