Par Lucie Gillet, François Jarraud
Passent les années et le guide du web revient en janvier. Nous faisons le choix de présenter les sites qui tiennent le mieux sur la durée, ceux dont nous avons pu éprouver la rigueur et le sérieux, qui au quotidien nous accompagnent. Des sites généralistes de la maternelle donc. Quelques sites sur les grands domaines (le langage, la découverte du monde), les blogs qui vous ouvrent une fenêtre sur le quotidien des activités en maternelle et une porte ouverte sur la révolution tactile et ses usages en maternelle.
La Maternelle de Moustache
On ne le présente plus, pionnier du web pédagogique francophone, aujourd’hui son succès dépasse largement nos frontières. Le web-master alimente régulièrement son site pour faire partager son travail sur des thèmes variés. La rubrique signalétique est également fort appréciée pour les affichages ou tout autre utilitaire dont vous pourriez avoir besoin. Tout document proposé est d’une qualité irréprochable. De plus Jacky (et oui, c’est son prénom…) propose souvent son aide ou des petits services si vous le croisez sur les forums enseignants où il est également très actif.
Matern’ailes
Pratiques et ressources d’une classe de cycle I.
Encore un site pionnier pour une web-maîtresse pionnière. C’est aussi l’un de nos chouchous et il fait également référence. «Les enjeux de l’organisation de la classe», ces impensés si difficile à concevoir quand on a pas idée de ce que peut être le bouillonnement de la maternelle, sont ici mûrement réfléchis. Christine Lemoine décrit sur son site ce en quoi elle croit, sa conception des cycles, de l’évaluation. Tout débutant y trouvera grain à moudre, même si l’on peut choisir de bâtir sa route petit à petit. Un site précieux pour le regard porté sur l’enfance et les apprentissages à plusieurs.
Christine nous fait également l’honneur d’alimenter régulièrement les colonnes de la rubrique maternelle du café avec la série Image en questions.
Minimat pour l’école maternelle
Un autre site construit autour de la mascotte de la classe de sa webmaitresse, il s’agit ici de Mimi la souris bien sûr! Complet, le site présente l’utilisation de cette mascotte pour les rituels et la vie de classe. Quantité de projets y sont déclinés, essentiellement à destination des GS, mais ne pas hésiter à passer y faire un tour au vue de la multitude de sujets abordés, si vous n’arrivez pas à accéder aux pages qui vous intéresse, ne pas se décourager ! Un petit courriel et le sésame vous sera donné !
Matières d’école
Sylvie Maillard est formatrice et enseigne en maternelle à Lyon. Elle dit avoir conçu son site comme un «e-portfolio de présentation et de développement professionnel. La démarche s’inscrit dans un processus de capitalisation, de valorisation, et de développement des compétences. Il s’agit d’un outil professionnel, au service de la formation. ». On y trouve des fiches synthétiques sur les questions essentielles telles que la rentrée en petite section, des exemple de projets, des pistes pour le quotidien telle la sempiternelle réunion de rentrée avec les parents. Interactif, le site se veut aussi un outil pour les étudiants en formation.
http://www.matieresdecole.net/
Cursivecole
Un site pour vous rendre service, utilitaire pour tout ce qui est confection d’étiquettes, de phrases, en écriture cursive, scripte, majuscule, en autant d’exemplaires que vous pouvez avoir besoin. D’une simplicité et d’une efficacité imparable. Merci Philippe Tassel et l’association Cyclecole.
Primaths
Pour les débutants, ceux qui préparent le concours et pour les maths…
« Pour les maternelles, il s’agit surtout d’aider les enseignants débutants à éviter autant que faire se peut le remplissage de fiches. Les textes officiels de 2002 expliquaient pourquoi les fiches à remplir n’aident généralement pas les enfants de maternelles à apprendre. Les textes de 2008 n’en soufflent mot, mais les fiches ne sont pas devenues plus utiles pour autant. »
Materalbum
« Dis, s’il te plaît, tu nous racontes une histoire ! « … et si on s’attardait un peu plus sur ces lectures d’albums, pour le plaisir de raconter encore et encore cette histoire qui plaît tant pour créer une culture littéraire, pour illustrer un événement, pour démarrer un nouveau projet en décloisonnement avec d’autres classes, au cours d’un remplacement entre deux thèmes, après des petites vacances… quand on est à court d’idées… ça arrive… et les auteurs n’en manquent pas ! Un site dédié à l’exploitation d’albums à la maternelle :
Langage En Maternelle :
Résultat du travail d’enseignants de la circonscription de Soissons, le site LEM (Langage en maternelle) propose de nombreux outils pour développer l’apprentissage du lexique et de la syntaxe en maternelle. On y trouve par exemple les SALCO (Situations pour l’Acquisition des Compétences en Langage Oral), on y apprend à créer et utiliser des Albums-Echos (cela consiste à faire parler l’élève sur une situation vécue par lui ou ses camarades, puis de renvoyer ses propos « en écho » avec un degré de complexité supérieur pour qu’il puisse s’en emparer); des Oralbums (ce sont des albums de l’oral écrits en syntaxe adaptée, répondant à des objectifs syntaxiques et lexicaux d’acquisition du langage). Si vous vous intéressez aux travaux de Philippe Boisseau, à consulter … !
