L’innovation n’est pas un but en soi : en réalité, les enseignants qui explorent de nouveaux chemins pédagogiques cherchent à revitaliser les modalités d’apprentissage pour redonner au travail scolaire du plaisir et du sens. En témoignent tous les projets présentés dans ce mensuel de mai, menés avec ou sans le numérique, par des professeurs de lettres ou en collaboration, au collège ou au lycée (général, professionnel, agricole). Ceux-ci ont été présentés au 7ème Forum des enseignants innovants qui s’est déroulé à Bordeaux les 16 et 17 mai 2014.
Un « musée imaginaire numérique » avec Pinterest
Professeure de lettres-histoire au lycée des métiers Doriole de La Rochelle, Laurence Juin exploite depuis plusieurs années les intérêts pédagogiques du numérique, notamment sa capacité à impliquer l’élève dans la construction de ses savoirs en favorisant la collaboration et la mutualisation. Après avoir exploré en classe le désormais célèbre Twitter, elle s’est tournée vers Pinterest, un site qui conjugue réseau social et partage de photographies. Des activités diverses y sont conduites, avant, pendant ou après le cours. Elles permettent de mener une éducation aux bons usages d’internet, invitent les élèves à interagir au croisement de l’écrit et de l’image, construisent un espace de travail à la fois commun à la classe et ouvert sur le monde, aident à forger une culture et une mémoire partagées, un « musée imaginaire numérique ».
Vous avez longtemps exploré les intérêts pédagogiques de Twitter que vous semblez désormais délaisser pour Pinterest : pourquoi ce déplacement d’intérêt ?
Pour plusieurs raisons que je n’ai pas « programmées ». Les usages que nous faisons du numérique en classe évoluent et varient selon le groupe-classe : c’est l’outil qui s’adapte à nos besoins pédagogiques et non le contraire! Avec cette classe (bac pro gestion administration) que je suis pendant trois ans, j’avais besoin de renforcer la notion d’espace commun, de collaboration, de tutorat. Je souhaitais aussi renforcer l’analyse de l’image, la recherche documentaire et la production plus longue d’écrit : Pinterest répond à ces besoins plus que Twitter. J’avais aussi envie d’explorer d’autres outils avec l’impression d’avoir fait le tour de ce que Twitter peut offrir en pédagogie. Je fais rarement deux fois le même cours, j’avais aussi envie de varier les outils et les explorations pédagogiques ! Nous utilisons toujours tout de même Twitter pour des appels à contribution qui renvoient à Pinterest.
Pinterest mélange les concepts de réseau social et de partage de photographies : pouvez-vous expliquer comment il fonctionne ?
Muni d’une adresse mail valide et d’un mot de passe, je crée un compte Pinterest que je nomme comme je le souhaite. Apparait alors un espace vierge sur lequel je vais pouvoir créer des tableaux: sur chaque tableau je peux « épingler » des images ou des vidéos. J’épingle donc ce qui m’intéresse. Les images fixes ou animées proviennent soit de ma banque d’images, soit directement d’internet. Chaque tableau a un titre et chaque image une description. Je peux aussi commenter une description d’image.
Je peux aussi faire une recherche par mot clef sur Pinterest : je peux « ré-épingler » une image déjà épinglée sur un autre compte. Je peux aussi « aimer » une image épinglée. C’est en cela que Pinterest est aussi un réseau social : on peut diffuser, partager et commenter ses images et celles d’autres comptes. Les publications sont synchronisables avec les réseaux sociaux les plus populaires : Google +, Twitter et Facebook.
Nous l’utilisons de façon collective : un seul compte et un mot de passe pour la classe. Chaque élève produit et publie des images et du texte et s’identifie en notant ses initiales à la fin du texte.
Quels usages pédagogiques faites-vous concrètement de Pinterest ?
Nous utilisons Pinterest en classe sous différentes formes.
En amont de notre cours de français, histoire, géographie ou éducation civique, je crée un « tableau » d’images avec description. J’en avertis les élèves par un tweet ou par mail. Les élèves peuvent consulter la ressource en amont du cours pour le préparer. Lors du cours, nous utilisons ces ressources et nous pouvons l’augmenter, la modifier. Par exemple, lorsque nous allons voir un film dans le processus « Lycéens et cinéma », je publie en amont l’affiche du film, la bande-annonce. Lors du cours, nous travaillons sur les images du film, l’élève fait des hypothèses de lecture, les publie. Il ajoute des images, des interviews.
Lors d’un cours, je peux aussi donner une tâche à l’élève : recherche d’image et publication avec travail d’écriture dans la description. Les travaux d’élèves sont mis en commun et chacun bénéficie du travail de l’autre. Par exemple, en géographie, nous travaillons sur la mondialisation des pratiques alimentaires. Nous avons lancé via Twitter un appel à contribution proposant aux tweeteurs qui nous suivent de nous envoyer des photos de ce qu’ils mangent. Les élèves ont publié ces photos sur Pinterest et ont répondu à une question de géographie que je leur avais posé : l’élève analyse l’image, propose un texte, cite la source, publie. Cet exercice pourrait se faire dans le cahier : publié sur Pinterest, il ouvre la classe, valorise le travail de l’élève et permet à tous les élèves de profiter de l’exercice de l’autre. Et tous les élèves ne travaillent pas tous sur la même ressource !
