Peut-on parler d’accord historique ? Les propositions ministérielles présentées au groupe de travail sur les enseignants du second degré le 12 février aboutissent à un consensus entre les principales organisations syndicales et le ministère pour remplacer les décrets de 1950. S’il apporte des avancées positives aux enseignants du second degré, il ne change qu’à la marge l’état existant et n’est pas porté par les syndicats comme un véritable accord. Ce toilettage met de la transparence dans les pondérations et missions des enseignants. Il simplifie les choses et fixe dans de nouveaux textes des règles simples qui seront plus difficilement contestables. Il reste maintenant à les transformer en décrets. Ce devrait être fait fin mars 2014 pour une application en septembre 2015.
Pour le ministère, il s’agit « d’un accord historique » fruit de « longues discussions » avec les syndicats. Il reconnaitrait pour la première fois « l’intégralité des missions des enseignants », « le travail en équipe » et les relations avec les parents. Mais le Snes, syndicat majoritaire, préfère parler de « fiches », plutôt que d’accord, et le syndicat appelle déjà à en dépasser les termes sur certains points. L’autre grand syndicat, le Se-Unsa, parle de « réforme », « d’évolutions positives » et de « première étape dans la reconnaissance du métier ». On le voit, ce nouveau texte est interprété de façon bien différente. Les organisations syndicales voient bien les points positifs du texte. Mais de là à proclamer un accord avec le ministère, il y a un pas que certaines ne veulent pas faire…
Le document définit le métier d’enseignant en distinguant la mission d’enseignement qui est la « principale », de missions « liées à la mission d’enseignement » et de « missions complémentaires ». Sous la pression du Snes, le métier reste donc défini en nombre d’heures d’enseignement, sans changement par rapport à la situation présente. Les missions liées, comme la préparation et l’évaluation, sont mentionnées mais pas chiffrées, tout comme le travail en équipe d’enseignants ou pluri professionnelle. Un certifié c’est toujours quelqu’un qui enseigne 18 heures devant les élèves. Enfin il y a des missions complémentaires comme coordonateur ou référent seront définies par une circulaire ministérielle.
Ce qui change c’est à la périphérie dans la définition de pondérations ou d’indemnités. Toute heure devant élèves est considérée comme une heure de travail y compris par exemple les TD de groupe ou les chorales. Un allègement d’une heure est reconnu aux enseignants sur plusieurs établissements sur plusieurs communes (ou si 3 établissements de la même commune). Un allègement identique est consenti pour la préparation du laboratoire en SVT ou physique-chimie. Une indemnité est aussi donnée en EPS aux professeurs d’EPS en première te terminale. Toutes les autres décharges existant actuellement (heure de laboratoire en histoire-géo, de technologie etc.) ne seront plus reconnues que par des indemnités. Mais ce point reste à être précisé : elles ne sont pas mentionnées dans le texte.
Celui-ci installe un régime de pondérations : 1,25h pour 1h d’enseignement en BTS, 1,1 h pour 1h en première et terminale générale et technologique dans la limite d’une heure. L’heure de première chaire n’était due jusque là qu’avec des conditions restrictives et variables de facto. Les PLP bénéficieront d’une indemnité à partir de 6 heures en première ou terminale pro ou terminale CAP. En CPGE, le nouveau système n’est pas simple. Les enseignants intervenant ponctuellement en CPGE bénéficient d’une pondération de 1,5h pour une heure. Pour les enseignants faisant la totalité de leur service en CPGE, un nouveau texte définira leur service. Enfin une pondération d’1,1h heure pour une heure est accordée aux professeurs exerçant « dans les établissements les plus difficiles », à coup sur les Rep+. Le texte rappelle la promesse d’affecter 4000 postes aux collèges. Il annonce la création d’un nouveau grade , le GRAF réservé aux enseignants des Rep+ et à ceux qui auront exercé certaines missions.
Réalisé à minima, cet accord qui n’en est pas vraiment un, redistribue les moyens existants entre les enseignants. Il élargit le nombre des enseignants bénéficiaires de pondérations. Le ministère a cherché le consensus et s’apprête donc à graver dans le marbre des décrets des documents qui rendent simplement plus transparent l’existant.