http://www.langage-en-maternelle.fr/
Doigt d’école :
L’usage des tablettes est encore expérimental, mais il émerge et certains collègues sont confirmés dans cette pratique. Véronique Favre exerce à Paris et produit un récapitulatif mensuel de ses expérimentations sur i-pads. Précieux si vous souhaîtez tatonner sur écran dans l’esprit de vos patouilles traditionnelles. Lire ses écrits vous aidera dans le choix des applications les plus appropriées à vos objectifs. Encore une collègue qui n’est pas avare de partage, active sur twitter elle échange volontiers.
Du côté des ressources : Un dossier sur le site de l’IA du Val de Marne
Pour accueillir avec bienveillance, maîtriser les enjeux d’une scolarisation réussie du tout petit, connaître les besoins fondamentaux du jeune enfant (et les respecter), penser l’aménagement de sa classe ; le partenariat avec les structures de la petite enfance, le rythme de ses journées et en plus avoir des billes sur le plan pédagogique. Un vade-mecum à garder à porter de main, dans le sac de plage ou tout près du cahier-journal que vous êtes déjà en train de penser pour l’an prochain. Dossier pédagogique de la Mission maternelle du Val de Marne sur la scolarisation des moins de 3 ans.
Maternelle : Le jeu des trois figures
Proposé par Serge Tisseron, le ‘Jeu des Trois Figures’ permet aux enfants de prendre du recul par rapport à l’impact des images sur eux, réduit les violences scolaires et développe la tendance à faire appel à l’adulte pour résoudre les conflits.
Article d’enseignement.be
http://www.enseignement.be/index.php?page=25703&ne_id=1344
L’album de littérature jeunesse et la langue en maternelle
Ces pages de l’académie de Nancy-Metz montrent comment utiliser la littérature jeunesse en maternelle pour amener à la lecture tous les enfants et particulièrement ceux des familles défavorisées.
Petite enfance et intégration
http://www.ac-nancy-metz.fr/casnav/petenfance/petenfance_supports_a[…]
Démocratiser l’enseignement de la lecture-écriture : Quel diagnostic pédagogique ? Quelles pratiques alternatives ?
Comment expliquer l’échec de 15 à 20% des enfants à acquérir les compétences de base en français et maths ? André Ouzoulias propose une réflexion en 4 parties. L’école primaire échoue à amener 15 à 20 % des élèves au niveau de compétences, de connaissances et de culture visé par notre pays à l’entrée en 6e. On en connaît les graves conséquences humaines, psychologiques, sociales, économiques, politiques, institutionnelles… À lui seul, le constat de ces échecs massifs, qui touche électivement les élèves des milieux populaires, légitime pleinement l’idée de « refonder » notre école. Une telle ambition n’a rien d’utopique : un certain nombre d’expériences dans des écoles situées en quartiers populaires montrent qu’il n’y a aucune fatalité dans l’échec actuel de l’école de la République. De la grande section au CP…
Le dossier
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2013/OuzouliasLec[…]
Mieux qu’un moteur de recherche, des sites pour vous aider dans votre quête…
Ce sont les fils d’Ariane de la maternelle dans la jungle de la toile…
Deux sites complémentaires essentiellement destinés aux enseignants débutants compilent les ressources du net pour travailler dans tous les domaines et aborder les thèmes les plus fréquents :
http://ecoledesjuliettes.free.fr/maternelle.html
http://themamaternelle.free.fr/
Un blog suisse…CHD
Le blog de CHD est un vaste marché où il y a tous les jours de quoi butiner. Vous y trouverez des tas d’idées en arts visuels et plastiques, puisque CHD nous fait partager les sites qu’elle découvre. Et pour qui aime fonctionner avec des plans de travail, des feuilles de routes pour guider les élèves et les aider à accéder à plus d’autonomie, c’est le lieu où vous devez vous rendre !