Une autre utilisation est possible en aval du cours : nous pouvons publier des photos de manifestations auxquelles nous avons assistées. Par exemple, une élève a posté photos et vidéos prises lors d’une conférence d’une déportée juive dans le tableau que j’avais créé en amont du cours préparatoire à ce thème. J’ai détaillé plusieurs exemples d’usages sur mon blog.
Quels sont les différents intérêts que vous trouvez à cet outil ?
Ces tableaux ainsi créés construisent le « musée imaginaire » de la classe. Nous avons une trace visuelle et écrite de tous nos travaux de classe dans toutes les matières que je leur enseigne. Une mémoire de la classe se forme et se poursuit sur les trois années que nous passons ensemble. Ces ressources sont aussi supports de leurs révisions pour leur certification en fin de Première et leur bac l’année prochaine. L’élève n’oublie pas son cours, y revient avec intérêt puisqu’il a été un des acteurs-constructeurs et pas seulement un « spectateur-consommateur ».
Pinterest est simple d’usage : l’élève se l’approprie très vite. Il ne nécessite pas d’installation particulière sur les postes informatiques. Il est consultable n’importe où sur n’importe quel support. Il n’y a pas de publicité (pour le moment !) et il est gratuit.
C’est un outil qui favorise l’image : mes élèves sont de cette génération de l’image, ça leur parle ! Mais il favorise aussi l’écrit, oblige à travailler sur le mot-clef et permet de travailler sur la recherche sur Internet. Nous constatons trop souvent le « copié-collé » sans citation de source. Pinterest permet de renvoyer aussitôt à la source de la photo : il n’y a pas de pillage de ressources : c’est un lien vers le site sur lequel la photo est publiée.
Pinterest me permet de répondre aux objectifs que je me fixe avec mes élèves (au-delà d’un programme à finir !) : favoriser l’écrit, ouvrir la classe, valoriser l’élève et éduquer à Internet. Ce sont les mêmes objectifs que je me suis fixée lorsque j’ai commencé à utiliser Twitter. L’outil change, pas les objectifs pédagogiques.
Une de vos préoccupations majeures semble être de favoriser le travail collaboratif et l’esprit d’équipe chez vos élèves : pourquoi ce souci particulier ?
J’ai des classes qui sont souvent hétérogènes: de par le niveau de chaque élève, de par la motivation, de par les capacités et savoirs de chacun. Favoriser le travail collaboratif, c’est rompre l’isolement. Dans une classe de 30, l’élève le plus faible peut être oublié, peut se faire oublier. Beaucoup d’élèves ont vécu ça au collège. Cet isolement est catastrophique scolairement et humainement. Travailler en collaboration permet de créer des tutorats, permet aussi de révéler des compétences: ensemble nous construisons le cours et chacun y apporte sa pierre. Plus je les implique, plus ils s’approprient le cours. Il y a changement de la posture de l’élève et celle aussi de l’enseignant.
Ces élèves sont aussi en formation professionnelle: sur leurs trois années de bac pro, ils sont souvent en stage en entreprise. Cette immersion les plonge dans le travail d’équipe, dans l’obligation de communiquer, de collaborer. L’Ecole se doit de les préparer à cette posture que je qualifie plus de citoyenne qu’uniquement professionnelle !
Cela fait plusieurs années que vous innovez en articulant numérique et pédagogie : la créativité vous semble-t-elle être une qualité professionnelle à développer chez les enseignants ?
Mon blog se nomme « Ma onzième année et les suivantes » pour le nombre de mes années d’enseignement (15 cette année!). J’ai été étiquetée d’ « innovante » depuis que j’ai initié Twitter comme possible outil pédagogique. Depuis 15 ans, j’essaie de faire mon métier au mieux. J’ai découvert un jour que le numérique pouvait m’aider dans cette voie mais ce sont mes élèves de lycée professionnel qui me poussent sans cesse à innover. Ils ont besoin qu’on leur montre que l’Ecole peut encore leur apporter quelque chose: un présent pour construire l’avenir. Ces élèves-là sont parmi les plus exigeants contrairement à l’image qu’on leur colle. Ils nous obligent à nous remettre sans cesse en cause, nous obligent à innover, à créer pour qu’ils réussissent. Innover pédagogiquement n’est pas avec eux une qualité mais une obligation !
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le Musée imaginaire de la classe de 1ère Bac pro Gestion Administration du Lycée Doriole :
https://www.pinterest.com/gadoriole/
Sur le blog de Laurence Juin :
http://maonziemeannee.wordpress.com/2014/03/11/utiliser-pinterest-en-classe-trois-exemples-dusage/
Le français a rendez-vous avec les maths
« La racine des mots est-elle carrée ? » : telle est la question que posent Michel Bourguet et ses collègues du lycée Jean Monnet à Montpellier. De quoi cette question, poétique, insolite, dérangeante, est-elle le nom ? Celui d’un prix littéraire décerné chaque année par des lycéens et des étudiants à une œuvre mêlant fiction et mathématiques. Celui d’une entreprise qui, fidèle aux fondements de l’humanisme, envisage la culture dans sa globalité et, pour ce faire, doit brouiller les cartes de l’Ecole : il s’agit de montrer les liens forts qui unissent création littéraire et mathématiques, de changer le regard sur une discipline perçue comme abstraite et inaccessible pour que par le biais de la fiction certains élèves se réconcilient avec elle, de redonner plaisir et sens aux apprentissages par d’heureux croisements disciplinaires.