François Jarraud
Fiche ministérielle n°1
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/g[…]
Fiche 2
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/[…]
Fiche 3
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/g[…]
Entretien avec C Chevalier le 10 février
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/02/10022014Ar[…]
Communiqué Se-Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article6527
Dès sa première visite en tant que candidat socialiste, à Pierrefitte en janvier 2012, François Hollande a promis de réformer le métier enseignant. Depuis la question est au cœur des négociations avec les syndicats. C’est que l’écart est grand entre le métier officiel et le métier réel… Plus grandes encore les frustrations et les souffrances. Pourtant les nouveaux décrets présentés le 12 février par le ministère ne proposent qu’un lifting superficiel des métiers enseignants. La vraie refonte reste à faire.
Un métier réel décalé du métier officiel
Le temps de service des enseignants est presque intégralement défini officiellement par rapport au face à face avec les élèves. Un enseignant du second degré doit 18 ou 15 heures de cours selon qu’il est certifié ou agrégé. Un professeur des écoles doit 24 heures de cours et 108 heures annualisées réservées à l’aide aux élèves, à la formation et à diverses activités de coordination. Voilà pour le temps statutaire. Car le temps de travail réel du professeur est bien différent. Selon une étude de la DEPP (éducation nationale), il est estimé à 41h17 en moyenne dans le secondaire et 44h07 dans le primaire. A quoi tient ce décalage ? Aux heures rémunérées statutairement, l’enseignant doit ajouter de nombreuses heures qui ne sont pas payées mais liées au métier. Ainsi, le certifié moyen passe près de 8 heures par semaine à préparer des cours. Il consacre 6 heures à la correction de devoirs. Près de 2 heures sont réservées à la documentation professionnelle. Le reliquat correspond au travail avec d’autres enseignants, au suivi des élèves et aux rencontres avec des parents. Or la démocratisation de l’enseignement a rendu ces tâches indispensables. Elle a tendance à en créer de nouvelles qu’il s’agisse de tutorat ou de coordination. Les nouveaux textes reconnaissent que ces éléments font partie du métier. Mais le métier et la rémunération restent basés sur le seul face à face pédagogique des heures d’enseignement. L’occasion de prendre en charge entièrement le métier n’est considérée que dans les établissements les plus prioritaires où une pondération devrait pour la première fois officialiser le travail d’équipe et al relation avec les familles.
Mais sous pression
Le rapport, publié fin juin 2012, par la sénatrice Brigitte Gonthier-Marin met en avant les pressions subies par les enseignants. Pour elle, « l’ Education nationale est touchée par des évolutions déjà bien avancées dans les entreprises, où les salariés sont soumis à des injonctions contradictoires : exigence de qualité et demande de rapidité, esprit d’initiative et respect des protocoles, engagement et recul. Soumis à une évaluation externe permanente, les travailleurs n’ont pourtant aucun contrôle sur les objectifs assignés. Leurs propres critères d’appréciation de ce qui constitue du « bon travail » sont niés et pourtant on leur demande d’être fiers de leur activité et de l’organisation à laquelle ils appartiennent. Ils perdent ainsi progressivement prise sur leur travail ». Cette pression qui tend à déqualifier les enseignants alimente des positions de repli ou de rejet. Elle n’est probablement pas pour rien dans la position du Snuipp d’aligner le métier de professeur des écoles sur celui de professeur du second degré dans les horaires d’enseignement. Cette dimension évaluatrice est totalement laissée de coté par le nouveau décret alors que c’est une problématique centrale pour l’avenir du métier.
Le drame des secondes carrières
A en croire Rémy Boyer, fondateur de l’association Aide aux profs, le nombre de professeurs cherchant un changement de carrière serait croissant. Dans son dernier livre, « Souffrir d’enseigner, faut-il rester ou partir ? », il donne une idée des frustrations subies par les enseignants. Selon lui, outre le harcèlement au travail, « la pénibilité du métier au fil de l’âge avec 82 médecins du travail seulement pour 850 000 enseignants, le manque de valorisation au travail avec un salaire qui plafonne dès l’âge de 50-55 ans alors que la durée de carrière ne cesse de s’allonger, constituent d’autres facteurs importants de désespérance. » Là aussi il aurait été souhaitable que le texte apporte des réponses.
Ainsi dans la réforme du métier se mêle des aspirations bien différentes. Il y a les attentes d’enseignants pour améliorer leur rémunération et leur conditions de travail. Il y a aussi la volonté de changer le management de l’éducation nationale. Il y a l’enjeu d’une requalification professionnelle dont on mesure mal au sommet la puissance de ses aspirations.
F. Jarraud
Livre de R Boyer
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/10/1610201[…]
Le rapport de l’inspection
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2012/[…]
L’enquête CSS
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoint[…]
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