Les cahiers de Joséphine
Pour les arts visuels, une enseignante retraitée qui vous ouvre ses archives et vous permet également d’alimenter ses carnets…
http://cahierjosephine.canalblog.com/
Pour le quotidien raconté jours après jours :
Ces enseignantes tiennent des blogs de leurs classes, essentiellement pour communiquer avec les familles et montrer les progrès de leurs élèves dans le quotidien de la classe, mais également pour le vecteur de partage que permet l’outil. Les collègues s’y retrouvent pour s’inspirer, échanger… Sélection minime, parmi les plus vivants :
École petite section :
http://www.ecolepetitesection.com/
La classe de Mélusine :
La moyenne section de Lolo :
http://lolococo.canalblog.com/
Classe de Monique (et de Julie) GS :
http://classedemoniquegs.eklablog.com/
Le numérique, Caroline Coudé-Gouiffès le pratique tous les jours avec ses élèves de l’école maternelle Torigné de Rennes. Blog et tableau interactif animent le quotidien de la classe mais pas seulement : les outils sont des supports pédagogiques pour les élèves et des supports de communication avec les parents, une façon de rendre l’école un peu plus inclusive. Caroline Coudé-Gouiffès était venue présenter son projet au forum des enseignants innovants d’Orléans, depuis il se poursuit, grandit nourri par l’enthousiasme de son initiatrice et les retours ravis des parents et des enfants. Rencontre avec une enseignante passionnée par son métier, par le numérique et ses évolutions.
« J’ai souvenir de m’être toujours mieux imprégnée des savoirs et passions des personnes que j’ai pu rencontrer quand justement elles sont passionnées. » Caroline Coudé- Gouiffès a toujours en mémoire les instituteurs qui lui ont donné envie de découvrir, d’apprendre et sans doute d’enseigner. « Je pense qu’un enfant se construit grâce à ses rencontres et les enseignants sont aux premières loges. » nous dit-elle. Le jardinage, la nature, la cuisine, elle partage à son tour ses passions avec ses élèves et constate avec joie en retour les enthousiasmes qu’elles génèrent « j’étais autant émue et enthousiaste que mes élèves l’année dernière lors des premières pontes d’oeufs d’escargots et éclosions et le blog a pu retracer toute cette histoire, fantastique support de parole de l’enfant ». Donner accès et goût aux apprentissages à tous les enfants, l’enthousiasme est un ingrédient précieux pour traduire en fait l’idée généreuse, et la créativité aussi.
La classe de toute petite section et petite section de Caroline accueille une majorité d’enfants non francophones dans une école située en zone d’éducation prioritaire. Arrivée il y a trois ans à l’école Torigné, elle a auparavant été enseignante « E » dans un Rased. A partir de cette expérience, l’enseignante a ancré la relation avec les parents dans ses pratiques et adopté le blog pour raconter ses pratiques pédagogiques, une façon de partager et de prendre du recul. « En tant qu’enseignante E en RASED, j’ai été amenée à beaucoup rencontrer les parents. C’est là que j’ai vraiment réalisé combien il est important de communiquer ensemble et d’échanger en toute égalité ». Elle pressent que le lien avec l’école est un lien à renouer avec pour les parents. Elle lit, échange avec d’autres enseignants et s’inspire des programmes canadiens de littératie canadienne pour proposer un temps d’accueil le samedi matin où les parents seraient associés à des projets de lecture et d’écriture. Son projet n’a pas vu le jour mais sur les conseils d’une amie, elle l’a raconté dans un article sur son blog (crée lors de l’examen du CAPASH) une première page dans son récit pédagogique des Rased. Quand elle a changé de région, elle a ouvert un blog pour les élèves, « J’avais besoin de trouver et mettre du sens sur mes propres interventions mais en donner aussi aux élèves que je suivais sur une courte période car je changeais d’école à chaque petites vacances. C’est ainsi que j’ai lancé le blog du RASED de Chateaubourg »
A l’école Torigné, le projet d’école vise notamment « l’acquisition des compétences langagières pour favoriser la maîtrise de la langue française et pour mieux communiquer » et considère la diversité culturelle comme une richesse. Il offre à Caroline, une belle occasion de réaliser ses idées de création de liens parents-écoles et de donner un nouveau souffle à ses pratiques numériques. « Très vite, j’ai voulu donner à voir ce qui se fait dans une classe de maternelle pour rassurer. En tant que parent nous avons toujours besoin de l’être quand il s’agit de notre enfant ». Montrer, médiatiser c’est aussi gommer les idées reçues sur la maternelle. « J’ai été vexée et ressenti un vif sentiment d’injustice quand il avait été dit que les enseignants en petite section étaient payés pour changer les couches ! » nous dit elle. Caroline a commencé son récit des activités en classe sur son blog pédagogique personnel. Son inspecteur l’a encouragée, pour des raisons de légalité, à héberger ses travaux sur Educ@rennes, le portail éducatif de la ville de Rennes. Chaque semaine, elle commence par mettre des comptines avec les airs enregistrés pour que les parents puissent chanter avec leur enfant, elle ajoute des photos, des vidéos.