Votre projet cherche à relier 2 matières que notre système scolaire (et nos représentations) sépare(nt) : le français et les mathématiques. Pourquoi une telle entreprise paradoxale ?
La séparation entre sciences et littérature est plutôt une idée récente. Elle est principalement due aux programmes scolaires qui séparent les savoirs en disciplines et à une vision particulière du système scolaire qui a eu une forte tendance à séparer les « scientifiques » des « littéraires ». L’étiquetage est rapide, et il est très commun d’entendre des élèves dire d’eux-mêmes : « je ne suis pas logique, je ne suis pas rationnel, pas un scientifique, je suis plutôt littéraire ». Cette idée, communément répandue est nocive pour le devenir scolaire des enfants, et nocive pour le système lui-même.
A y regarder de plus près, on voit bien que les disciplines littéraires requièrent des compétences en analyse, rationalité, synthèse, qui dans le fond ne sont pas très éloignées de celles utilisées en maths ou en sciences. Seul le matériau de départ est différent, la façon de regarder les choses, la manière d’appréhender le monde, le réel, l’humain.
Les mathématiques en particulier souffrent de cette image fausse de déshumanisation, d’idéalisation pure, de conjectures et de spéculations en apparence stériles. Or, c’est un pan du savoir, de l’héritage culturel, il fait partie intégrante de la culture humaniste.
La littérature ne se coupe pas des sciences, des mathématiques, elle peut s’en nourrir, comme les mathématiques ont besoin d’une certaine littérature pour vivre et prospérer. Un livre est un livre, qu’il soit un roman ou un traité d’algèbre, il est écrit, pensé, structuré. Il y a plus de points communs finalement que de points de divergence.
L’entreprise que nous avons commencée à notre échelle est tout simplement d’essayer de changer le regard sur les maths et de les sortir de leur isolement au sein de la culture. L’idée d’un prix littéraire est un décorum qui rend à la fois sérieuse et ludique l’expérience proposée aux élèves. Il permet de mener vers des mathématiques, au travers de récits, des élèves qui ne les regardent que contraints et forcés, ou avec des pincettes sur le nez.
Par ailleurs, les liens maths-création littéraires sont explorés depuis longtemps et naturellement nous sommes proches de la démarche oulipienne. L’écriture sous contrainte libère la créativité. Le paradoxe apparent est plutôt dans ce processus.
Le projet débouche sur un prix littéraire décerné à une œuvre en lien avec les maths : comment s’opère la sélection ? pouvez-vous nous présenter quelques œuvres emblématiques qui ont été sélectionnées dans l’une ou l’autre des éditions du prix ?
La sélection est le fait de quelques enseignants qui participent de manière volontaire au jury du prix. Nous tentons de la mener sur des ouvrages récents et nous tenons au courant des nouveautés. Ce n’est pas simple de lire ce qui sort, de s’y retrouver et d’y identifier les ouvrages qui pourront nous intéresser. Il faut qu’ils soient construits sur des structures mathématiques ou qu’ils les mettent en scène, qu’ils soient accessibles à des élèves de lycée, qu’ils soient variés, et surtout qu’ils aient un réel intérêt littéraire.
Ce n’est que la deuxième édition du prix. Le vainqueur de l’an dernier était le roman japonais « La formule préférée du professeur » de Yoko Ogowa. C’est un récit d’initiation et il a beaucoup plu aux élèves membres du jury.
Nous avions aussi sélectionné « Les mathématiques congolaises », roman africain, et Lla déesse des petites victoires » racontant la vie de Godel, au travers des souvenirs et du point de vue de sa veuve. Ce livre a eu le prix des libraires en 2013.
Cette année, le vainqueur est un roman historique « La conjecture de Fermat » de Jean d’Aillon. Il raconte une histoire d’intrigue et d’espionnage à l’époque de Mazarin. Pierre de Fermat y apparait, en tant que magistrat et mathématicien. Sa fameuse conjecture est une longue énigme mathématique qui n’a été démontrée qu’en 1996 par Andrew Wiles. Elle y subit un sort dramatique.
Pour la première fois nous avions aussi sélectionné une BD « Logicomix », traitant de la vie de Russel, philosophe et logicien, et des fondements logiques des mathématiques, ainsi qu’un essai écrit par Daniel Tammet, mathématicien et écrivain.
Quelles sont les différentes activités mises en place pour mener à bien le projet ?
Les activités mises en place sont des rencontres mensuelles entre lecteurs et membres du jury, appelés « carrés littéraires » pour échanger sur les impressions de lecture et identifier les éléments de mathématiques présents dans les ouvrages.
Un atelier maths a été proposé aux élèves, se basant sur les liens entre « maths et créativité », mais le manque d’espace disponibles dans les emplois du temps des classes n’a pas favorisé sa fréquentation. Il n’a pu aboutir.