Pour que tous les parents, y compris ceux qui ne lisent pas le français, puissent accéder aux contenus, elle enregistre certains mots. Puis ce sont les élèves eux-mêmes qui enregistrent leurs phrases. « Cet outil vu initialement comme un outil de communication vis à vis des parents est devenu l’outil de mon projet pédagogique dans la classe ». Le projet évolue au fil des idées et des encouragements des parents. « Bonjour je voulais vous dire que c’est toujours bien ce que vous faites bien entendu. Quand Marwa entre à la maison, elle apprend à sa petite soeur de 2 ans les comptines a compter … Et sa sœur sait compter jusqu’à 5 grâce à Marwa et elle chante les comptines grâce à votre blog c’est un moment très sympa à les voir jouer tout en apprenant. Merci. », commente la maman de Marwa sur le blog. Elle continue d’ailleurs à suivre le blog comme d’autres parents dont les enfants ont changé de classe à la rentrée. La mairie de Rennes a équipé la classe d’un tableau interactif et le projet prend un nouvel envol. L’outil favorise les échanges entre les parents et les enfants lors du temps d’accueil le matin. Pour les apprentissages, il constitue un moyen de verbalisation et d’échanges entre les enfants.
Son projet, Caroline ne le vit pas seule. Son mari Serge, informaticien, l’aide à construire des ressources pour exploiter au mieux les potentialités du tableau interactif. Pour la maternelle, peu de ressources existent notamment pour les apprentissages langagiers. Tous les deux, ils avaient déjà mis au point des outils pour favoriser la lecture lorsqu’elle exerçait en Rased. La démarche est pour elle un moyen de matérialiser les connaissances qu’elle acquiert au quotidien par ses lectures ou dans sa classe. « C’est un réel travail à deux, car j’ai les idées qui correspondent à un besoin d’apprentissage, mon mari le met en forme informatique, j’observe les élèves en activité, pense à ce qu’il faut améliorer, aux remédiations qu’apporte mon mari. » TBI suite, leurs logiciels sont en accès libre et gratuit, un choix délibéré pour une enseignante qui a vu ses pratiques limitées par le manque de ressources et leur coût lorsqu’elles existent. « Depuis les quelques années que je participe à mes réseaux de veille pédagogique, par tout ce que j’y apprend et tout ce qui m’enrichit, faire du libre et gratuit est devenu pour moi un choix presque philosophique. Je pense qu’ainsi, par les échanges et le partage, tout peut évoluer plus vite. » explique Caroline.