La rencontre avec Michèle Audin a été le moment fort de ce projet. Mathématicienne, écrivaine, membre de l’Oulipo, elle a présidé le jury et a présenté aux élèves la BD d’Etienne Lécroart, basée sur les principes de l’Oulipo.
Une collaboration avec l’IREM de Montpelier est également mise en place pour étendre le jury aux étudiants de l’université des sciences, et permettre des liens et des rencontres entre lycéens et étudiants.
Quel bilan tirez-vous de ces 2 éditions ?
Les deux éditions ont montré qu’il était difficile et ambitieux de faire vivre un projet de prix littéraire mais le bilan est très positif. Les élèves ayant participé au projet ont parfois changé de regard sur les maths à travers leurs lectures, ou ont conforté leur goût pour cette matière.
La remise des prix a été un moment fort et a amené au lycée le directeur de la faculté des sciences, le directeur de l’IREM, la députée et vice-présidente de la région. Le prix est maintenant installé et on devrait pouvoir le faire vivre plus facilement l’an prochain.
Les ateliers scientifiques qui sont proposés aux élèves ont toujours du mal à vivre dans les lycées. Les élèves ont souvent peu de temps pour manger, ne se chargent pas d’une assiduité supplémentaire. L’atelier lié au prix a donc eu du mal à fonctionner. L’an prochain il faudra le proposer sous une autre forme.
L’autre difficulté est de faire vivre le prix et d’avoir suffisamment d’exemplaires des ouvrages pour le jury. Cela représente un budget important que nous n’avons pas pour l’instant.
Quelles perspectives envisagez-vous pour le développement de l’expérience ?
L’an prochain, nous allons développer le prix par une collaboration entre plusieurs lycées de la région et éventuellement au delà. Déjà trois autres lycées sont partants. Cela va permettre des échanges plus riches, des correspondances et éventuellement des rencontres.
Un blog ou un site internet devrait prendre forme pour faciliter ces échanges.
L’atelier maths va changer de nature et un projet particulier sera mené entre une enseignante de lettres et moi-même sur une classe de seconde. Production de textes, lectures, liens littérature-mathématiques.
Les échanges avec l’université vont aussi s’intensifier et le prix sera relayé par la bibliothèque universitaire.
Nous prenons des contacts avec le réseau des médiathèques, la région, la mairie pour obtenir une aide logistique ou matérielle.
Une résidence d’écrivain (Michèle AUDIN) se met en place également pour développer le projet et mieux montrer les liens entre culture littéraire et mathématique.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Livre lauréat 2014 :
http://www.editions-jclattes.fr/livre-la-conjecture-de-fermat-jean-aillon-d–241028
Livre lauréat 2013 :
http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-etrangere/la-formule-preferee-du-professeur
Fiers d’être en SEGPA !
Comment reconstruire l’estime de soi chez des élèves en échec scolaire ? Comment la pédagogie de projet peut-elle développer leur capacité à se projeter : à envisager un possible avenir et à le construire ? Telle est la finalité du travail mené par Véronique Ramo-Gommé, enseignante en SEGPA au collège Picasso de Vallauris. Ses élèves ont réalisé des affiches, une pièce de théâtre, une bande dessinée autour du thème des discriminations. A travers ces activités créatives et formatrices, ambitieuses et valorisantes, c’est peut-être le pouvoir discriminant du système scolaire qu’il s’agit de combattre.
Dans quel contexte le projet est-il né ?
En 2011, le service Politique de la Ville de Vallauris nous a contactés afin de nous proposer de participer au Plan de Lutte Contre les Discriminations auquel la ville avait adhéré depuis 2007, en menant des actions auprès de nos élèves afin de lutter contre les discriminations à l’école. Travaillant avec des élèves en grandes difficultés scolaires et donc souvent discriminés, mais aussi discriminant, cela nous a paru intéressant de montrer un projet au sein de l’équipe de la SEGPA en permettant à plusieurs classes de participer au projet.
Avec ma collègue Mlle Monnin, nous avons décidé de mener deux actions avec deux classes différentes. Mlle Monnin s’est lancé dans un projet Théâtre, la subvention nous a permis de travailler avec un professionnel du théâtre, nous avons donc fait appel à la Compagnie Miranda sur Nice. Et moi-même, j’ai décidé de travailler avec une classe de 5° sur la réalisation d’affiches dénonçant cette discrimination, afin de lutter contre, et là aussi j ‘ai pu faire appel à l’aide d’un dessinateur professionnel. En 2012, devant la qualité du travail, la ville nous a proposé de continuer notre investigation, nous avons donc décidé de continuer sur la voie du théâtre en impliquant davantage les élèves dans l’écriture de la pièce, élèves qui avaient auparavant réalisés les affiches. Puis une nouvelle classe a participé au projet, la classe de 4° qui a donc adapté la pièce de théâtre sous forme de bande dessinée, afin d’en laisser une trace visible et lisible par un plus grand nombre.
En 2013, devant la qualité des affiches et le succès de la bande dessinée nous avons décidé de travailler la diffusion de tout ce travail en éditant par le biais de la Poste les affiches sous forme de timbres, puis au niveau de la bande dessinée d’en faire un produit fini en éditant un petit livre comportant la bande dessiné, mais aussi relatant tout le travail effectué depuis ces 3 années au sein de la SEGPA.
Le projet a commencé par la réalisation d’affiches autour de la discrimination : comment avez-vous mené cette étape ?
L’activité s’est déroulée en 5ème avec 14 élèves.
Tout d’abord le premier travail a été la réflexion et le débat mené avec les élèves afin de définir ce qu’était la discrimination, ce qu’ils en pensaient et évidemment le cas de l’élève de SEGPA a été cité. A partir de ce moment là l’idée de créer des affiches afin de dénoncer cette idée leur a tout de suite parlé. Dans un premier temps, en français et art plastiques, nous avons étudié les différentes manières de composer une affiche : le slogan, une illustration qui soit une photo, un dessin etc.
Cependant, l’idée de réaliser des affiches leur faisait peur, car leur manque de confiance en eux les bloquait. A ce moment là, la rencontre avec l’intervenant professionnel est un grand point fort dans le projet, car cela rassure les élèves et leur redonne confiance paradoxalement, car pour une fois ils ont « le meilleur », qui vient travailler avec eux, et cela est une chance inouïe pour nos élèves. Et ils en sont conscients, se montrent du coup prêt à se donner à fond. Il faut savoir que les élèves connaissaient déjà l’intervenant, ce qui est très important, car ils ont confiance en lui et savent que le résultat est de grande qualité si on tient compte de ses conseils. Le travail avec JAL le dessinateur a pu donc se faire très rapidement. Dans un premier temps, il a fallu encore discuter, débattre et choisir les thèmes qui allaient être illustrés par l’affiche, mais aussi le message que l’on voulait faire passer. Chaque élève a donc choisi le thème et le message de son affiche. Puis la partie graphique s’est posée, mais aussi la recherche du slogan selon le message, individuellement chacun a fait des hypothèses et le dessinateur les a guidés en restant au plus près de leurs idées de départ. Des élèves ont donc décidé de dessiner, mais d’autres devant la difficulté se sont tournés vers un montage photo, ils ont donc du réfléchir à des mises en scènes en classe afin de faire passer leur message et rendre l’affiche parlante, différentes méthodes ont pu être utilisées : collage de lettre en 3 D etc…Le format des affiches était de 24 x 30 cm. Enfin au niveau de la diffusion, les affiches originales ont été plastifiées et affichées au sein du CDI, mais aussi au sein d’un forum Santé organisé par la ville de Vallauris et lors des représentations théâtrales de leurs camarades.
Et cette année, nous les avons éditées sous forme de timbres par le biais de la Poste et de l’opération « Mon timbre à moi ». Nous avons édité une soixantaine de carnets. Les élèves ont reçu chacun un carnet de 4 timbres utilisables et nous les avons vendus afin de subventionner un autre projet pour une classe de 6ème.
Le projet s’est ensuite tourné vers le théâtre : comment avez-vous mené cette phase d’écriture et de représentation ?
Il faut se rappeler que ce n’est pas la même classe qui mène tous les projets, c’est vraiment un projet d’équipe. C‘est donc avec la classe de 4 ° que ma collègue a travaillé. Dans un premier temps, l’étude en français de pièce de théâtre, puis le travail réel de comédiens avec l’intervention du professionnel qui là encore permet de donner un autre aspect des choses et de sortir du scolaire pour faire quelque chose d’exceptionnel que pas tous les élèves ont la chance de connaître. Ils ont donc appris à découvrir les dessous du métier de comédien, ils ont appris à jouer la comédie par différents jeux, ils ont au travers d’exercices travaillé leur mémoire, leur diction, leur concentration…, tout ceci avant de passer vraiment à la coécriture de la pièce avec l’aide du comédien et du professeur. Puis a eu lieu l’apprentissage du texte, pour finir par la mise en scène véritable.
Pour l’écriture de la pièce, le comédien avait proposé un sorte de canevas, plus exactement un monologue que les élèves ont dû adapter afin de faire parler plusieurs personnages. En effectuant ce travail, les élèves ont pu s’approprier le texte, ce qui leur a facilité la tâche au moment de la mémorisation.
Et puis bien évidemment, il a fallu apprendre à gérer le stress et affronter cette peur, afin de jouer la pièce devant un public d’élèves de parents, de professeurs, de personnels du collège. C‘est là que les exercices de concentration ont trouvé toute leur importance afin de les rendre capables d’affronter cette dose d’adrénaline qui peut être handicapante pour nos élèves. Mais au final, une fois les représentations terminées, quelle fierté ! Ils ont même accepté d’aller jouer à Nice dans un vrai théâtre en participant au Festicollège. Le projet était là réussi et complet, surtout qu’ils ont remporté le prix spécial du Public.
La pièce a été aussi adaptée par les élèves en bande dessinée : pourquoi ce choix ? comment avez-vous mené cette étape ? comment la BD est-elle diffusée ?