La ville de Rennes apporte aussi sa pierre à l’édifice. Outre le portail et le tableau interactif, Caroline bénéficie de l’accompagnement de Lucile Magand, chargée de mission Tice pour la ville. Elle l’a aidée dans ses débuts avec le blog, et dans la résolution de tous ces petits problèmes quotidiens qui peuvent freiner à la longue les initiatives. L’année dernière, l’enseignante a constaté que trois familles n’avaient pas accès à Internet. Ils pouvaient consulter le blog le matin lors des temps d’accueil, un temps insuffisant. La Coordonnatrice Education prioritaire, Mireille Buffière, a alors initié un partenariat avec la maison des squares, une maison des quartiers associative pour accueillir les parents et les accompagner dans l’utilisation du blog. Caroline apprécie ce soutien de la ville « Je suis heureuse qu’ils aient eu ainsi confiance pour investir en maternelle. »
Au fil de l’eau, le projet de Caroline Coudé- Gouiffès n’en finit pas d’ancrer la maternelle dans la cité et de laisser les liens se créer avec les parents, avec la ville, avec d’autres enseignants. Il donne à voir toute la richesse des apprentissages en maternelle, pour les enfants mais aussi pour les familles. L’expérience est d’autant plus intéressante qu’elle est menée dans un quartier populaire et montre en quoi l’éducation, lorsqu’elle est ouverte et pensée, a des vertus éminemment démocratiques. « En fait, je fais ce que j’aime et j’aime communiquer ce que j’aime, comme j’adore découvrir et m’enrichir des découvertes de chacun. », nous confie Caroline ; une belle définition du métier d’enseignant.
Monique Royer
Le blog de la classe de Caroline Coudé-Gouiffès
Pour l’an passé
http://www.educarennes.fr/index.php/blog?blog=torign_maternelle
Cette année
http://www.educarennes.fr/index.php/blog?blog=tps_ps_caroline
TBI suite
http://caroline-et-serge.coude.net/tbisuite/logiciels-maternelle-po[…]
Le blog de Caroline Coudé-Gouiffès
Véronique Ribeira s’est déplacée au Forum des enseignants innovants de Nantes pour présenter le travail mené avec son collègue Philippe Guillem en région bordelaise. Ils se sont prêtés au jeu des questions-réponses en tandem, tout comme ils pratiquent leur classe au quotidien… Pour Véronique l’enseignement est une bifurcation après une première vie professionnelle, elle enseigne depuis 12 ans, 7 ans passés en maternelle. Philippe lui a une plus longue carrière : il est enseignant en maternelle depuis bientôt 30 ans et Maître Formateur (en musique), il dit avoir toujours essayé intégrer les nouvelles technologies dans sa pédagogie. Cette veille technologique l’a conduit aujourd’hui à s’intéresser aux réseaux sociaux et de façon plus générale à chercher sur internet des modèles de communication et de voir comment il était possible de les intégrer à une pratique de classe ou de formation.
C’est Philippe qui de par ses tâtonnements numériques a initié le projet
« La problématique de départ était d’améliorer la communication entre l’école, les parents et les élèves. J’utilise déjà depuis plusieurs années un compte Twitter sur lequel les élèves publient des informations choisies sur les activités de la classe, mais le format twitter , très intéressant pour la production d’écrits par les élèves ainsi que pour le travail sur l’initiation aux réseaux sociaux reste cependant limité. L’utilisation d’une tablette tactile pour faire produire aux élèves, de façon quasiment autonome, des documents plus complexes tels que les livres numériques a ouvert le champ de nouvelles pratiques pédagogiques. » Véronique Ribeira lui a emboîté le pas, l’utilisation de la tablette l’aidant à résoudre un obstacle de sa pratique, en maternelle la question de produire de l’écrit chez des enfants non scripteurs constitue en effet un sacré challenge pour bien des collègues : « Les élèves de l’autre classe de Moyenne et Grande Sections ont montré une grande autonomie dans leur découverte d’une tablette l’an dernier : intuitivité, peu de retenue dans leur accès à l’objet, ils ont vite découvert le fonctionnement de la tablette et en ont rapidement remontré au maître. Les applications sur tablettes étant très alléchantes, l’objet tout autant, j’ai voulu m’y intéresser. Or, une partie de ces élèves est dans ma classe cette année. De plus, la production d’écrits me posait des problèmes d’accès au sens. Tous ces questionnements se sont rejoints. »
Quand on les interroge sur les incidences de ce projet sur leur façon de travailler, s’il a modifié leur organisation, à l’interne de la classe, dans le quotidien du vécu, voici leur analyse :
Véronique : « Ce projet est chronophage par rapport aux activités habituelles d’une classe de maternelle. Il a fallu donc modifier les moments de langage pour les attribuer à la dictée des messages destinés au blog. Cependant, les progrès des élèves, leur intérêt, les interactions générées, l’accès au sens et à l’autonomie sont très motivants, tout comme le fait qu’ils soient acteurs de leurs apprentissages. Aussi, ce projet me conforte dans ces axes de travail. Auparavant, la rédaction des compte-rendus d’activités de classe en direction de l’extérieur ne me satisfaisait pas : les parents trouvaient la feuille dans le classeur de travail à des fréquences trop rares, très décalées par rapport au vécu des élèves, et dans une présentation noir et blanc (photocopies) peu esthétique. Dans ce projet, la lecture des compte-rendus est quasiment immédiate, la couleur est de mise, la mise en page est facilitée. Les élèves sont davantage acteurs de la présentation des textes et l’administration du blog s’avère à la portée de tout enseignant. »
Philippe : « La création de ces livres numérique par les élèves a l’immense intérêt de susciter l’adhésion des élèves aux projets proposés. Actuellement deux types de projets sont menés dans la classe.