Pourquoi ce choix ? Disons que nous avons cherché un moyen de laisser un trace de tout ce travail, de toute cette réflexion sur la discrimination. En 2012 déjà, une fois le spectacle fini, de nombreuses personnes nous ont encouragés à montrer ce travail. Cependant la qualité de l’image vidéo des représentations, les problèmes de droit d’image etc. ne permettaient pas de diffuser la captation. C’est pourquoi, travaillant déjà depuis de nombreuses années autour de la bande dessinée, nous avons décidé d’adapter la pièce écrite par les élèves en bande dessinée. Au départ, il était prévu une bande dessinée qui serait distribuée à la fin de la pièce sous la forme d’un petit livret « fait main », réalisé par les élèves sous un format 10 x 21 cm en noir et blanc de type comic strip. Seule la page de couverture était en couleur. Ce travail était réalisé par les 10 élèves de la classe de 4ème qui n‘avaient toujours pas participé au projet discrimination, mais seuls 8 élèves ont participé en réalisant chacun un strip, une page en bandeau. Le projet était ambitieux, car arriver en 10 pages à faire passer le message de la pièce de théâtre qui se présente surtout sous la forme d’une discussion entre élèves, nous avions du travail…
Dans un premier temps, les élèves ont lu la pièce, puis nous avons assisté à des répétitions afin de bien comprendre quels étaient les personnages essentiels, les moments clés à ne pas manquer, afin de rester au plus près de la pièce de théâtre. Puis il a fallu découper le texte de la pièce de théâtre en 10 parties. Ensuite, chaque élève ayant sa partie a dû adapter le scénario afin de réaliser un storyboard. Puis la création des personnages s’est faite de manière collective, afin qu’il y ait une continuité dans le dessin. Et enfin le cadrage, le crayonné, puis l’encrage.
En 2013, la bande dessinée était donc distribuée, et les originaux affichés durant les représentations, et cette année, donc en 2014, nous l’avons éditée dans un format 14 X 20 cm aux éditions PVST ?, sous le titre « Les uns les autres » et nous l’avons mise en vente. L’édition de ce livre nous a permis par la même occasion de diffuser le travail des élèves durant ces 3 années au sein de la SEGPA, en éditant la pièce de théâtre, en relatant les différents travaux , avec des interviews des dessinateurs. Venez le découvrir en faisant son acquisition pour 5 euros !!!!! et le projet n’aura plus de secret pour vous !!
Au final, quels sont les différents profits que vos élèves semblent avoir tirés de toutes ces activités ?
Les élèves ont pu découvrir plusieurs choses. Tous ont découvert qu’ils étaient capables de faire de belles choses dans le cadre scolaire et que cela pouvait être passionnant. Ils ont développé la fierté d’être d’un élève et qui plus est un élève de SEGPA, car le travail fini était « wouah , swag» : ils n’en revenaient pas, ils avaient créé, réalisé différents travaux dont ils n’avaient pas à avoir honte .
Ensuite, les compétences croisées, impliquées par le projet (français, math/géométrie, graphisme, concentration, écoute, imagination, persévérance…) ont permis aux élèves de les mettre concrètement en application et d’en réaliser tout l’intérêt.
De manière générale, quels vous semblent être les intérêts de la créativité pour des élèves en difficulté ?
Les intérêts de la créativité pour nos élèves en grande difficulté scolaire sont selon moi la possibilité de reprendre goût à l’effort, de reprendre confiance en soi en créant de belles choses dont on peut être fier dans un cadre scolaire. Créer leur permet de retrouver la confiance en soi, car ils constatent qu’ils sont capables de créer quelque chose de grande qualité. La créativité leur redonne l’envie de faire. La nouveauté, le côté exceptionnel de la démarche, provoque la curiosité et l’envie de réaliser, ce qui permet de se projeter et d’investir un projet tout d’abord scolaire, et peu à peu un projet d’avenir, c’est-à-dire professionnel. La créativité va leur permettre de retrouver le pouvoir de créer et donc de retrouver une estime de soi, chose qu’ils ont souvent perdue depuis de nombreuses années.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Rue de la créativité
Professeure de lettres au collège Anne Frank de Miribel, Marie-Giberte Cadart invite ses élèves à mener de passionnantes activités créatives: dans un cadre pédagogique précis, les collégiens font la double expérience de l’intelligence collective et de l’ouverture vers l’inconnu. Par exemple, une séquence sur la ville est travaillée suivant différents axes interdisciplinaires : littéraires (étude de textes, atelier d’écriture hors les murs), historiques (évolution de l’urbanisme de la ville de Lyon à travers les époques) et artistiques (découverte de l’architecture contemporaine lors d’une journée au quartier de la Confluence et réalisation de reportages multimédia) Les textes produits pendant l’atelier d’écriture sont mis en voix et illustrés par des sons. La présentation finale des travaux d’élèves prend la forme d’une exposition sonore à laquelle renvoient des flashcodes disposés aux portes du collège. Le site de l’enseignante, « Rue du figuier », témoigne ainsi de tout un art du braconnage et du bricolage, particulièrement formateurs à l’ère numérique.
Votre projet porte sur la ville, que vous avez abordée suivant des axes interdisciplinaires : pouvez-vous présenter précisément les différentes activités que vous avez menées dans ce cadre ?
Au cours d’une séquence en 3ème, « La ville et ses représentations », le travail avec les élèves a suivi plusieurs chemins : littéraire et iconographique avec la lecture détaillée de textes d’Aragon, Senghor et Calvino et le décryptage d’un tableau de Chagall. Ces textes et supports visuels ont été choisis et préparés en équipe avec les autres enseignantes de 3ème (B. Bouvier, G. Kergall, A. Poirier et S. Schilling) ; nous avons en effet élaboré une banque commune de textes, de tableaux et d’extraits de film possibles et chacune a fait son choix suivant ses goûts dans les préparations qui ont été mutualisées. Pour prolonger ces lectures nous avons organisé toutes les cinq une journée à Lyon pour chacune des classes de 3ème du collège. Cette sortie a été l’occasion d’une découverte de l’architecture du nouveau quartier de la Confluence avec le professeur d’histoire de la classe (en lien avec son programme). Nous avons aussi participé à un atelier des Archives Municipales autour de la ville et de ses différents plans à travers les époques. Mes élèves ont ensuite écrit un reportage multimédia que nous avons mis en ligne sur le site de la classe.
Ils ont aussi exploré une dimension plus créative à travers un exercice inhabituel, un atelier d’écriture autour de Fenêtres sur le monde de Raymond Bozier, une proposition faite par François Bon sur le site de la BNF « Ecrire la ville ». Le travail de François Bon que j’admire depuis longtemps a été l’occasion d’une séance enthousiasmante pour les élèves.
Après avoir écouté des mixes de poèmes sur SoundCloud, ils ont fabriqué en équipes des fichiers sonores à partir de leur texte.
La présentation finale des travaux d’élèves est particulièrement originale puisqu’elle prend la forme d’une exposition sonore à laquelle renvoient des flashcodes disposés aux portes du collège : pourquoi un tel choix ? comment avez-vous procédé ? comment ont réagi/interagi les spectateurs potentiels ?
J’ai fabriqué des flashcodes à partir de leurs fichiers son qu’ils avaient déposés sur Soundcloud et nous avons affiché ces flashcodes à l’extérieur du collège en abandonnant l’idée d’aller les disséminer au quartier de la Confluence. On aurait pu imaginer encore d’autres dispositifs comme une chasse au trésor avec un parcours de flashcodes en flashcodes. J’ai gardé l’idée la plus facilement réalisable mais chacun est quand même reparti avec une feuille imprimée de cinq flashcodes qu’il a pu afficher dans les quartiers où il vit. Pour l’instant, certains fichiers ont été très écoutés d’autres moins, les élèves ont été intéressés et motivés par le projet et j’attends le retour des vacances pour en savoir plus. Les flashcodes nous ont permis de proposer une exposition mobile et interactive de leur travail de création littéraire et musicale en adéquation avec ce projet qui nous a fait voyager dans des représentations de paysages urbains proches et lointains.
Sur votre site d’enseignante « Rue du figuier », vous présentez d’autres travaux de vos collégiens, notamment autour d’Ulysse ou d’Ovide : pouvez-vous nous expliquer en quoi ils consistent ?
Dans le prolongement de la lecture de plusieurs métamorphoses, les élèves ont écrit leur métamorphose en un animal de leur choix, chaque texte a été inséré entre un portrait stylisé de l’élève et une illustration du point d’arrivée de la métamorphose. Le texte était ainsi mis en scène comme le lieu où s’effectuait la transformation.
Ils ont effectué un travail différent pour la lecture de l’Odyssée. Chacun des épisodes racontés par Ulysse lors du banquet a été pris en charge par une équipe sur trois semaines sauf celui du Cyclope qui a fait l’objet d’une lecture détaillée. Le travail des équipes a été séquencé autour de trois points d’étape hebdomadaires : avant le premier, lecture de l’épisode et des documents mis en ligne sur le site de la classe ; avant le second, réponse à un questionnaire collaboratif sur Framapad et choix d’une illustration ; avant le troisième, proposition de résumé sur le document Framapad, enfin enregistrement et publication sur le site sous la forme d’une carte interactive (Thinglink).
Du coup, cela a permis de rendre compte du côté feuilleton de cette partie de l’épopée en stimulant leur intérêt.
Vous utilisez régulièrement l’outil en ligne Padlet : quels usages en avez-vous ? quels en sont les intérêts selon vous ?
J’ai découvert Padlet cette année et c’est un outil dont j’aime beaucoup me servir. Très facile à prendre en main, il est ensuite souple puisqu’on peut mettre du texte, de l’audio ou des vidéos sur chacun des post-it qu’on écrit et simplement publiable sur Internet. Pas besoin pour les élèves de s’inscrire, un simple clic sur un cahier de textes en ligne suffit. On peut donc imaginer des usages variés : préparer une lecture, chercher des arguments pour un paragraphe, publier des travaux d’élèves et sûrement encore beaucoup d’autres possibilités que j’ai hâte de découvrir. Sa facilité de personnalisation permet enfin de mettre en scène des contenus de manière très graphique.
La créativité semble être une de vos valeurs pédagogiques : à la lumière de vos expériences, pourquoi selon vous les enseignants auraient tout intérêt à la favoriser chez les élèves ?