– Les écrits de mémoires : garder des traces, et pouvoir présenter des productions éphémères telles que celles réalisées au moment de l’accueil avec des jeux de construction, de l’argile ou lors des fabrications d’objets en trois dimensions… Dans ces activités les élèves prennent des photos de leur réalisation, les intègrent sur une page de livre et ajoutent leur prénom ; ils sont totalement autonomes dans cette activité.
– Les « reportages » sur certains moments de classe : Comment avons nous décoré la classe pour Noël, comment avons nous fait pour réaliser une couronne des roi… Dans ce cas le la structure du document (chronologie, choix des illustrations…) est discutée en classe et les textes sont élaborés par les élèves sous dictée à l’adulte.
Les stratégies pédagogiques n’ont pas réellement été modifiées par l’utilisation des tablettes puisque la dictée à l’adulte n’est pas une pratique récente, elle est tirée des processus pédagogiques inspirés des pédagogies actives héritées elles mêmes des travaux de Celestin Freinet au début du 20eme. L’idée est avant tout de partir des idées, des productions et du désir des élèves, pour les accompagner dans leurs projet et y intégrer des apprentissages. Une pensée pédagogique préexistante utilise simplement de nouveaux outils. Twitter ou les tablettes ne sont que la déclinaison actuelle de l’atelier d’imprimerie de Freinet. » Tous deux constatent que leur expérience fait tache d’huile au sein de leur équipe : leurs collègues semblent eux aussi vouloir apprendre à domestiquer la tablette et Véronique précise que les usages se développent : le matériel informatique et audio-visuel de l’école est utilisé de façon plus régulière.
On retrouve dans votre expérience le fait que l’enseignant, celui qui organise le cadre de la classe, accepte de ne pas tout maîtriser, de laisser place au hasard, peut être un petit bout de la sérendipidité telle que la présentait Laurence Juin également au forum … Penser l’imprévu… Une autre facette du travail de l’enseignant ?
Véronique : « En terme de « maîtrise », l’enseignant doit accepter de se décentrer, de se désengager des débats, en prenant le risque de laisser les élèves proposer des choses auxquelles il n’avait pas pensé. C’est un autre positionnement : laisser la parole aux élèves, avoir confiance en leurs précédents apprentissages et en leur capacité à s’appuyer les uns sur les autres. L’accès au monde numérique ne me pose pas de problème, par contre, le côté tactile et intuitif me demande davantage d’adaptation. Les élèves ne pensent pas forcément, dans le contenu de leurs messages, à tous les détails nécessaires. Mais les réactions des lecteurs des messages sur le blog les amènent à prendre en compte leurs réactions. L’enseignant doit donc se mettre en retrait et être patient. La fréquence des messages (1 par semaine en moyenne) fait que les élèves saisissent les textes rarement et oublient l’ergonomie de l’application. Leur autonomie n’est donc pas encore suffisante et devra être travaillée davantage. La tablette tactile est un élément pédagogique intéressant : elle permet l’essai, l’erreur et la correction et autorise ainsi les élèves à s’engager dans l’action sans crainte. Mais elle ne doit pas faire perdre de vue qu’elle n’est qu’un outil qui doit se mettre au service des apprentissages, et non l’inverse. »
Philippe : « Avant tout cela demande une « auto »formation continuelle aux nouvelle technologies, et un questionnement permanent sur l’apport possible à la pédagogie. Cela suppose des essais, des fausses pistes bien sur et une remise en question professionnelle permanente. Cela demande aussi beaucoup de lâcher prise sur la maîtrise de la classe pour pouvoir intégrer rapidement les idées et propositions des élèves. »
Mais innover ce sont aussi des difficultés à contourner …
Philippe : « Les résistances sont venues particulièrement de l’accès au matériel, tablette et accès au réseau en classe mais c’est un élément contextuel, ce n’est pas le cas partout. Le réseau en maternelle n’est pas non plus une évidence pour tous. Du côté de l’institution, le fait que je sois maître formateur et localement considéré comme un « expert » en TICE fait que mes activité sont accueillies et soutenues avec bienveillance mais aussi avec une certaines prudence quant à la sortie du cadre expérimental. »
Au forum on présente des expérimentations qui suivent encore leur cours, alors dans votre cas, comment comptez-vous faire évoluer votre projet, quelles suites à venir, quelles nouvelles pistes à explorer ?
Véronique : « Lors de la saisie des textes, leur longueur a posé des problèmes, car la plupart des élèves sont très lents. J’ai donc choisi de prendre en charge une partie de la saisie, et de proposer de dicter des messages plus courts. Au bout de quelques mois de dictée de messages, certains élèves ont eu l’idée d’annoncer des événements de classe à venir. Nous avons donc abordé « l’annonce ». Ce projet porte ses fruits en terme d’implication des élèves, il me permet de m’extraire de ma position de maîtrise en mettant les élèves au centre du processus d’apprentissage. C’est pourquoi je compte bien le poursuivre l’an prochain, d’autant plus que les futurs élèves de Grande Section auront, pour la plupart, travaillé avec Twitter. Cette continuité des apprentissages rend cohérente l’orientation vers le monde numérique que nous donnons dans l’école. Il serait bienvenu de développer un échange avec les CP, mais le temps leur manque… »
Philippe : Tout évolue très vite… ! L’an dernier la tablette était utilisée comme cahier de vie numérique qui allait dans les familles, cette année les élèves l’utilisent de façon autonome pour produire des documents numériques. Je viens d’essayer récemment la plate forme « Storify » pour compiler les messages twitts écrits par les élèves sur un thème particulier. Cela a pour conséquence la mise en place de nouvelles situations d’écriture. Pour les projets à venir, cela déprendra des pratiques émergentes sur le réseau et de l’évolution du matériel ainsi que de la volonté des parents d’utiliser le web 2,0 pour entrer en relation avec l’école. Cela dépendra aussi des éléments imprévisibles qui feront qu’un projet particulier pourra voir le jour. Ces derniers jours un concours de twitt lors de la semaine digitale à bordeaux (Festival de Twittérature) a débouché sur un projet inédit.
http://fragmentsdeclasse.blogspot.fr/2013/03/un-calli-twitt-vous-av[…]
Difficilement prévisible mais tellement riche pédagogiquement ! »
Au départ votre but était de mieux associer les familles au travail mené en classe, alors pari réussi ?
Véronique : « Les élèves sont davantage impliqués dans la dictée des textes. Ils réutilisent des connaissances grammaticales (le «on » est remplacé par le « nous »), pensent les contenus en fonction de ce que vont recevoir les lecteurs, se questionnent sur ce qu’ils vont en comprendre. Lors de la lecture des commentaires de leurs lecteurs, ils cherchent à comprendre ce que ceux-ci leur disent, ce qu’il faut répondre lorsque c’est nécessaire. Du côté des parents, les commentaires viennent toujours des mêmes familles, mais le blog est lu avec les enfants dans plusieurs foyers. Les retours parentaux sont positifs, l’ergonomie du blog et sa présentation étant jugés agréables. »
Philippe : « Les enfants sont un peu plus intéressés par le fait d’écrire, mais pas tant que cela ; ce qui me paraît important c’est que l’écrit prend véritablement prend plus de sens pour eux car ils sont installés dans une véritable pratique. Les élèves sont à même de penser de l’écrit de le formaliser ce qui est prépondérant dans l’apprentissage de la lecture. Les parents qui se manifestent sur le réseau et qui encouragent les travaux de la classe sont un facteur de motivation important pour les élèves (et pour l’enseignant). Il reste encore des représentations à transformer, des habitudes à changer pour amener plus de parents dans les mondes numériques de l’éducation. Cela viendra. »
Propos recueillis par Lucie Gillet
Le blog de Philippe Guillem :
Fragments de classe :
http://fragmentsdeclasse.blogspot.fr/
Une interview de Philippe Guillem lors de la 3ème semaine digitale de Bordeaux ici :
http://www.dailymotion.com/video/xylx8g_interview-de-philippe-guil[…]