Des projets pédagogiques créatifs permettent aux élèves de produire des réalisations dont ils ne se seraient pas cru capables. Ils sortent de leurs préoccupations habituelles en travaillant en équipe, en poursuivant des objectifs ambitieux et ils voient les résultats de leurs efforts sous la forme de production de qualité dont ils peuvent être fiers.
Les projets doivent à la fois construire des apprentissages qui peuvent être mesurés et évalués et aménager des marges à l’intérieur desquelles les élèves peuvent laisser libre cours à leur inventivité. Lorsque je donne les consignes au début du projet, nous ne savons pas exactement les uns et les autres quel sera le résultat. C’est un peu le braconnage dont parle Certeau, on s’appuie sur des passages obligés en restant ouvert à un certain imprévu. J’aime assez l’idée de leur faire faire dans un cadre précis une expérience d’intelligence collaborative, chacun découvrant qu’il peut apporter sa contribution aussi modeste soit elle.
Ces deux expériences, une certaine incertitude dans un cadre rassurant et l’intelligence collaborative, me semblent essentielles dans le monde qui est en train d’émerger sous nos yeux et dont on aimerait que nos élèves soient partie prenante sans se sentir laissés de côté.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
« Rue du figuier », le site de Marie-Gilberte Cadart :
Théâtre en liberté au collège
Au collège George Sand de Magnanville, Clelia Alberi-Laborderie, professeure d’anglais, et Hélène Patry, professeure de français, invitent leurs élèves à écrire et représenter des pièces de théâtre. Ceci permet aux élèves de mener une activité artistique à l’intérieur et à l’extérieur du collège, et de rencontrer des professionnels du monde du spectacle. A travers cette activité créative, les élèves développent leur connaissance d’un genre littéraire ainsi que leur capacité à s’exprimer avec plus d’aisance et d’assurance. Dans cette relation renouvelée au travail scolaire se construisent aussi des qualités essentielles : esprit d’équipe, motivation, confiance en soi.
Dans quel contexte votre projet est-il né?
Nous avons reconduit le Projet Educatif Artistique et Culturel suite à son succès de l’année dernière. Nous avons également constitué un groupe théâtre pour les 5èmes dans un souci de continuité, sur la demande appuyée des élèves.
Quelles sont les étapes et modalités de travail?
En début d’année, on mène de front l’éveil au jeu théâtral et la réflexion autour du thème et du canevas de la pièce.
Tout au long de l’année, les élèves proposent leurs idées soumises à des improvisations puis nous consignons par écrit les différentes scènes. Celles-ci sont jouées devant le groupe et soumises aux conseils de chacun y compris des professeurs et intervenants.
Différents levers de rideaux permettent ensuite d’apporter des modifications en fonction de la réception par le public.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots les pièces ainsi écrites par les collégiens ?
Le titre de la pièce des 6èmes est « It s a small world », « Le monde est petit ». La pièce est en rapport avec le thème du théâtre partenaire : d’une maison l’autre. Nous avons imaginé des enfants de tous horizons qui pour des raisons variées fuguent de chez eux et se retrouvent tous à Disneyland Paris, car comme chacun le sait, le monde est petit… C’est un spectacle comique.
Pour leur pièce, les 5èmes ont librement choisi leur thème : les vacances. Elle est intitulée « La colonie en folie 2014 ». Dans cette pièce, différents enfants partent en colonie de vacances et vont vivre diverses aventures accompagnés par des moniteurs tantôt incompétents ou hystériques, tantôt autoritaires ou bienveillants. C’est aussi un spectacle de tonalite comique.
Comment se passent et se préparent les représentations ?
Afin de préparer les différentes représentations, les élèves complètent un cahier de bord dans lequel ils notent les répliques et astuces. Ils répètent les scènes au collège et la veille sur les planches du théâtre concerné.
Les professeurs, les parents, la famille et les proches des élèves sont conviés aux différents spectacles. Ces derniers sont filmés pour être projetés en classe en vue d’une remédiation éventuelle. La dernière représentation de l’année est distribuée aux élèves sur un CD. Certains élèves, particulièrement motivés, s’en servent de CV dans des castings sur Paris.
En quoi le projet favorise-t-il chez les adultes aussi la capacité à travailler ensemble ?
D’autres disciplines s’associent au projet comme l’histoire-géographie. En effet, différentes recherches sont effectuées en fonction des thèmes abordés dans la pièce. Dans le cadre des cours d’éducation civique, l’élection des délégués est « théâtralisée » dans les locaux de la mairie.
Le professeur d’arts plastiques se charge d’une grande partie des décors. Différents travaux seront réalisés par les élèves en cours en fonction du programme.
Les comédiens apportent ponctuellement leurs conseils à différents moments de l’année.
Cet aspect interdisciplinaire montre aux élèves la même cohésion de groupe qui existe déjà au sein de la classe.
Quels vous semblent pour les élèves les intérêts d’un tel projet théâtre ?
Les élèves gagnent en confiance en eux, conscients de leur représentation dans l’espace et de leur interaction avec les autres. Rapidement, à ce niveau charnière de leur parcours scolaire, ils deviennent plus autonomes, plus créatifs et plus mûrs.
Ce projet leur permet de voir les professeurs et leurs camarades différemment, ce qui leur donner (redonne) confiance en l’école.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut